MosaikHub Magazine

7 avril 1498. La mort idiote du roi Charles VIII qui oublie de baisser la tête en passant une porte.

mardi 7 avril 2015

Le jeune souverain n’a que 27 ans quand il se fend le crâne dans un couloir de son château d’Amboise servant de pissotière.


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Pour un roi, il y a plus d’une façon de mourir noblement : assassiné comme Henri IV, le cou tranché comme Louis XVI, victime de la dysenterie comme Saint-Louis ou encore blessé mortellement lors d’un tournoi comme Henri II. Mais mourir pour avoir oublié de baisser la tête, c’est rageant... Le 7 avril 1498, Charles débute sa dernière journée sur terre par une partie de chasse, puis il déjeune dans ses appartements du château d’Amboise avant de rendre visite à son épouse Anne de Bretagne dans ses appartements. La jeune femme a accouché il y a peu d’une fille mort-née. Pour la distraire, son époux royal l’invite à assister à une partie de jeu de paume dans les fossés du château. Le couple traverse la cour et les appartements du roi, descend un escalier débouchant sur une porte basse. Derrière celle-ci, il y a une galerie conduisant à la salle du jeu de paume. Petit détail peu ragoûtant, la galerie en question sert habituellement de pissotière aux habitants du château. Autant dire qu’il y règne une odeur peu folichonne pour une dame se relevant de couches.

Empuantie par l’urine

Mais peu importe, Charles VIII n’a pas la tête à s’offusquer, car celle-ci cogne brutalement le linteau de la porte basse. Légèrement étourdi, le souverain poursuit son chemin, suivi de la reine Anne. Il s’assoit dans sa loge, assiste aux premiers échanges des joueurs, échange lui-même quelques mots avec son entourage quand, sans que rien ne le laisse présager, il tombe à la renverse. On se précipite, on l’interroge. Il est incapable de répondre. Un valet court avertir les médecins, qui font allonger Charles sur une paillasse déposée dans la galerie empuantie par l’urine, avant de le faire porter dans ses appartements. Impuissants à trouver le remède adéquat, les médecins mandatés de l’hôpital de Grenoble ordonnent à tout hasard une saignée, qui ne produit aucun effet. Selon son confesseur, par trois fois le roi parvient à prononcer ces paroles : "Mon Dieu et la glorieuse Vierge Marie, monseigneur saint Claude et monseigneur saint Blaise me soient en aide." Soit ils sont sourds, soit ils ont d’autres urgences, car à 23 heures, le roi de France rend son dernier souffle. Tué par un linteau !

Dès le lendemain, son cousin Louis d’Orléans, héritier du trône (le roi n’a pas d’enfant), accourt saluer la dépouille de Charles. Mais il doit s’éclipser rapidement : il lui faut respecter l’usage qui veut que la reine reste cloîtrée durant 40 jours pour attendre un éventuel accouchement qui pourrait donner un héritier au roi défunt, ce qui serait étonnant dans le cas d’Anne de Bretagne, qui vient de faire une fausse couche, faut-il le rappeler ? Mais l’usage, c’est l’usage. À noter que Louis épousera Anne de Bretagne, ce qui la fera deux fois reine.

Autre raison au départ rapide de Louis : il ne peut pas rester en présence du cadavre de Charles, car celui-ci est toujours considéré comme le roi tant que la cérémonie de l’effigie ne s’est pas déroulée. Or, deux rois de France ne peuvent pas coexister.

Embaumement et double sépulture

Quelques heures après son décès, le corps de Charles VIII est soumis à une toilette mortuaire consistant principalement à prélever ses entrailles et son coeur. De son vivant, il a demandé à ce qu’ils soient placés près de la dépouille de ses parents, en l’église de Cléry-Saint-André. Le corps de Charles est ensuite revêtu des atours royaux et déposé sur son lit. Trente mendiants le veillent, ainsi que quinze minimes et quinze cordeliers. Après trois jours d’exposition, la dépouille royale est entièrement déshabillée pour être placée dans deux cercueils s’emboîtant l’un dans l’autre, le premier en plomb, le deuxième en bois. L’ensemble est alors disposé dans une chambre de deuil parée de noir. Durant plus d’une semaine, toute la noblesse, les hommes d’Église et les serviteurs défilent jour et nuit pour rendre hommage à leur souverain défunt. Chaque jour, quatre messes sont dites.

Le 18 avril, le défunt Charles entreprend son dernier voyage jusqu’à l’abbaye royale de Saint-Denis. Durant dix jours, la procession royale, comptant environ mille personnes, chemine sur les routes de France. Quatre cents pauvres en manteau de deuil, capuchon sur la tête et torche à la main, ouvrent la marche. Ils sont suivis, dans l’ordre, des cent lanciers du roi à cheval, quarante gens de l’hôtel du roi, des gentilshommes de la maison du roi entourés d’huissiers d’armes et de trompettes, de sergents, de pages et de hérauts d’armes. Derrière, voilà le chariot mortuaire tiré par six chevaux recouverts de noir, montés par six palefreniers. Ce n’est pas fini, voilà encore les mendiants, les princes de sang, les chevaliers de l’ordre et autres gentilshommes. Le spectacle est magnifique et émouvant. Chaque soir, le cortège fait halte dans une église pour que le peuple puisse venir rendre hommage au roi. Le 29 avril, le corps de Charles VIII atteint enfin Paris. Il est déposé dans l’église Notre-Dame-des-Champs.

Une effigie pleine de vie

Le temps de ce périple, des artisans confectionnent une effigie de Charles constituée d’un mannequin de bois doté d’une tête et de mains en cire. Le masque a été moulé sur le visage du défunt. L’effigie est revêtue des habits de Charles VIII : une robe de taffetas cramoisi avec franges d’or et une seconde de satin. Plus un manteau de velours semé de lys d’or et doublé d’hermine. La "belle au roi dormant" tient son sceptre et la main de justice ; sur sa tête, on pose une couronne d’or. La couche est surmontée d’un dais. Le souverain donne l’impression de dormir. À noter que les effigies des rois suivants se verront présenter des plats pour perpétuer l’idée d’un roi toujours vivant. Ce double marque "la victoire de la renommée sur la mort" (dixit Didier Le Fur).

Pendant que le corps symbolique du roi reçoit tous les hommages, son corps réel, entièrement nu dans son cercueil, attend à l’écart. Le 29 avril au matin, l’effigie est convoyée en grande pompe jusqu’à Notre-Dame, entourée de l’ensemble de la noblesse, des représentants de l’Église, du Parlement, des corps de métier... Le futur Louis XII est toujours absent, car il serait malvenu de mettre en présence deux rois de France, le "mort vivant" et le vivant. Le cercueil renfermant la dépouille royale suit.

Les deux Charles VIIII, le cadavre et son effigie, sont déposés dans une chapelle ardente bâtie dans le choeur de la cathédrale Notre-Dame où a lieu une nouvelle cérémonie. Le lendemain, la dépouille du roi est transportée à l’abbaye Saint-Denis. Ce sont de nouveau des messes et des discours. Finalement, le cercueil est descendu dans la fosse. Le grand chambellan abaisse la bannière et dit : "Le roi est mort." Le grand écuyer répète ces paroles en pointant son épée vers le corps, puis la relevant aussitôt, il s’exclame : "Vive le roi !" Cri repris par toute l’assistance. À ce moment seulement, Louis XII devient le seul et unique roi de France. L’effigie est démantelée.

C’est également arrivé un 7 avril

2010 - Premier essai de l’avion solaire Solar Impulse à Payerne en Suisse.

2004 - Des morceaux de l’avion d’Antoine de Saint-Exupéry disparu depuis six décennies sont découverts au large de Marseille.

1994 - Début du génocide au Rwanda qui fera 800 000 victimes tutsi et hutu.

1969 - Création du réseau Arpanet, l’ancêtre d’Internet.

1966 - Récupération d’une bombe H intacte perdue par l’US Air Force depuis 80 jours en mer au large de Palomarès, en Espagne.

1945 - L’aéronavale américaine coule le Yamato, le plus gros bâtiment de la marine japonaise, au nord d’Okinawa.

1933 - Levée officielle de la prohibition aux États-Unis pour la bière ne titrant pas plus de 3,2 % d’alcool.

1915 - Naissance de la chanteuse de jazz américaine Billie Holiday.

1827 - Le chimiste anglais John Walker met en vente les premières allumettes de son invention.

1780 - La pièce de Racine, Athalie, inaugure la scène du Grand Théâtre de Bordeaux


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie