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Chikungunya : « Le pic de l’épidémie est encore devant nous »

dimanche 20 juillet 2014

Le virus du chikungunya est présent aux Antilles françaises et dans l’ensemble de la zone caraïbe depuis décembre 2013. Selon les dernières données de l’Institut de veille sanitaire (InVS), quelque 115 000 cas ont été recensés aux Antilles et 39 morts liées à cette maladie ont été comptabilisées. En Guadeloupe, où l’épidémie est la plus forte, 5 600 personnes consultent un médecin chaque semaine, et 63 000 personnes ont été touchées sur 400 000 habitants.

Cette maladie est caractérisée par de fortes fièvres et des douleurs articulaires intenses, contre lesquelles aucun traitement spécifique n’existe si ce n’est le paracétamol. Les décès concernent des personnes âgées, déjà fragilisées, qui ne résistent pas au virus.

Médecin épidémiologiste au département des maladies infectieuses de l’InVS, Harold Noël relativise l’ampleur du risque de diffusion de la maladie en métropole, mais estime que le péril pour les AL’épidémie de chikungunya en cours aux Antilles française et dans la zone caraïbe depuis décembre 2013 a-t-elle un caractère d’exception ?

Harold Noël : oui, pour la simple raison que la Caraïbe et l’ensemble du continent américain n’ont jamais été touchés par le virus. Les moustiques qui peuvent le transmettre – Aedes aegypti ou albopictus – y sont présents depuis plusieurs années, mais pas le virus. La souche virale qui nous inquiète en ce moment est originaire d’Asie du Sud-Est et nous pensons que son importation remonte à octobre 2013, avec sans doute l’arrivée à Saint-Martin d’un voyageur infecté en provenance de cette région. Ce dernier aurait été piqué par un moustique, qui aurait ensuite piqué un autre individu et lui aurait transmis le virus, enclenchant ainsi une chaîne de transmission. Mais c’est la première fois qu’un tel scénario se produit dans cette région. Les populations des Amériques n’ont jamais été en contact avec le virus et n’ont donc pas pu s’immuniser contre lui.
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Où en est-on dans la progression de l’épidémie ?

Le pic de l’épidémie est sans doute encore devant nous. Dans la Caraïbe, la saison des pluies arrive et risque de multiplier les points d’eau stagnante propices à la prolifération d’Aedes aegypti. Il y a donc un fort potentiel d’aggravation. Ce qui nous préoccupe est que les échanges entre la métropole et les Antilles étant très intenses à cette période de l’année, il y a une possibilité d’importation de la maladie dans l’Hexagone.

Dans le sud de la métropole, le moustique tigre (Aedes albopictus) est implanté dans 18 départements et ce « cousin » d’Aedes aegypti est également un vecteur du chikungunya. En situation normale, entre deux et six cas importés de chikungunya sont relevés dans les zones métropolitaines à risque. Actuellement, et cela montre bien le caractère sans précédent de la situation, 148 cas importés de chikungunya y ont été déclarés entre le 1er mai et le 1er juillet, dont quatre cas de co-infection avec la dengue. Cela n’est pas étonnant : en année normale, les cas importés viennent de régions d’Asie ou d’Afrique avec lesquelles les liens sont moins forts qu’avec les Antilles.

Est-il possible de voir l’épidémie se propager à la métropole ?

Le risque de diffusion en métropole existe, mais des mesures sont prises au niveau national et local pour le limiter. D’une part, il s’agit de l’information des populations en partance ou en provenance des zones touchées pour se prémunir contre les piqûres et lutter contre la formation d’eaux stagnantes.

Il y a aussi une sensibilisation des personnels de santé qui doivent signaler les cas suspects aux agences régionales de santé qui, ensuite, peuvent demander des opérations de démoustication autour des lieux fréquentés par les personnes quand elles avaient potentiellement le virus dans le sang. L’objectif est d’empêcher qu’une chaîne de transmission ne s’enclenche.

Cela a été le cas en 2010 dans le sud de la France : une petite fille qui revenait d’Inde avec le virus l’a transmis à des moustiques qui ont à leur tour infecté deux personnes à Fréjus (Var). On a pu rompre la chaîne de transmission grâce à la détection rapide de ces cas et aux mesures de démoustication conduites localement.

En Emilie-Romagne (Italie), en 2007, la chaîne de transmission du virus n’avait pas pu être rompue et il y a eu environ 300 cas de chikungunya, là encore dus au retour d’Asie d’une personne infectée.

Un risque de diffusion existe pour la France métropolitaine, mais nous mettons en œuvre des mesures pour le limiter. Il ne faut pas se tromper : aujourd’hui, le problème est véritablement aux Antilles et bientôt aux Amériques.

Quelle est l’ampleur de ce risque pour le continent américain dans son ensemble ?

Pour les Amériques, le risque est très élevé et on peut s’attendre à une épidémie d’importance. En cas de débordement sur le continent, cela s’annonce comme un vrai problème de santé publique. Puisque personne ou presque dans la population n’est immunisé contre le virus, il y a la possibilité que beaucoup de monde tombe malade en même temps.

Cela signifie un problème sanitaire bien sûr, mais aussi économique : les transports, les soins, les circuits d’approvisionnement seraient potentiellement très perturbés.

Or, on voit aujourd’hui les premiers cas autochtones en Amérique centrale. Début juillet, nous avons identifié les premiers malades au Salvador et au Costa Rica.

Aux Etats-Unis, nos homologues commencent à s’inquiéter de l’arrivée du virus dans le nord du continent. D’autant plus que des moustiques vecteurs y sont largement présents : Aedes aegypti est implanté en Floride et Aedes albopictus s’est largement diffusé en Amérique du Nord. A New York notamment, où quelques cas autochtones de dengue ont d’ailleurs été découverts voilà quelques années. Il y a donc un fond de vulnérabilité de ce territoire à ce genre d’épidémie.


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