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Drôle d’attelage à Central Park pour la fin des calèches

lundi 8 décembre 2014

Lettre de New York. Les décisions politiques les plus délicates ne sont pas toujours celles qui portent sur les sujets les plus essentiels. Bill de Blasio, le nouveau maire de New York, est en train de l’apprendre à ses dépens. Sa promesse de campagne de faire disparaître les calèches de Central Park, sous la pression des associations de défense des animaux, n’était pas a priori la plus difficile à tenir. Mais ce qui s’annonçait comme une paisible balade est en train de virer au parcours d’obstacles.

Les attelages stationnés sur la 59e rue, dans l’attente de touristes en mal de romantisme, dans le sud de Central Park, avaient fini par faire partie du paysage new-yorkais. Mais les jours de cette attraction plus que centenaire, immortalisée dans les séries Sex and the City ou Seinfeld, semblent comptés. Le texte interdisant les fameuses calèches sera présenté cette semaine au conseil municipal. « Nous pensons qu’il est temps de supprimer les calèches dans la ville et nous allons le faire », martèle Bill de Blasio. Reste à trouver une majorité pour adopter une mesure que 61 % des New-Yorkais désapprouvent.

Une vingtaine d’accidents en deux ans

Depuis plusieurs années, le groupe de militants qui se bat contre la maltraitance animale, New Yorkers for Clean Livable and Safe Streets (NYClass), mène un intense lobbying pour faire disparaître ce qu’elle considère comme un vestige insupportable. En deux ans, l’association a déploré une vingtaine d’accidents et estime que les chevaux n’ont plus leur place dans l’une des villes les plus embouteillées du monde. On pourra noter au passage que personne ne s’émeut en revanche de la condition des chevaux montés par la police de New York, qui patrouille à Times Square.

Jusqu’à la campagne municipale, NYClass n’avait pas trouvé d’oreilles suffisamment compatissantes. Mais, à l’automne 2013, Bill de Blasio n’a pas hésité à enfourcher ce cheval de bataille pour se faire élire. Difficile de savoir quel rôle a joué cette promesse dans sa victoire. Ce qui est très concret, en revanche, c’est la somme dépensée par NYClass durant la campagne pour soutenir le futur maire et financer des publicités pour discréditer sa principale adversaire, Christine Quinn. Près de 1,3 million de dollars (1 million d’euros) y ont été consacrés.

Présidente du conseil municipal sous la mandature de Michael Bloomberg, Christine Quinn avait eu le malheur de vouloir trouver un compromis en 2010 en encadrant strictement l’exploitation des calèches sans toutefois remettre en cause une activité qui fait vivre près de 300 personnes, dont 170 cochers. Une demi-mesure jugée insuffisante par les défenseurs des animaux, qui demandèrent à Bill de Blasio de s’engager sur une solution plus radicale en échange de leur soutien électoral.

Depuis la formation de cet attelage entre le maire et NYClass, interrogations et ironies se multiplient. Le New Yorker y a consacré en avril l’une de ses célèbres « unes » illustrées, où l’on voyait un homme tirer péniblement une calèche dans laquelle des chevaux fumaient le cigare et prenaient des photos. Le tabloïd The Daily News s’est lui aussi lancé dans une croisade anti-de Blasio sous la bannière : « Sauvez nos chevaux ! » Plus sérieusement, une enquête fédérale est en cours sur le financement de la campagne orchestrée par NYClass.

« Une solution à un problème qui n’existe pas »

Derrière cette association, qui se bat également pour rendre obligatoires les extincteurs dans les animaleries ou interdire le foie gras à New York, se cache un magnat de l’immobilier, Steve Nislick, propriétaire notamment de nombreux parkings dans la ville. Les cochers affirment qu’il souhaite mettre la main sur les quatre écuries du West Side de Manhattan, qui hébergent leurs chevaux. Steve Nislick dément.

La loi déposée devant le conseil municipal vise à ne pas renouveler les licences des cochers après leur expiration en 2016. Les chevaux seront alors remplacés par des voitures électriques à la carrosserie vintage. La mairie propose de fournir aux cochers une formation pour pouvoir les conduire. « C’est la bonne solution qui bénéficie à tous les New-Yorkais en créant des emplois tout en mettant fin à une activité dangereuse et inhumaine », se félicite Allie Feldman, la directrice de NYClass.

Le fait que, dans cette affaire, le maire, très à gauche, ne prenne pas le parti des salariés fait grincer des dents les syndicats, qui ont pourtant été, eux aussi, de puissants soutiens à son élection. « Depuis le début, cette proposition d’interdire les calèches est une solution aberrante qui répond à un problème qui n’existe pas », peste Vincent Alvarez, le président du New York City Central Labor Council. Il s’est promis de convaincre un à un les conseillers municipaux de renoncer au projet, avant un vote qui n’est pas attendu avant six mois.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/12/08/drole-d-attelage-a-central-park-pour-la-fin-des-caleches_4536528_3222.html#5jL4gxJ3KfZKCUXj.99


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