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"Hollande a récupéré ses habits de président normal"

samedi 8 novembre 2014

Pour le politologue Thomas Guénolé, l’émission télévisée de François Hollande a été réussie sur la forme, mais ratée sur le fond. Interview.

Propos recueillis par Hugo Domenach

François Hollande était ce jeudi l’invité d’En direct avec les Français, sur TF1 et RTL. Une sorte de conférence de presse au cours de laquelle il a été confronté à trois épreuves différentes : un entretien-portrait avec le journaliste Thierry Demaizière, une interview avec les journalistes Yves Calvi et Gilles Bouleau, mais aussi et surtout sa première confrontation télévisée avec quatre citoyens français. Pour Thomas Guénolé, expert en conseil et communication politique, l’entretien a été plutôt réussi.

Le Point : Quelle impression générale vous a donné cette prestation de mi-mandat ?

Thomas Guénolé : C’est une excellente idée d’avoir fait évoluer le dispositif. Cela a insufflé du dynamisme à ce qui aurait pu être un tunnel insoutenable. Il y a eu une véritable évolution par rapport à sa dernière conférence de presse télévisée de septembre, qui s’était transformée en un entre-soi politico-médiatique. La confrontation avec des personnes issues de la société civile a apporté de la fraîcheur. Et le président a pu faire preuve d’une certaine empathie. Même si, encore une fois, le format était encore trop long.

Outre le choix de l’exercice, le président a-t-il réussi sa communication ?

Lors de la première partie, j’ai trouvé son argumentation sur sa vie privée, sa personnalité et son état d’esprit particulièrement réussie. Une bonne communication politique consiste à essayer de mettre en valeur de la manière la plus positive possible ce qui est susceptible d’attirer les gens chez soi. De révéler le meilleur de vous-même. Pas d’essayer d’être ce qu’on n’est pas. Valérie Giscard d’Estaing avait fait l’erreur de vouloir faire populaire alors qu’il avait une personnalité aristocratique. Nicolas Sarkozy fait l’erreur de vouloir faire croire qu’il a changé et qu’il n’est plus clivant. C’est faux. Quand Hollande se "monarchise", ça ne passe pas. Il n’a pas de charisme. Il a un physique quelconque. Ses intonations de voix ne sont pas captivantes. Sur la forme, c’est monsieur tout le monde, hormis sa formidable intelligence. Mais sa qualité de contact humain est très rare pour un politicien national. On le sent sincère lorsqu’il est en contact avec les gens. Il n’est pas chaleureux comme pouvait l’être Jacques Chirac, mais il est simple. Il a récupéré ses habits de président normal. C’était une excellente idée. C’est ce qu’il est au fond.

Et sur le fond ? A-t-il réussi à faire comprendre sa politique aux Français ?

Non. Il a fait comme Sarkozy en son temps : il a proposé un catalogue disparate et illisible de ses mesures pour chaque catégorie de la population. Au lieu d’expliquer les mesures provisoires et catégorielles, il aurait dû expliquer sa stratégie pour sortir de la crise. Il ne fait pas de politique de demande parce que la France est trop endettée pour la financer. Donc il fait une politique de l’offre qui ne crée pas de croissance en France. Mais dès qu’une vague de croissance arrive de l’extérieur, elle permet d’en profiter de manière optimale. Et D’ailleurs, c’est une erreur de l’enterrer. Car si cela se produit d’ici 2017, il est sauvé. Cela entraînera une baisse du chômage et une baisse des prélèvements, donc une hausse du pouvoir d’achat.

Lors de sa précédente intervention, le président semblait accuser le coup tant physiquement qu’au niveau de son état d’esprit. Comment l’avez-vous trouvé sur ce plan ?

Plus combattif qu’en septembre. Il est remonté sur son cheval. Il n’a pas parlé de lui au passé comme il l’avait fait. Il n’a pas noyé son auditoire sous les milliards. Il a même présenté ses excuses lorsqu’il a cité un chiffre. D’habitude, il faut avoir suivi une formation de statisticien pour le comprendre. Il a mieux préparé son intervention. En tant que président, la communication avec les médias semble être son sport favori. Il est dans la connivence avec les journalistes lorsque Sarkozy était dans la manipulation et Jacques Chirac dans la fuite.


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