Coupe du Monde P.Guillou : « L’Allemagne est le football de demain »
Patrick Guillou, le plus germanophile de nos consultants télé (sur Canal+), revient sur le succès des Allemands en Coupe du Monde, persuadé que la Bundesliga devrait être, enfin, replacée au niveau d’intérêt qu’elle mérite.
La victoire de l’Allemagne en finale de Coupe du monde, c’était écrit selon vous ?
Oui, elle répond à un travail de longue haleine débuté dans les années 2 000, à une continuité, avec, chaque année une révolution dans le jeu, dans les mentalités. Les Allemands ne gagnaient plus même s’ils étaient souvent dans le dernier carré. Ils ont fait évoluer leur jeu. Sans oublier un vrai travail psychologique pendant leurs stages de préparation.
J’ai été impressionné par leur sérénité tout au long de l’épreuve. Pendant la demi-finale contre le Brésil, on a senti – et ils le sentaient aussi - qu’ils iraient au bout. Cette victoire est logique à la vue de leurs prestations durant ce Mondial.
Les observateurs parlent de la victoire du jeu, mot qui était jusque-là presque exclusivement réservé à l’Espagne. Des Allemands joueurs, c’est pas là la révolution ?
Oui et pourquoi ? Parce que les Allemands ont fait évoluer les morpho-types de leurs joueurs pour coller à l’évolution du jeu, du football. Ils se sont inspirés de plusieurs modèles. Comme la France, comme l’Espagne, ils ont pris des joueurs plus petits, plus mobiles, plus techniques, comme Lahm, Ozil, Gotze...
Ils sont devenus plus adroits dans les petits périmètres, plus vifs, plus intelligents dans le jeu interlignes et dans le jeu en profondeur, ils ont un jeu plus varié, plus simple. Ce ne sont plus les gabarits costauds « à l’allemande » que l’on connaissait avant. Et Low a pris les bons joueurs aussi.
Ils ont fait de tout ça un mix adapté aux vertus mentales allemandes. Puis ils ont appris de leurs défaites marquantes.
« La Bundesliga a tout pour plaire »
Ce titre va donner un énorme coup de projecteur médiatique à la Bundesliga, hors de l’Allemagne bien sûr car là-bas le championnat fait recette.
C’est évident. Parce que l’équipe nationale type est composée de joueurs qui jouent en majorité en Allemagne, avec jusqu’à sept joueurs du Bayern Munich, puis de Dortmund. Donc le titre mondial va rejaillir sur le championnat. Et par ricochet sur son image à l’international.
Depuis leur coupe du monde 2006, les Allemands ont fait un énorme travail de marketing, de promotion, de valorisation de la Bundesliga à l’étranger, avec un championnat spectaculaire, avec des buts, des stades modernes et pleins à chaque journée. Le championnat est bien mis en images et comprend surtout des clubs performants en Ligue des Champions. Même si le Bayern a pris 4-0 cette année contre le Real Madrid, les 4 équipes de Bundesliga sont sorties des poules cette saison. L’année d’avant, en 2013, le Bayern et Dortmud jouaient la finale !
« En France, il y a un frein culturel et historique vis-à-vis du foot allemand »
Chez nous, médiatiquement, la Bundesliga est peu exposée, sur Sport+ depuis que Canal+Sport est devenue 100% Premier League, ou sur beIN Sports. Ne vous parait-elle pas sous-estimée ? Pourquoi ?
Je pense tout simplement qu’il y a encore chez nous un frein historique et culturel qui bloque la popularité du foot allemand. Beaucoup en sont encore restés aux mauvais souvenirs de 1982 et 1986, au jeu haché, rugueux, dur et physique qui caractérisait l’Allemagne ces années-là et qui leur reste peut-être encore collé la peau.
Il faut tourner la page et comprendre qu’en Allemagne, on a pris conscience que le football était un jeu et un spectacle. Je pense qu’il y a une certaine méconnaissance de ce qu’est leur championnat aujourd’hui.
Avec près de 14 millions de téléspectateurs devant la finale sur TF1, les opinions devraient changer non ?
Je l’espère car, pour moi, la Bundesliga, en termes d’intérêt sportif et en tant que produit télévisuel bien scénarisé, a déjà « gratté » la Serie A italienne et se rapproche de plus en plus de la Liga et de la Premier League. Elle a tout pour plaire.
J’ai la chance de le commenter depuis 8 ans sur les antennes du groupe Canal avec Jean-Charles Sabattier, c’est un championnat génial ! J’ai commenté trois matchs par week-end cette saison et j’ai dû assister à deux 0-0 seulement.
La Bundesliga comprend également beaucoup de grands clubs, des clubs de tradition ou des bastions historiques forts comme Hambourg, Shalke, le Werder Brême, Francfort… Sans oublier de très très bons joueurs.
Il faudrait maintenant que le championnat soit un peu plus serré. Que Dortmund, Leverkusen et Shalke puissent tenir un peu plus longtemps la dragée haute face au Bayern. C’est possible cette saison avec un début très compliqué pour le Bayern et leurs champions du monde qui ne seront peut-être pas immédiatement opérationnels.
La saison prochaine, ce serait bien que de grosses affiches comme Bayern-Dortmund puissent être diffusées sur Canal+Sport ou Canal+, comme c’était le cas avant. Ca vaut vraiment le coup de jeter un coup d’œil sur ce championnat. Le football allemand est peut-être le football de demain et, dans certains domaines, il faut s’en inspirer.
