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19 mars 1895. Tournage de la première des trois versions de "La sortie des usines Lumière".

jeudi 19 mars 2015

Celui qu’on présente comme le premier film des frères Lumière est, en réalité, la troisième version, objet d’une mise en scène.


Quel cinéphile n’a pas écrasé une larme émue en visionnant La sortie des usines Lumière, tout premier film projeté sur un écran ? Qu’elles sont mimi, ces ouvrières lyonnaises surprises après une journée de dur boulot ! On ne voudrait pas jouer les rabat-joie, mais tout ce que vous voyez à l’écran, c’est de la mise en scène ! Premiers réalisateurs au monde, les frères Lumière ont également été les premiers menteurs du cinéma. Les premiers manipulateurs. Louis et Auguste ont tourné trois versions de leur Sortie des usines Lumière. La première, datée du 19 mars 1895, ne leur convenant pas, ils l’ont retournée à deux reprises, l’été suivant. C’est l’une d’elles qu’ils utiliseront lors de la première projection commerciale du film à Paris et des suivantes.

Reprenons depuis le début. Le 13 février 1895, les frères Lumière déposent le brevet d’un "appareil servant à l’obtention et à la vision des épreuves chronophotographiques". À plusieurs reprises, ils essaient avec succès leur caméra-projecteur, saisissant ainsi quelques secondes de film. Ils veulent maintenant tourner quelque chose d’un peu plus consistant. Ils se mettent d’accord pour filmer la sortie de leur usine, dans laquelle les ouvrières fabriquent des plaques photographiques. Mais il faut beaucoup de lumière pour impressionner les premiers films en celluloïd, qu’un de leurs contremaîtres est allé acheter directement chez le fabricant, à New York. Or, la météo n’est pas d’humeur cinématographique. Les giboulées ne cessent d’obscurcir le ciel. Il faut patienter. Enfin, le mardi 19 mars 1895, en se levant, les deux frères Lumière découvrent un ciel bleu !

Silence, on tourne !

En fin de matinée, Lumière et Lumière installent leur caméra dans la salle à manger de leur contremaître Vernier, dont la fenêtre donne sur leur usine. Elle ressemble à un gros moustique avec un corps constitué d’une lourde boîte en bois portant un gros oeil de verre sur l’avant et une manivelle sur le côté. À l’intérieur, des rouages savants pour faire défiler derrière l’objectif le film perforé ; une bande de celluloïd de 17 mètres de long. L’inventeur du mécanisme, c’est Louis, qui a trouvé l’inspiration dans une machine à coudre... À midi, la sirène de l’usine libérant le personnel retentit. Le soleil est toujours présent. Silence, on tourne !

Louis attrape la manivelle pour la tourner aussi régulièrement que possible à raison de deux tours par seconde, ce qui permet d’impressionner quinze images, toujours par seconde. Il a calculé que c’est amplement suffisant pour assurer une fluidité des mouvements tout en disposant d’une quarantaine de secondes de tournage. Les ouvrières, pas conscientes de poser pour l’éternité, sortent pour se répandre dans la rue. Au milieu d’elles, quelques hommes à la belle moustache. Les femmes sont en blouse blanche et coiffées de grands chapeaux. Les hommes portent la casquette. Le gros chien du concierge, cabot comme pas un, traverse la scène en jappant. Une voiture attelée à un cheval noir se fraie un chemin entre les ouvriers. Soudain, la manivelle tourne dans le vide. La bobine est arrivée en fin de course avant la fin de la sortie. Dommage.

Choc

La première projection officielle du film se déroule trois jours plus tard lors d’une conférence tenue à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, rue de Rennes, à Paris. Louis y évoque le développement de l’industrie photographique. Et pour esquisser l’avenir de celle-ci, il convoque son petit film. En vedette américaine. La projection fait un carton. Tous les vieux messieurs présents ce jour-là sont émoustillés par ces petites jeunettes si vivantes à l’écran. C’est un choc. Léon Gaumont, alors directeur du Comptoir général de la photographie, est époustouflé.

Les frères Lumière, qui ont la bosse du commerce, comprennent qu’avec leur modeste invention ils tiennent un bon filon pour faire de l’argent. Comme Thomas Edison, avec son kinétoscope qui montre des images animées dans une lunette. Ou comme d’autres inventeurs encore qui expérimentent des procédés différents, tombés dans l’oubli.

Mise en scène

Alors, ils se mettent à tourner d’autres petits films documentaires avec une version améliorée de leur caméra : La voltige, Les forgerons, La pêche aux poissons rouges, L’incendie d’une maison, Le jardinier, Le repas de bébé... Une douzaine de projections privées sont organisées, à Paris, à La Ciotat, à Bruxelles, à Lyon, à Grenoble... Puis ils décident de retourner leur Sortie des usines Lumière, car sa fin tronquée ne les satisfait pas. En mai ou en juillet, on ne sait pas trop, 1895, ils sont de nouveau chez leur contremaître, la caméra braquée sur le portail de leur usine.

Mais, aujourd’hui, c’est un dimanche, et on ne travaille pas. Aussi, les frères Lumière ont demandé à leurs ouvriers de simuler la scène après avoir assisté à la messe. Voilà pourquoi sur le film on les voit endimanchés. On ne met pas de grands chapeaux et des robes amples pour travailler en usine ! Avec, déjà, l’habileté des frères Coen, les frères Lumière ont savamment pensé la mise en scène. Ils demandent à leurs employés de partir vers la droite ou vers la gauche pour bien se montrer et d’accélérer la manoeuvre afin de pouvoir refermer le portail avant la fin de la bobine. Ils font même une deuxième prise. C’est finalement celle-ci qui est choisie pour la première projection publique et payante au monde, dans le Salon indien du Grand Café de Paris, le 28 décembre 1895. Sacrés frères Lumière
C’est également arrivé un 19 mars

2003 - George Bush annonce à la télévision le début de l’opération Freedom supposée libérer l’Irak.

1992 - Drame à Buckingham : Andrew et Fergie annoncent leur séparation.

1962 - Bob Dylan sort son premier album.

1953 - Cecil B. DeMille remporte son seul oscar pour Sous le plus grand chapiteau du monde, avec Charlton Heston.

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1842 - Balzac connaît un cuisant échec avec sa pièce Les ressources de Quinola, jouée au théâtre de l’Odéon.

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1563 - L’édit d’Amboise met fin à la première guerre de religion.

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