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10 décembre 1967. Otis Redding est hissé hors du lac aussi mort qu’un hareng congelé

mercredi 10 décembre 2014

Malgré un froid épouvantable le Beechcraft d’Otis décolle avant d’achever son vol dans un lac gelé. Seul le trompettiste survit.

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 10 décembre 1967, Otis Redding n’a que 26 ans lorsque son avion privé se crashe dans un lac. Seul le jeune trompettiste Ben Cauley, 20 ans, a le réflexe de détacher sa ceinture juste avant le plongeon fatal dans le lac Monona (Wisconsin). "Tout ce dont je me souviens, c’est que je me suis réveillé. Impossible de respirer. J’ai entendu Phalon dire : Oh non ! Il était assis de l’autre côté de l’allée. J’ai retenu mon souffle, détaché ma ceinture de sécurité et j’ai saisi un coussin."

Petit retour en arrière. Vers midi, Otis et ses musiciens du groupe The Bar-Kays se rendent à l’aéroport de Cleveland pour embarquer dans un vieux Beechcraft. La star du rhythm and blues se l’est offert pour faciliter ses déplacements. Il n’y a que six places à bord. Otis s’installe sur le siège du copilote, Ben Cauley, Phalon Jones (saxophoniste ténor, 19 ans), Carl Cunningham (batteur, 18 ans), Ronnie Caldwell (organiste, 19 ans), et Matthew Kelly (apprenti batteur, 17 ans), qui sert de secrétaire à Otis, prennent place à l’arrière. Reste le bassiste James Alexander (19 ans) qui se dévoue pour emprunter un vol régulier à destination de Madison, ville de leur prochain engagement. Cela lui sauve la vie.

"Dieu était avec moi"

Cauley raconte : "Nous avions achevé un concert à l’université Vanderbilt et nous nous étions rendus au hangar. Un des gars a dit qu’il faisait froid dans la cabine et a demandé à un employé du hangar de mettre en marche le chauffage électrique pour réchauffer celle-ci. Mais l’employé a refusé, affirmant que la batterie était presque vide et que nous ferions mieux d’attendre que le pilote démarre l’avion." Celui-ci finit par arriver et décide de voler malgré le mauvais temps. Le plafond nuageux à Madison est de seulement 30 mètres, ce qui nécessitera un atterrissage aux instruments. Après le décollage, comme il n’y a rien à manger à bord, les passagers s’installent pour piquer un roupillon.

Pour une raison restée inconnue, le Beechcraft rate la piste d’atterrissage de Madison de cinq kilomètres. Il s’abat sur le lac gelé de Monona. Son nez passe au travers de la glace pour se ficher dans la vase située une douzaine de mètres dessous. Seule la queue reste émergée. Sous le choc, la carlingue s’est ouverte. Cauley raconte : "Je suppose que Dieu était avec moi. Je m’étais endormi. Je me souviens de m’être réveillé parce que je ne parvenais plus à respirer. Le moteur faisait un bruit terrible, et j’ai eu l’impression terrifiante de tomber dans le vide. J’ai pensé que l’avion était dans un trou d’air. J’ai entendu Phalon grommeler : Oh non ! Juste ça. Oh non ! Et je me suis tourné pour lui dire quelque chose, mais je n’ai pas pu parce que je ne pouvais pas respirer. Je me suis penché et j’ai détaché ma ceinture de sécurité. Je ne sais pas pourquoi, je me suis juste penché et je l’ai détachée. Cela m’a probablement sauvé la vie. Je ne sais pas. Dieu devait être avec moi."

Redding, partiellement congelé

Le jeune Cauley n’a aucun souvenir du crash. Il se voit simplement dans l’eau gelée en train de lutter pour ne pas couler. "Je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie. J’ai entendu crier au secours et j’ai vu que c’était Ronnie. Il était à environ deux mètres... non, à environ dix mètres. J’ai voulu nager vers lui, mais, avant que j’y arrive, il a coulé. Puis j’ai entendu Carl hurler, mais il était encore plus loin. Et il a coulé en quelques secondes. J’ai senti que je coulais aussi et je me suis accroché encore plus fort au coussin. Tout ce dont je me souviens ensuite, c’est de la police me hissant sur le bateau."

L’alerte est donnée par un riverain du lac qui assiste au crash. Vingt minutes plus tard, la police arrive sur les lieux avec une vedette, juste à temps pour tirer hors de l’eau Cauley, qui est sur le point de se laisser couler, à bout de forces. L’eau est si froide que les plongeurs de la police ne parviennent pas à y rester plus de 15 minutes. Ce n’est que le lendemain que le corps d’Otis Redding est hissé hors de l’eau, encore attaché sur son siège (voir vidéo ci-dessous), partiellement congelé. La nouvelle de sa mort plonge le pays dans le deuil. Aretha Franklin, Mister Dynamite (James Brown), les Beatles... : tous les artistes appréciant le nouveau roi du rhythm and blues veulent se rendre à son enterrement programmé le 18 décembre, dans la ville de son enfance, Macon.

"J’enverrai mon avion vous chercher"

Otis Redding naît non loin de là, à Dawson, le 9 septembre 1941. Il abandonne rapidement l’école pour enchaîner les petits boulots, tout en tenant la batterie d’un groupe de gospel. La star du blues locale, Johnny Jenkins, l’engage dans son groupe, les Pinetoppers. Il enregistre sa première ballade en solo, These Arms of Mine. Petit succès qui lui permet de poursuivre les enregistrements. Ses chansons douces le font accéder à la gloire (I’ve Been Loving You Too Long). Ses titres plus rythmés accompagnés par des cuivres séduisent moins. En 1965, c’est déjà une grosse vedette du rhythm and blues. Il traîne derrière lui un orchestre de dix-huit musiciens. Mais celui-ci lui coûte trop cher, il doit s’en séparer. C’est à ce moment qu’il engage pour l’accompagner un groupe, The Bar-Kays, qu’il voit jouer dans un club de Macon. Ceux-ci sont, bien évidemment, fous de joie, mais la plupart sont encore au lycée. Impossible de partir en tournée. "J’enverrai mon avion vous chercher le vendredi soir", leur répond-il.

Au cours de l’automne 1967, Otis est hospitalisé, pour faire retirer deux polypes sur ses cordes vocales, à l’hôpital Mount Sinai de New York. Comme il lui est interdit de parler, il en profite pour travailler sur plusieurs morceaux, dont son plus grand tube, (Sittin’ On) The Dock of the Bay, qu’il enregistre avec le guitariste-producteur Steve Cropper. La séance d’enregistrement n’a pas lieu trois jours avant sa mort, comme on l’a souvent écrit, mais le 22 novembre. Le 8 décembre, il ajoute simplement des overdubs (des sons sur des pistes déjà enregistrées). Otis remonte sur scène le 2 décembre 1967. Le vendredi 8 décembre, ses musiciens et lui jouent à l’université Vanderbilt à Nashville, le lendemain ils sont à Cleveland où ils enregistrent leur dernière émission de télévision, Upbeat. Le soir, ils se produisent encore dans un petit club, le Leo’s Casino. Le lendemain est leur dernier jour. I’ve been loving you... Otis.

Aujourd’hui, cadeau pour les grincheux, nous n’avons trouvé aucune mauvaise blague à faire
C’est également arrivé un 10 décembre

1997 - Elton John donne 45 millions de dollars au fonds Diana.

1993 - Premier voyage officiel du train reliant la France et l’Angleterre, par le tunnel sous la Manche.

1971 - Le chanteur Frank Zappa est agressé par le fiancé jaloux d’une de ses fans.

1953 - À Chicago, publication du premier numéro de Playboy avec Marilyn Monroe en couverture.

1948 - L’Assemblée générale des États-Unis proclame la Déclaration universelle des droits de l’homme.

1936 - Le roi Édouard VIII abdique en faveur de son frère, préférant son Américaine divorcée au trône.

1915 - Ford assemble sa millionième Ford T à Detroit.

1913 - La Joconde est retrouvée à Florence plus de deux ans après sa disparition du Louvre.

1902 - Inauguration du premier barrage d’Assouan sur le Nil.

1901 - Première remise des prix Nobel à Stockholm.

1898 - Le traité de Paris met fin à la guerre hispano-américaine.

1896 - Première d’Ubu roi d’Alfred Jarry.

1799 - Adoption par la France du système métrique.

1582 - Adoption par la France du calendrier grégorien


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