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Philadelphie, le discours aux airs d’adieux de Barack Obama

lundi 1er août 2016

Un professeur peut asséner ou convaincre, s’isoler ou partager, c’est selon. A la Maison Blanche, l’ancien enseignant en droit Barack Obama n’a pas toujours évité ces premiers travers.
Par Nicolas Bourcier (Philadelphie, envoyé spécial) et Gilles Paris (Philadelphie, envoyé spécial)

Devant la convention démocrate de Philadelphie (Pennsylvanie), mercredi 27 juillet au soir, il a renoué avec les secondes vertus pour une leçon d’Amérique sereine et confiante. Cette leçon s’est achevée par une demande à la foule qui avait chaviré tout au long de son intervention et qui concernait celle que le président souhaite voir lui succéder, Hillary Clinton. « Ce soir, je vous demande de faire pour elle ce que vous avez fait pour moi. Je vous demande de la porter comme vous m’avez porté. »

Pour M. Obama, ce discours devant les délégués démocrates, douze ans après celui de Boston, devant le même public, qui avait lancé sa carrière nationale, avait de fait des accents d’adieux, puisqu’il quittera ses fonctions le 20 janvier 2017. Mais l’enjeu de sa succession, et la détestation que lui inspire le candidat républicain pour la présidentielle, Donald Trump, ont fait passer au second plan cette tentation de bilan. La présentation des qualités de Mme Clinton lui a pourtant valu cette remarque en forme d’aveu. « Jamais aucun homme ni aucune femme n’ont été mieux préparés » pour exercer la fonction présidentielle, « pas moi, pas Bill [Clinton, présent en tribune], personne. »

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Le président s’est beaucoup employé à contrer le magnat de l’immobilier. « Cette élection n’est pas une élection comme les autres. Vous n’avez pas l’affrontement classique entre les partis et les politiques, entre la gauche et la droite. Cette élection porte plus fondamentalement sur ce que nous sommes. Ce que nous avons entendu à Cleveland [lors de la convention républicaine] n’était pas vraiment républicain, et certainement pas conservateur », a estimé M. Obama, jugeant que le milliardaire avait jeté aux orties l’optimisme de Ronald Reagan.

En s
« Nous ne sommes pas fragiles »

« Il n’y avait pas de solutions sérieuses à des problèmes urgents. Juste du ressentiment, des accusations, de la haine et de la colère. » Avant lui, le candidat démocrate à la vice-présidence Tim Kaine, confirmant des dispositions pour des attaques enjouées, avait déjà lancé cet appel aux électeurs républicains désorientés par M. Trump : « Si vous cherchez le parti de Lincoln, nous avons une maison pour vous. »

Le président des États-Unis a convenu qu’il n’avait pas pu accomplir tout ce qu’il avait souhaité au cours de ses deux mandats. Mais il a pris ses distances autant avec la vision de l’Amérique sombre et angoissante développée par M. Trump qu’avec la personnalité du milliardaire.

« Nous ne sommes pas fragiles, nous n’avons pas peur, nous n’avons pas besoin d’un sauveur autoproclamé prétendant être le seul à pouvoir ramener l’ordre, et nous n’aimons pas être dirigés » de cette manière, a assuré M. Obama. Il a par ailleurs insisté sur le fait que le candidat républicain était, selon lui, dépourvu du moindre plan et peu attaché à la véracité des faits. « L’Amérique est déjà grande [alors que le slogan du milliardaire promet de la restaurer], l’Amérique est déjà forte. Et je vous l’assure, notre force, notre grandeur ne dépendent pas de Donald Trump. »

En début de soirée, le milliardaire indépendant Michael Bloomberg avait pris la parole, accréditant l’idée qu’un vote Clinton est une option faute d’une candidature républicaine jugée acceptable. Tout en reconnaissant des divergences avec la candidate, M. Bloomberg avait pilonné la réputation d’homme d’affaires du candidat républicain. « Donald Trump promet de diriger l’Amérique comme il dirige son entreprise, Dieu nous en préserve ! Je suis de New York et je sais reconnaître un escroc », avait-il asséné avant que le vice-président Joe Biden, ne se déchaîne à son tour, contestant la proximité avec la classe moyenne que revendique M. Trump : « Allons donc ! Il n’y connaît rien ! »

Lire : A la convention démocrate, la leçon politique de Michelle Obama

M. Obama a été rejoint en fin de discours par une Clinton radieuse. Dans la salle, des pleurs se mêlaient aux applaudissements. « Je suis émue parce que dans ma vie j’ai vu et vécu sous le premier président noir des Etats-Unis et je vivrai sous la première femme présidente des Etats-Unis », a confié, le regard humide, Joanne Dowdell, 58 ans, super-déléguée venue du New Hampshire. « Bien sûr, j’ai été déçu par beaucoup de choses durant ces huit ans, notamment les violences contre les jeunes Noirs. Mais beaucoup d’autres choses ont été faites. Bernie est un chouette gars, mais la personne la plus qualifiée pour occuper ce poste est Hillary », a assuré Martin Dale, 60 ans, originaire de l’Ohio.

« La démocratie n’est pas un spectacle »

Dans son discours, M. Obama avait pris soin de rendre hommage au sénateur du Vermont, pour aider au rassemblement du camp démocrate. « Il a ouvert les yeux, il a mis le doigt sur le fait que le gouvernement ne représentait pas vraiment le peuple. Hillary n’a pas fait une révolution, Bernie oui. On continuera son travail et sa révolution », a assuré Cherry Eason, de Caroline du Nord. Cette dernière se disait mercredi soir décidée à voter malgré tout pour l’ancienne secrétaire d’Etat.

Il revenait à Mme Clinton de tenter, jeudi 28 juillet, de convaincre au moins une partie des irréductibles soutiens de M. Sanders restés sourds à ses appels à la raison politique. Mercredi, M. Obama a appelé chacun à ses responsabilités. « Si vous êtes sérieux à propos de notre démocratie, vous ne ­pouvez pas vous permettre de rester à la maison sous prétexte que vous n’êtes pas d’accord sur tout avec [Mme Clinton]. Vous devez descendre dans l’arène avec elle. La démocratie n’est pas un spectacle. L’Amérique, ce n’est pas “oui, il le peut”, mais “oui, nous le ­pouvons”. » En reprenant son slogan de 2008, « Yes we can », M. Obama a conclu par là où tout avait commencé.


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