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"Il faut ralentir le développement des énergies renouvelables"

mardi 25 novembre 2014

Propos recueillis par Michel Revol
Elles coûtent cher et fragilisent l’approvisionnement en électricité de l’Europe entière : et si on levait un peu le pied sur les énergies vertes ?

Et si on levait un peu le pied sur... les énergies vertes ? En Allemagne, un pays qui s’est pourtant lancé à corps perdu dans le développement durable, on commence à ralentir les aides aux énergies renouvelables. Elles cumulent en effet bien des handicaps : elles coûtent cher au consommateur, polluent parce qu’elles obligent les centrales à charbon à tourner à plein et fragilisent l’approvisionnement en électricité de l’Europe entière. En Belgique, où plusieurs réacteurs nucléaires sont à l’arrêt, les menaces de coupures d’électricité se renforcent à mesure que l’hiver approche. Colette Lewiner, experte réputée du marché de l’énergie (elle conseille le président de Cap Gemini sur ces questions), en appelle donc à un développement raisonné des énergies renouvelables. Un discours plutôt... osé.

Le Point.fr : On évoque de plus en plus les risques de coupure d’électricité durant l’hiver. Pourquoi ?

Colette Lewiner : Ces coupures potentielles, qui sont plutôt attendues durant l’hiver 2015-216, sont avant tout dues à l’arrêt progressif des centrales à gaz. L’intérêt de ces centrales, c’est de pouvoir fournir rapidement de l’énergie sur le réseau. Or, on les met de plus en plus sous cocon (ce qui signifie interrompre leur production, NDLR), à cause de la crise économique, de la baisse du prix du charbon, et du développement rapide des énergies renouvelables. Ces fermetures sont massives : il est prévu d’arrêter une capacité de production de 50 000 mégawatts en Europe d’ici 2016, soit l’équivalent de 50 réacteurs nucléaires, un peu moins que le parc nucléaire français qui est de 58 réacteurs...

À vous entendre, les énergies renouvelables sont donc en partie responsables d’éventuelles coupures en hiver ?

Pour comprendre, il faut expliquer le fonctionnement du réseau. Afin de fournir l’électricité nécessaire pour répondre à chaque instant à la demande, l’exploitant privilégie toujours l’énergie la moins chère, en ne considérant que son coût d’exploitation. Il choisit donc, en premier lieu, le renouvelable, puisque le soleil, le vent et l’eau sont gratuits ; ensuite les centrales nucléaires, dont le coût de fonctionnement est bon marché ; puis les centrales alimentées au charbon, et, en dernier lieu, les centrales au gaz, les plus coûteuses. Les pouvoirs publics et la Commission européenne, en soutenant massivement les énergies renouvelables, ont donc fragilisé le marché de gros de l’électricité : les centrales alimentées au gaz, qui peuvent pourtant entrer très rapidement en service en cas de forte demande, en pâtissent.

Mais les centrales à combustibles fossiles sont aussi les plus polluantes. Privilégier le renouvelable est donc logique...

C’est exact, mais le problème, c’est surtout le coût du soutien public aux renouvelables. Les électriciens, comme EDF en France, sont tenus d’acheter l’énergie renouvelable à un prix fixé par l’État, appelé "tarif de rachat ". Or ce prix est élevé, car le coût d’investissement et d’exploitation l’est aussi. Il faut donc répercuter ce surcoût sur le consommateur final à travers une taxe, la contribution au service public de l’électricité, dont 60 % est due aux énergies renouvelables. Les particuliers la paient sur leur facture d’électricité, et elle ne cesse d’augmenter pour financer le développement des énergies renouvelables : elle était de 4, 5 euros par mégawatt/heure en 2004, elle est de 16 euros aujourd’hui ! Une multiplication par quatre en dix ans !

N’est-il pas normal de payer plus cher cette période de transition énergétique ?

Sans doute, mais ce système est trop coûteux. Les Allemands s’en sont rendu compte. Ils ont développé très vite les énergies renouvelables, ce qui a fait grimper la facture des particuliers. L’équivalent de leur CSPE pour les particuliers est désormais de 62 euros par mégawatts/heure, quatre fois plus qu’en France ! La coalition au pouvoir a donc changé les règles : les tarifs de rachat vont baisser jusqu’en 2018, et seront remplacés par un système d’appel d’offres. En Espagne, ce sera encore plus radical, puisque les tarifs de rachat seront bientôt supprimés.

Ce sera de l’argent en moins pour le développement durable...

Le problème, c’est qu’on subventionne les énergies renouvelables à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an en France, mais on n’est toujours pas parvenu à créer une filière du photovoltaïque de pointe en Europe, par exemple. Au contraire, on aide les fabricants chinois de panneaux solaires ! En fait, il faut ralentir le rythme de développement des énergies renouvelables, qui fragilisent le marché de l’énergie et coûtent cher au consommateur final. Cet argent, utilisons-le mieux. On devrait investir dans la recherche, lier le prix de rachat de l’électricité renouvelable au prix des marchés de gros, miser sur l’utilisation intelligente de l’énergie. Un seul exemple : aux États-Unis, un client peut autoriser son fournisseur à modifier d’un degré son climatiseur ou sa chaudière selon les besoins du réseau. Le client ne ressent rien et bénéficie d’une réduction de prix, et le fournisseur peut gérer plus intelligemment son réseau. Ça, c’est efficace !


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