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19 juin 1953. Les époux Rosenberg sont envoyés sur la chaise électrique après un procès truqué.

vendredi 19 juin 2015

En pleine guerre froide, ces deux véritables espions rouges servent de boucs émissaires aux États Unis.

À Sing Sing, les époux Rosenberg peuvent encore échapper à la chaise électrique s’ils acceptent de reconnaître leur culpabilité et de balancer leurs complices. Mais ils s’y refusent, continuant à clamer leur innocence, même si on sait, aujourd’hui, qu’ils mentaient ! Puisqu’ils s’entêtent, les gardiens les conduisent dans la pièce où ils sont attendus par la fée électricité. Honneur aux hommes. Julius s’installe sur la chaise. La première décharge lui est fatale. C’est maintenant au tour d’Éthel. C’est une dure à cuire, les premières électrocutions ne suffisent pas à la tuer, alors l’exécuteur augmente la dose au point de lui faire fumer la tête. Et de deux ! C’est la toute première fois qu’une juridiction civile des États-Unis prononce la peine de mort dans une affaire dite d’espionnage. L’élan de protestation mondiale contre l’exécution des époux Rosenberg n’a pas suffi à les sauver.

La condamnation des époux Rosenberg est la conséquence d’une énorme parano qui saisit tout un pays quand, en août 1949, l’URSS procède à son premier essai d’une bombe A. Quatre ans seulement après les États-Unis. Forcément, ces salauds de Rouges sont parvenus à la concevoir parce que des espions leur ont livré les secrets de fabrication. Le gouvernement déchaîne une violente campagne de presse contre ceux qui ont volé le secret atomique pour le filer aux Russes. Une fantastique chasse aux rouges s’organise, avec à sa tête le sénateur McCarthy. Le nom de Julius Rosenberg est livré aux autorités américaines par son propre beau-frère, le frère d’Ethel ! David Greenglass l’accuse d’être le cerveau d’un vaste réseau d’espionnage au profit des Soviétiques.

Juif et coco

En fait, Greenglass dénonce son beau-frère pour sauver sa peau. Lui-même a été dénoncé comme rouge alors qu’il a travaillé à Los Alamos sur le Manhattan Project comme simple ouvrier. La commission anti-rouges lui a promis la clémence s’il livrait le nom de ses complices. Alors, il balance Jean Ferrat..., puis son beau-frère Julius, un ingénieur électricien qui est un fervent communiste. Rosenberg est arrêté le 17 juillet 1950. Juif et coco, c’est le coupable idéal ! Mais voilà que l’animal ne veut pas jouer le jeu. Contrairement à ceux qui l’ont précédé, il refuse de dénoncer d’éventuels complices. Il se prétend même innocent.

Pour lui faire cracher le morceau, le FBI arrête sa femme, Ethel, le 11 août. Julius n’avoue toujours rien. Le FBI s’en prend alors à son ami Morton Sobell, physicien... Rien à faire, il clame une nouvelle fois son innocence avec la même énergie que Sarkozy affirmant n’avoir jamais suivi de près les comptes de sa campagne présidentielle... Le 8 février 1951, des fonctionnaires du ministère de la Justice, des sénateurs et des membres de la Commission atomique, réunis secrètement, conviennent des peines à infliger à Julius et à Ethel avant même le début du procès : pour lui, la chaise électrique, et, pour elle, 25 ou 30 ans de prison. Si avec ça Julius ne se décide pas à parler...

Parodie de procès

Le simili-procès s’ouvre le 6 mars 1951. Le juge Kaufman agite son petit marteau et se gratte le menton comme si c’était un vrai procès, alors qu’il s’est déjà engagé à prononcer les peines arrêtées par le comité secret auprès du procureur adjoint Roy Cohn, le bras droit de McCarthy. Officiellement, les audiences doivent répondre à la question suivante : "Y a-t-il eu complot en vue de transmettre des informations secrètes à une puissance étrangère ?" Mais à la suite d’une campagne de presse intensive orchestrée par McCarthy et sa clique, elle devient : "Les Rosenberg ont-ils filé aux Russes la bombe A susceptible d’anéantir le pays ?"

Mais où est donc Mediapart pour dénoncer cette chasse aux sorcières ? Le procès n’est qu’une parodie, faisant défiler des témoins peu crédibles, proposant des pièces à conviction fabriquées de toutes pièces. Le juge change même la peine de prison prévue pour Ethel en une sympathique condamnation à mort. Mais Julius n’avoue toujours pas. Kaufman s’en frotte les mains : deux rouges contre un éventuel siège à la Cour suprême, ce n’est pas si mal. Comme prévu, les jurés déclarent les Rosenberg coupables, le 5 avril 1951. Sans qu’aucune preuve matérielle soit produite contre eux, juste des témoignages oraux.

Sont-ils coupables ?

Dans le monde entier, leur condamnation déclenche l’indignation. Des comités de soutien se créent en Angleterre, en Autriche, en Belgique, en Suède, en Allemagne, en Irlande, en Israël... Et évidemment en France, avec le Comité de défense des Rosenberg, dans lequel on retrouve Aragon, Montand, Picasso, Signoret, Bazin... (encore en activité en 2012, sous le nom d’Association pour le réexamen de l’affaire Rosenberg). Jusqu’à l’exécution des Rosenberg, toutes les demandes de réexamen du procès sont systématiquement rejetées. Rien ne réussit à arracher leur grâce au président Eisenhower. Le 19 juin 1953, les deux époux Rosenberg sont donc exécutés. Mais leur mort n’arrêtera pas l’"affaire".

Sont-ils coupables ? Sont-ils innocents ? Aujourd’hui encore, 60 ans après leur disparition, de nombreux passionnés continuent à instruire leur procès à charge ou à décharge... Pour beaucoup, le procès aurait été une honteuse machination. Les langues se délient, comme celle du procureur adjoint Roy Cohn avouant les pressions qu’il a exercées sur Greenglass et sur le juge Kaufman durant le procès dans une autobiographie parue après sa mort en 1988. Ce que confirme David Greenglass en 2001 sur la chaîne CBS, quand il avoue avoir accusé sa soeur Ethel sous la pression du FBI.

Bel et bien coupables

Pour d’autres, les Rosenberg l’ont bien cherché, car le décryptage par la CIA de messages échangés de 1943 à 1945 entre l’antenne du service secret soviétique à New York et son centre à Moscou dans le cadre de l’opération Venona, présenté en 1995, prouve bien l’implication de Julius Rosenberg dans un réseau d’espionnage au profit de l’URSS. En attendant, de nombreuses associations à travers le monde réclament encore aujourd’hui le réexamen de l’affaire Rosenberg. Le procès était visiblement arrangé, la double condamnation à mort excessive, mais Julius était bel et bien espion pour les Soviétiques, même si cela n’a pas été prouvé à l’époque de son procès. Quant à Ethel, son plus gros tort a finalement été d’avoir eu... un frère.


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