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Après l’accord, l’Iran peut-il avoir la bombe atomique ?

mardi 14 juillet 2015

L’accord entre l’Iran et les grandes puissances sur le nucléaire instaure un système de vérification international encore jamais vu dans le monde.

Volontiers décrit comme « historique », l’accord sur le nucléaire iranien empêche-t-il réellement l’Iran d’obtenir la bombe atomique ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé Barack Obama mardi matin. « Grâce à cet accord, la communauté internationale sera capable de s’assurer que la République islamique d’Iran ne développe pas une arme nucléaire », a souligné mardi matin le président américain lors d’une allocution solennelle depuis la Maison-Blanche. Et de marteler : « Toutes les voies vers une arme nucléaire ont été coupées. »

En écho, son homologue iranien Hassan Rohani a rappelé depuis Téhéran que son pays « ne cherchait pas et ne cherchera jamais à avoir l’arme nucléaire ». Problème, c’est la révélation en 2002 d’un site nucléaire secret, une usine d’enrichissement d’uranium à Natanz, qui avait attisé les soupçons des Occidentaux, et sonné le début d’une crise de douze ans. « Cet accord n’est pas fondé sur la confiance. Il est fondé sur les vérifications », a rappelé Barack Obama à Washington pour rassurer les nombreux sénateurs sceptiques au Congrès. « Les inspecteurs auront un accès 24 heures sur 24 aux installations nucléaires iraniennes clés. »

Contrôles encore jamais vus

L’accord conclu à Vienne limite considérablement les capacités nucléaires de l’Iran. Voie la plus rapide pour accéder à la bombe atomique, les activités d’enrichissement d’uranium se retrouvent réduites comme peau de chagrin. En effet, Téhéran ne pourra garder qu’une seule usine d’enrichissement, celle de Natanz, où elle ne pourra enrichir de l’uranium qu’à 3,67 % pendant quinze ans (un taux supérieur à 90 % est indispensable à la production d’une bombe, NDLR).

Sur les 19 000 centrifugeuses qu’elle possède actuellement, dont 10 200 en activité, la République islamique ne pourra en conserver que 6 104 pour une durée de dix ans. Seules 5 060 d’entre elles du type IR-1 (modèle le plus ancien) seront autorisées à enrichir de l’uranium. Quant au stock d’uranium déjà enrichi, la République islamique ne pourra garder que 300 kilos sur les 10 000 kilos actuels. En revanche, aucun stock d’uranium au taux critique de 20 % (à partir duquel il est beaucoup plus facile d’accéder à la bombe) n’est autorisé. En outre, l’autre usine d’enrichissement que possédait l’Iran, le site souterrain de Fordo, est transformée en Centre de physique et de technologie nucléaires. Ainsi, l’Iran ne pourra y mener d’activités d’enrichissement d’uranium pendant quinze ans, même s’il y conserve 1 044 centrifugeuses inactives de type IR-1.

Course à la bombe arrêtée en 2003

Concernant l’autre voie d’accès à la bombe, le plutonium, les grandes puissances se sont assuré que le réacteur controversé d’Arak ne puisse pas produire de plutonium en quantité militaire. « Dans son design actuel, le réacteur à eau lourde d’Arak, s’il avait été achevé, aurait produit la quantité de plutonium nécessaire à une arme en un an », explique l’équipe de négociateurs français à Vienne. « Les grandes puissances et l’Iran ont convenu d’une modification du design de manière à ce qu’il ne produise plus de plutonium en quantité et en qualité militaires. »

À en croire les rapports de plusieurs services de renseignements occidentaux, l’Iran aurait cessé de chercher à se doter de la bombe nucléaire dès 2003. Mais il a poursuivi en revanche ses activités d’enrichissement d’uranium à faible niveau, ce que lui autorise le Traité de non-prolifération (TNP) nucléaire, dont il est signataire - à l’inverse d’Israël, de l’Inde et du Pakistan -, mais qui peuvent aboutir à terme à la capacité de fabriquer une arme atomique.

« Puissance du seuil »

Pour s’assurer que l’Iran, « puissance du seuil » (on qualifie de « puissance du seuil » les pays qui ont les capacités d’enrichissement pour avoir la bombe nucléaire, mais qui ne se lancent pas dans sa production), puisse être arrêté à temps s’il décidait de se relancer dans la fabrication d’une bombe, les grandes puissances ont oeuvré à diminuer le « break out time ». À savoir le temps qu’il faudrait à la République islamique pour produire suffisamment de matière fissile pour la fabrication d’une bombe atomique si elle le décidait. « Avec les restrictions imposées par l’accord de Vienne, il faudrait au minimum un an à l’Iran, s’il décidait de se lancer dans la course vers l’arme, pour accumuler la matière nécessaire à une bombe par la voie uranium », explique l’équipe de négociateurs français à Vienne. En outre, « l’obtention de plutonium est rendue encore plus lointaine et difficile », ajoute-t-elle. Cela « permettra à la communauté internationale d’organiser sa réponse, tant du point de vue diplomatique que militaire ».

Or, ceci est uniquement valable pour les sites déclarés par l’Iran. À deux reprises par le passé, en 2002 avec Natanz et en 2009 avec Fordo, la République islamique a caché l’existence de sites d’enrichissement d’uranium, avant d’être prise en flagrant délit. Pour échapper à toute nouvelle « surprise », l’Iran va être soumis à un système de surveillance encore inédit sous le régime de non-prolifération nucléaire.

Sites cachés

Outre les sites nucléaires déclarés, qui sont déjà inspectés, les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) vont pouvoir inspecter des sites militaires iraniens en cas de soupçons d’activités nucléaires illégales, en vertu du protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire que l’Iran s’est engagé à ratifier. Ces vérifications comprennent le site militaire controversé de Parchin - où l’Iran s’est déjà livré à des activités suspectes (test de modèles d’explosion applicables à des armes atomiques, NDLR) -, ainsi que la possibilité de rencontrer des experts iraniens. « L’accord de Vienne donne à l’AIEA les accès nécessaires lui permettant de faire la lumière sur les activités passées de l’Iran et contrôler ses activités futures », se félicite ainsi un haut diplomate occidental.

L’accord maintient enfin l’embargo sur les armes à destination de l’Iran, de cinq à huit ans pour les missiles, afin de ne pas envoyer de « mauvais message » à Israël et à l’Arabie saoudite, vent debout contre l’accord. Si l’Iran ne respectait pas ses engagements, les grandes puissances ont un « SnapBack », la réactivation sous 65 jours des sanctions qui étouffent son économie et qui ne devraient être levées qu’au début de l’année 2016, le temps que l’AIEA vérifie les activités de l’Iran. Et la délégation française de se féliciter : « Si l’accord est scrupuleusement respecté, il ne sera pas possible de considérer que l’Iran est proche de l’arme nucléaire, du moins pendant 10 à 15 ans. »


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