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« J’ai la confiance pleine et entière que Fritz Jean passera l’étape du Parlement », dixit Jocelerme Privert

mercredi 2 mars 2016

En visite de courtoisie mardi matin à la Radio Magik 9, le président provisoire de la République en a profité pour accorder sa première interview depuis qu’il est arrivé au palais national. De la situation économique du pays à ses relations avec les anciens chefs de l’Etat Jean-Bertrand Aristide, René Préval et Michel Martelly, en passant par la désignation de Fritz Jean comme Premier ministre et les consultations pour la formation du gouvernement de consensus, Jocelerme Privert, sans langue de bois, a répondu aux questions des journalistes Frantz Duval, Roberson Alphonse et Robenson Geffrard. Le Nouvelliste vous propose une première partie du verbatim de cette interview. -

Le Nouvelliste : Où allons-nous, Monsieur le président ? Jocelerme Privert : J’ai trois objectifs. Le premier c’est la formation d’un gouvernement de consensus, le deuxième c’est la redynamisation du Conseil électoral provisoire et le troisième c’est la relance du processus électoral. Peut-on atteindre ces trois objectifs sans créer un climat de stabilité dans le pays ? Depuis deux semaines, c’est à cet exercice difficile que je m’attelle. En ce qui concerne le gouvernement, cela était clair depuis les premières discussions avec le président Martelly, il faut un gouvernement capable d’inspirer confiance à tous les acteurs de la société. Il faut un gouvernement de consensus permettant l’implication de toutes les sensibilités et de tous les secteurs de la vie nationale. Ce n’est pas pour rien que nous avions dit qu’il faut d’abord discuter avec tous les partis politiques représentés au Parlement, ceux non représentés au Parlement, les acteurs de la société civile, du secteur privé des affaires et du secteur des droits de l’homme. Et depuis mon accession comme président du Sénat de la République, c’est à cette tâche que je me suis dédié. Il n’existe aucun secteur de la vie nationale, du moins dans l’environnement métropolitain, que je n’aie rencontré. C’est sur la base de ces différentes consultations que sur les huit candidats au poste de Premier ministre j’ai choisi l’un d’entre eux. Il s’agit de l’économiste Fritz Jean que j’ai, conformément à l’article 137 de la Constitution, nommé et qui l’habilite à former un gouvernement de consensus incluant tous les secteurs que j’ai rencontrés. C’est à cette phase que nous sommes. Le deuxième élément des objectifs, c’est la formation du Conseil électoral provisoire. Depuis la première semaine, j’ai adressé une correspondance à l’ensemble des secteurs identifiés pour les inviter à désigner leur représentant au Conseil électoral. Pas plus tard que mercredi dernier, j’avais organisé une rencontre au palais national avec l’ensemble de ces secteurs. Quand nous parlons de l’ensemble de ces secteurs, il ne s’agit pas d’une organisation. Quand je parle de la presse, il faut voir l’ensemble des organismes qui militent dans l’environnement médiatique : Il y a l’ANMH, l’AMIH, le SOS Journalistes, l’AJH... tous font partie du secteur qui doit participer à la désignation du représentant de ce secteur au Conseil électoral. Nous avons rencontré tous ces gens mercredi dernier. Si quatre de ces secteurs ont déjà désigné leur représentant, cinq autres confrontent des difficultés internes, à savoir la division qui mine l’existence de ces organisations. Je pourrais prendre comme exemple les secteurs vaudou/paysan. Je pourrais prendre aussi le secteur syndical où quatre organisations envoient chacun un représentant alors que c’est un représentant pour l’ensemble du secteur syndical. Dans le secteur des femmes, il y a une discussion ouverte entre SOFA et Fanm yo la qui étaient les deux organisations féminines spécifiquement citées dans le décret électoral et dans l’accord de janvier 2015 pour assurer le leadership en matière de désignation du représentant de ce secteur au Conseil électoral. Le secteur des droits de l’homme aussi. Ces cinq secteurs n’ont pas encore désigné leur représentant. Je me promets de les appeler aujourd’hui parce qu’il y a péril en la demeure. Il y a urgence que ces représentants soient désignés pour que les neuf membres du Conseil électoral provisoire soient clairement identifiés, pour que je puisse les rendre publics et recevoir la réaction de la société avant de procéder à leur nomination. Ces deux éléments sont indispensables, le gouvernement et le Conseil électoral, à la relance du processus électoral. Simultanément au cours de ces différentes consultations, et unanimement tous les acteurs rencontrés ont exigé la formation d’une commission de vérification chargée de faire le jour sur le processus électoral. Et là encore, je vois difficilement qu’on peut créer cette confiance au niveau de la société, qu’on peut demander aux acteurs de participer au processus électoral si on fait l’économie de créer cette commission de vérification. L.N : En clair, vous allez créer cette commission ? J.P : Absolument. Il y a un consensus général de tous les acteurs rencontrés pour la création de cette commission de vérification. L’ensemble des acteurs rencontrés exigent la reddition de compte. Ils exigent que la lumière soit faite sur la gestion de l’ancienne administration. S’il est vrai que ces acteurs exigent la création d’une commission d’enquête administrative, institutionnelle, je dis qu’il est préférable que ça soit les institutions légales prévues à cette fin qui s’acquittent de cette responsabilité. Je veux parler de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, de l’Unité de lutte contre la corruption et de l’Unité centrale de renseignement financier. Ce sont elles qui ont le mandat de mener des enquêtes et de conduire des audits en vue de lutter contre la corruption. Je pense que je peux les mettre ensemble afin qu’elles puissent travailler en symbiose pour remplir cette tâche. Il n’est pas question pour moi de créer une commission d’enquête administrative qui sera plus perçue comme un instrument de persécution politique ou de revanche. On en est là. Le Premier ministre a été nommé et investi dans ses fonctions en stricte application des dispositions de la Constitution. Il est habilité à former son gouvernement. Ce mardi, son dossier sera transmis au Parlement afin qu’ils puissent se prononcer sur son éligibilité et attend à être convoqué par le Parlement pour faire l’énoncé de la déclaration de politique générale. L.N : Le Parlement va se prononcer sur son éligibilité, vous dites ? J.P : Il y a un débat sur cette question. La Constitution fixe un ensemble de critères et de conditions pour être Premier ministre. Si au niveau de la présidence, nous analysons tous les documents du Premier ministre en conformité avec les conditions prévues par la Constitution, faudrait-il bien qu’il y ait une autre instance qui s’assure que la présidence n’a pas commis d’erreurs, que les pièces requises par la Constitution ont été exactement fournies par le Premier ministre. Il ne s’agit pas de la ratification du Premier ministre en tant que tel. Il s’agit de s’assurer que son éligibilité conformément à la Constitution a été établie. L.N : Des traces sont laissées entre les deux tours. Des sénateurs et des députés disent que le candidat Jocelerme Privert avait pris des engagements notamment en faveur de Edgard Leblanc pour que celui-ci devienne Premier ministre. Certains vous accusent de n’avoir pas tenu votre promesse et annoncent par conséquent qu’ils ne vont pas voter Fritz-Alphonse Jean. Votre réaction ? J.P : Il y a un accord de sortie de crise qui a été signé entre le président de la République, le président du Sénat et le président de la Chambre des députés. Cet accord avait clairement dit que le président provisoire a pour obligation de nommer un Premier ministre après consultation de l’ensemble des secteurs de la société et les partis représentés au Parlement, les partis non représentés et tous les acteurs de la vie nationale. Comment décemment, un Parlement dont le président avait signé pour qu’il y ait consultation, peut-il nommer un Premier ministre bien avant les consultations ? C’est l’accord qui exige cette consultation. Je pense que jusqu’a présent, toutes les actions que j’ai conduites ainsi que les démarches que j’ai entreprises sont en strict respect de la Constitution et l’accord que j’avais personnellement signé. L.N : Vous n’avez pas dupé comme le pensent les gens ? J.P : Toutes les démarches que j’ai entreprises sont en conformité avec l’accord que j’avais signé en compagnie du collègue Chancy, président de la Chambre des députés. L.N : Les consultations ont lieu en vue de regarder si votre choix passera au Parlement. C’est l’idée même des consultations. Est-ce que dans le cas de Fritz Jean les présidents des deux chambres vous avaient donné la garantie qu’il passera au Parlement ? J.P : Les présidents des deux chambres n’ont pas à donner de garantie. Ils doivent être consultés. S’il est vrai que pendant ces consultations, il y a eu huit premiers ministrables présentés par différents secteurs, il me fallait choisir un Premier ministre parmi les personnes qui m’ont été présentées. Il y en a parmi les personnes qui m’ont été proposées qui avaient des problèmes de décharge. Il y en a aussi qui n’ont même pas une représentation au Parlement. Et c’est parmi ces huit que j’ai choisi Fritz Jean qui a été proposé par le secteur des droits humains. Autant que je sache, il y a des blocs parlementaires à la Chambre des députés qui sont en train de rechercher un consensus pour permettre à ce que le Premier ministre puisse bénéficier d’une majorité pour sa ratification. Au Sénat aussi, il y a des consultations en cours avec différents sénateurs et le groupe majoritaire pour que le Premier ministre soit ratifié au Sénat. L.N : Peut-on dire que vous êtes confiant que le Premier ministre Fritz A. Jean passera l’étape du Parlement ? J.P : J’ai la confiance pleine et entière. L.N : Il y a une liste de membres du gouvernement qui circule, on n’y voit aucun représentant du PHTK. Ce parti ne participera pas à ce gouvernement de consensus ? J.P : La présidence n’a encore publié aucune liste de ministres. Les consultations continuent encore. L.N : Le gouvernement de K-Plim a mis les voiles à un moment où le pays fait face à des catastrophes comme les inondations qui ont eu lieu dans le Nord. Comment le président se sent-il ? J.P : N’oubliez pas que je suis un fonctionnaire de carrière. En tant que tel, je sais comment fonctionne l’Etat. N’oubliez pas non plus que je suis un ancien ministre de l’Intérieur qui est responsable de la gestion des catastrophes naturelles. En tant que ministre de l’Intérieur, j’étais président du secrétariat permanent de la gestion des risques et désastres. Par conséquent, le citoyen Jocelerme Privert, le président de la République, sait quoi faire en vue d’apporter les premiers secours aux personnes victimes en cas de catastrophes. Hier matin (lundi), une délégation s’était rendue dans le Nord. Depuis dimanche, des membres de mon cabinet étaient mobilisés aux côtés des victimes dans les départements du Nord et du Nord’est. Sur cette question, on a fait ce qu’on a à faire. Pas plus tard qu’hier matin, j’ai conduit un conseil de cabinet en présence du directeur de la protection civile, on a pris toutes les mesures en tant que responsables. La Constitution est formelle, lorsqu’un Premier ministre est démissionnaire il reste en poste pour liquider les affaires courantes jusqu’à l’installation de son successeur. Cette provision constitutionnelle est aussi valable pour les ministres. Je ne crois pas qu’il existe aucune disposition constitutionnelle autorisant un ministre à abandonner son poste. Ces ministres restent ministres et responsables de leur ministère jusqu’à ce que de nouveaux ministres soient installés.


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