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D’un ton léger… dans du lourd :Me Danton Léger

mardi 12 avril 2016

Le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Danton Léger, n’en finit pas de défrayer la chronique. Au parquet depuis peu, il émet à tour de bras des mesures d’interdiction de départ. Dans son viseur, des hauts fonctionnaires, des nantis et Olivier Martelly, fils de l’ex-président Michel Martelly.

Le chef du parquet, boulimique, a ratissé large. Danton Léger a refusé la sortie du territoire à Alix Célestin, directeur de l’APN, au pretexte d’une affaire d’appel d’offres dans un contrat de manutention à un consortium. L’homme d’affaires Marc Antoine Acra est obligé de rester confiné entre les 27 000 km 2 d’Haïti en rapport à un dossier de stupéfiants.

En avril 2015, le navire Manzanares transportait une cargaison de sucre commandée par la Nabatco de Marc Antoine Acra. Il y avait de la cocaïne à bord du bateau battant pavillon panaméen. Des membres d’équipage latinos-américains appréhendés ont été libérés, avait appris le journal de sources judiciaires. L’instruction ouverte sur le dossier, suivie attentivement par des coopérants dans la lutte anti-drogue, n’est pas encore terminée alors que le délai légal imparti au juge instructeur est de 3 mois.

Le commissaire Me Danton Léger veut aussi qu’Olivier Martelly reste au pays pour s’expliquer en temps et lieu sur sa gestion du programme « Foutbòl pou chanjman ». Des parcs sportifs ont été construits dans plusieurs départements du pays dans le cadre de ce programme. La Cour des comptes, saisie en 2013 par Olivier Martelly, a indiqué que le fils du chef de l’Etat est comptable de fait. L’instruction se poursuit avant qu’il soit jugé devant une composition du tribunal administratif. C’est à ce moment qu’on saura s’il y aura un arrêt de débet ou au contraire de quitus.

Dans l’opinion, l’action du commissaire Danton Léger divise. D’un côté, il y a ceux, tatillons sur les bords, qui exigent le respect strict de la loi et des procédures tracées par le Code d’instruction criminelle. La mesure d’interdiction de départ n’est prévue dans aucun texte de loi. Pour Alix Célestin, haut fonctionnaire de l’État, il y a la forme à respecter quand on le convoque. Le président de la République doit être notifié. En ce qui concerne Marc Antoine Acra et Olivier Martelly, il y a une instruction en cours devant deux juridictions distinctes. L’une pénale, l’autre administrative, argumentent-ils. Le commissaire n’a plus competence dans ces affaires.
De l’autre côté, peut-être plus nombreux, il y a ceux qui saluent le dévouement du commissaire du gouvernement, résolu à donner un coup de pied de rugbiman dans la fourmilière endormie de la justice en Haïti où l’impunité est la norme. Danton Léger, ex-député, homme politique avec son instinct, peut-être ses projets à long terme, sa verve flamboyante est pour ses admirateurs ce héros, ce redresseur de tort qui fait trembler les puissants.

Cela dit, le commissaire du gouvernement, lors d’une déclaration faite la semaine dernière dans la presse, a avoué n’avoir pas pris connaissance de l’intégralité d’au moins deux dossiers, celui de Alix Célestin et Marc Antoine Acra, avant d’émettre une mesure d’interdiction de départ non prévue par la loi. Danton Léger peut-il se permettre d’être d’un ton léger en ce qui concerne des dossiers aussi lourds ?

Il ne le peut pas. Comme chef de la poursuite, défenseur de la société, son action doit s’inscrire dans le cadre strict de la loi et de la procédure. En droit, la forme est presque aussi importante que le fond.

D’un autre côté, la fougue du chef du parquet met sous le feu des projecteurs des faiblesses systémiques et institutionelles. Pourquoi l’instruction du dossier de trafic de stupéfiants international (Manzanares) est aussi longue ? Combien de temps va durer l’instruction de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif sur la gestion d’Olivier Martelly ?

Dans la lutte pour la bonne gouvernance économique et financière, il ne sera pas mauvais de créer un pôle au parquet pour lutter contre les crimes et délits à caractère économique et financier. L’éclatement des services nuit à la cohésion, à l’efficience dans la répression des bandits à col blanc, des trafiquants de drogue et des dilapidateurs des fonds du Trésor public. Ce combat, c’est du lourd qui impliquera dans une synergie citoyenne et institutionnelle des poids lourds et légers d’Haïti.

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com
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