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Irak, Syrie : Obama révise sa stratégie’’’

vendredi 22 août 2014

Face au péril de l’État islamique, le président américain s’oriente vers une approche plus globale et de long terme.

Les lignes bougent à Washington sur l’Irak et la Syrie, laissant présager une accélération des ripostes. Malgré la peur inchangée d’un nouveau bourbier, il est clair que Barack Obama s’oriente vers un « engagement plus important » et « de long terme » face au danger de l’État islamique, confiait ce vendredi au FigaroBrian Katulis, du Centre pour le progrès américain. Cet expert, très connecté à la Maison-Blanche, prévoit « une montée en puissance des opérations de contre-terrorisme », avec la participation de partenaires européens et moyen-orientaux. Signe révélateur du changement d’optique, le chef d’état-major des armées, Martin Dempsey, a déclaré que l’EI, « une organisation qui a une vision apocalyptique de fin du monde, (…) devra être défaite ». La Maison-Blanche a également qualifié d’« attaque terroriste » contre les États-Unis le meurtre du journaliste James Foley.

Jusqu’ici, le but semblait plutôt être « l’endiguement » que la destruction. Le général a aussi très clairement sous-entendu que l’Amérique pourrait être amenée à frapper le territoire syrien, pour combattre l’hydre de cette force de djihadistes aguerris et sans états d’âme de plus de 10.000 hommes. « Nous envisageons toutes les options », a répondu le patron du Pentagone, Chuck Hagel, à une question sur l’éventualité de frappes américaines en Syrie. « Nous ferons ce qui est nécessaire pour protéger les Américains et pour que justice soit faite après le meurtre barbare de James Foley. Nous examinons activement ce qui sera nécessaire pour répondre à cette menace et nous ne serons pas limités par des frontières », a ajouté quelques heures plus tard un conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche. Un singulier retournement, pour une Amérique, qui, il y a un an, envisageait des frappes contre les positions… de l’armée syrienne régulière, ennemie de l’EI.

Le terrifiant spectacle de la décapitation du reporter américain James Foley a indéniablement joué un rôle mobilisateur. Mais Brian Katulis explique que la discussion interne bat son plein « depuis le début de l’été sur la nécessité de regarder la Syrie et l’Irak comme deux problèmes imbriqués ». « Cela ne veut pas dire un changement de cap à 180 degrés impliquant, comme certains l’affirment, de coopérer avec Bachar el-Assad. Il s’agit plutôt d’une série de pas prudents, mais logiques et pratiques ; destinés à frapper l’EI au cœur », dit-il. L’expert estime que vu l’émotion suscitée au Congrès par le meurtre de Foley et les menaces pesant sur d’autres confrères, le président pourrait arguer de son droit à protéger les ressortissants américains pour justifier des frappes en Syrie. Pas question en revanche d’un engagement de troupes de combat au sol en Irak.

« Obama n’a pas changé d’avis sur ce point », insiste Katulis. Jusqu’ici, sa stratégie a consisté à soulager partiellement la pression sur les pechmergas kurdes et à mettre son poids derrière le nouveau gouvernement, plus inclusif, formé à Bagdad, dans l’espoir de forcer la reconstruction d’une armée irakienne non sectaire, capable de rallier les professionnels sunnites et de battre l’EI. Mais l’administration semble aussi décidée à battre le rappel des « acteurs » régionaux - Golfe, Turquie, Europe - pour couper les vivres politiques, diplomatiques et financières du « califat ». Les Saoudiens et autres pays du Golfe ont été discrètement pressés d’assécher les financements privés qui alimentent les djihadistes radicaux. La Turquie a été priée de fermer sa frontière, pour empêcher le passage des djihadistes européens vers la Syrie. « C’est loin d’être parfait, mais c’est essentiel, dit Katulis. Dans le cas du chef d’al-Qaida en Irak, Zarqaoui, la frappe qui l’a tué était américaine, mais les renseignements, jordaniens ».

Nombre d’observateurs jugent toutefois les efforts de l’Administration toujours trop fragmentés et hésitants. « Quand les Kurdes me demandent quelle est la stratégie de Washington, je réponds que je répondrais s’il y en avait une », confie un ancien général qui a combattu en Irak, jugeant que l’effort vis-à-vis des Kurdes est « très insuffisant » et qu’il est illusoire de penser qu’ils pourront résister sans être mieux équipés. Il explique qu’espérer un ralliement sunnite à Bagdad est peu probable : et de rappeler qu’en 2007, les tribus s’étaient ralliées seulement parce qu’elles se sentaient « partenaires des Américains ».

D’autres experts soulignent la volatilité des positions des alliés, notamment dans le Golfe, vraie termitière de l’islam radical. Près de 1000 djihadistes saoudiens auraient rejoint l’EI et l’opinion publique continue d’être favorable à leur cause, note un récent article du Washington Institute.


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