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Élections : le mirage et la réalité

lundi 18 juillet 2016

Les promesses des responsables de l’État de financer les prochaines élections avec l’argent du Trésor public ne sont pas encore tenues. Elles sont, pour le moment, au rayon des paroles en l’air.

« Le CEP n’a encore rien reçu. Le compte qui devrait être ouvert ne l’est toujours pas », a confié, off the record, un conseiller électoral, ce vendredi 15 juillet 2016. Peu avant le 14 juin, le calendrier électoral, le budget et la demande de convoquer le peuple dans ses comices avaient été soumis au président Jocelerme Privert, a-t-il rappelé, sans faire de déduction sur les conséquences de ce retard sur le processus.

Le ministère de l’Économie et des Finances, en mode « cash management », gère plusieurs priorités. « Nous avons mille priorités et pas assez d’argent. Mais on devra financer les élections », a confié, la semaine dernière, un haut cadre du MEF. Ici, on suce la pointe de nos crayons pour identifier les financements possibles, a-t-il dit, sans évoquer l’effet de tout ça sur des politiques, des citoyens, chevauché par l’esprit de Dessalines et le désir qu’Haïti finance ses élections. L’élan nationaliste, favorable à ce que le Trésor public finance ces élections, surtout pour faire un pied-de-nez aux Américains, a du plomb dans l’aile. C’est peut-être moins mauvais que la douche froide qu’est cet avis d’appel d’offres du PNUD. C’est vers le PNUD, gardien des 8 millions de dollars restants du basket fund des élections de 2015, que le CEP de Léopold Berlanger s’est tourné pour effectuer un appel d’offres pour les bulletins de vote et autres matériels sensibles.

Le Programme des nations unies pour le développement PNUD, dans un « avis d’appel d’offres » rendu public dans la presse ce vendredi, « cherche une firme pour l’exécution d’une demande de propositions » concernant « l’acquisition de bulletins de vote et imprimés sensibles pour les élections du 9 octobre ». Les intéressés, selon cet avis, sont invités à prendre connaissance des termes de référence via le site Web du PNUD Haïti. Une proposition peut-être remise par voie électronique, en toute confidentialité, à l’adresse procurement.ht@undp.og ou au bureau du PNUD/Parking Pnud/Référence : ITB/UNDP/HAI /16/044/Minustah Log base (Zone 5), Prefab # 4 A, Angle Blvd Toussaint Louverture et Clercine 18, Port-au-Prince, Haïti. La date limite de soumission est fixée au 27 juillet 2016 à 11 a.m., informe cet avis.

La publication de cet avis du PNUD intervient presque un mois après la lettre du président du CEP au PNUD pour annoncer sa décision de privilégier le marché local pour l’acquisition de matériels sensibles et non sensibles qui seront utilisés lors des prochaines élections. « En prévision du lancement dans les meilleurs délais de l’appel d’offres visant à acquérir les matériels sensibles et non sensibles sur une base compétitive, le conseil a décidé de privilégier le marché local », pouvait-on lire dans une correspondance du président du Conseil, Léopold Berlanger, à madame Yvonne Helle, directrice principale pays du PNUD, le 23 juin 2016.

Pour le président du CEP, cette disposition « aura sans nul doute un impact positif sur l’économie du pays et le renforcement des capacités nationales pour répondre à ce besoin récurent ».Le président du CEP avait souligné que « toutefois, cette décision ne met pas en question la nécessité de développer des spécifications techniques mettant l’accent sur la sécurisation des bulletins de vote et d’autres matériels sensibles selon des standards de qualité, compatibles avec les capacités de l’industrie locale ». L’équipe technique du CEP et du PNUD devront s’assurer que les spécifications techniques des matériels qui seront produits peuvent répondre aux objectifs du CEP de renforcer le système de contrôle et de traçabilité exigé dans le cadre des nouvelles dispositions prises par le CEP, avait poursuivi la lettre du président du CEP, Léopold Berlanger.

Petite grogne

« Cet appel d’offres international lancé par le PNUD montre que le CEP n’a pas la main sur l’organisation des élections et qu’il n’est pas parvenu à imposer sa volonté de prioriser le marché local », a estimé, off the record, une source proche du dossier. « Le gouvernement, a-t-elle reproché, n’a pas été proactif, en appui au CEP à ce niveau ». « En termes d’avantages comparatifs, de capacité de production installée, les imprimeurs locaux sont défavorisés. Cela aurait pu aider si l’État, le CEP avaient mis une clause indiquant qu’avec une offre de 10 ou 15 % plus chère d’une entreprise locale, celle-ci gagnerait le marché. Car, au final, l’État gagnera au change. Il perçoit des taxes sur le revenu de l’entreprise, sur la masse salariale. L’État collecte des taxes et redevances sur l’importation de certains produits utilisés dans les imprimeries », a expliqué cette source. « Cette fois, a confié off the record un imprimeur, le secteur va être vigilant. On fera des offres et on participera aussi à l’ouverture des plis. Au nom de la transparence, l’offre, l’entreprise gagnante devront être communiquées ».

La publication de cet appel d’offres pour l’acquisition des bulletins et autres matériels sensibles n’indique pas que le CEP a perdu la main. « Au contraire, on les a trouvés avec la main », a tranquillement fait remarquer un conseiller électoral, soulignant que, depuis 2004, c’est le PNUD qui est responsable de cela, bien avant l’arrivée du nouveau conseil qui a « formulé son souhait de privilégier le marché local ». « Nous avons fait quelques exigences qui n’ont pas été respectées », a-t-il dit. Pas d’avantages de départ pour une firme haïtienne ? « Non. C’est un appel d’offres international. Ce serait le cas si les fonds n’étaient pas en partie internationaux », a répondu ce conseiller électoral qui renvoie au régime d’obligation sur lequel l’État haïtien s’était entendu avec les Nations unies en 2004 avec l’arrivée de la mission de maintien de la paix.

Pour ce conseiller électoral, l’appel d’offres effectué par le PNUD n’est pas une douche froide pour les nationalistes.

« C’est bien de vouloir faire soi-même ses propres élections. Haïti n’a pas cette capacité pour le moment. La capacité institutionnelle, financière, technique et logistique prend du temps pour se construire. Les dispositions fondamentales doivent être prises sur le long terme. Cela ne se fait pas du jour au lendemain », a insisté ce conseiller électoral, soulignant « que cela ne se fait pas dans l’émotion ».

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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