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Jihad : Pierre Choulet, l’"ange" devenu un monstre aux yeux de ses parents

vendredi 20 février 2015

"De mon garçon, un ange, ils ont fait un monstre" : la mère de Pierre Choulet, alias "Abou-Talha al-Faransi" ("le Français"), ne comprend toujours pas comment son fils a pu basculer au point de mourir en kamikaze dans un attentat suicide en Irak.

Pierre Choulet, 19 ans, était "un gamin comme la plupart des autres" qui n’avait jamais eu de problèmes, témoignent à l’AFP ses parents, Gérard et Marie-Agnès, dignes dans la douleur.

Gentil et plutôt réservé, ce garçon sportif adepte de vélo cross et de ballon rond a grandi avec deux demi-frères dans la maison familiale de Port-sur-Saône (Haute-Saône). Un pavillon parmi d’autres à la périphérie de cette commune paisible de 3.000 habitants située à une dizaine de kilomètres de Vesoul.

Il voulait être éducateur spécialisé, mais le 22 octobre 2013, à tout juste 18 ans et après quelques mois passés à la faculté de sport de Besançon, il est parti pour la Syrie, laissant ce mot dactylographié à ses parents : "Papa, maman, je suis parti aider les Syriens et les Syriennes, mais ne vous inquiétez pas, je vous donnerai des nouvelles dès que possible. Je vous aime".

"Au début, on pensait qu’il était allé rejoindre une association humanitaire, c’était l’époque où la population syrienne était contre Bachar Al-Assad", le président syrien, raconte son père, 52 ans, ouvrier chez Eurosérum.

"Il nous envoyait des mails, mais il ne nous a jamais parlé de combats. Il disait qu’il s’occupait d’enfants syriens, qu’il leur apprenait à jouer au foot", se souviennent ses parents.

Mais ils avaient fini par comprendre que leur fils avait probablement rejoint un groupe jihadiste. Et se demandaient si un jour, ils ne le découvriraient pas "les armes à la main sur internet". Ce fut pire.

Vendredi, le groupe Etat islamique (EI) a annoncé que "Abou-Talha al-Faransi", passé en Irak, était décédé dans une attaque menée à l’aide d’un camion piégé contre une caserne de miliciens chiites près de la base militaire de Speicher, dans la province de Salaheddine (centre), à 160 km de Bagdad.

Sur internet "j’ai tout de suite reconnu mon fils, ça a été un choc", confie Marie-Agnès, une aide-soignante aux cheveux bruns et bouclés, âgée de 54 ans.

"De mon garçon, un ange, ils ont fait un monstre", lâche-t-elle.

- ’Sans haine’ -

Son fils a commencé à changer lorsqu’il était en 1ère, au lycée Édouard Belin de Vesoul. Les notes de Pierre, qui avait jusqu’alors toujours été bon élève, ont baissé. Il s’est laissé pousser le bouc et a commencé à changer de tenue vestimentaire.

C’est à cette époque aussi que, catholique par baptême, il a dû se convertir à l’islam, bien qu’il ait peu abordé le sujet avec ses parents. A son père qui cherche à le mettre en garde, il répond : "Ne t’inquiètes pas, tu as une mauvaise image de l’islam".

"On ne sait pas comment il a été endoctriné. Il avait 17 ans, on pensait qu’il faisait juste sa crise d’adolescence, qu’il avait besoin de se démarquer de nous et que ça lui passerait", dit le père de famille, les yeux tristes.

"À l’époque, on ne parlait pas encore des départs pour le jihad et l’ampleur médiatique n’était pas la même qu’aujourd’hui", souligne Gérard Choulet, qui aurait aimé avoir un "numéro Vert à appeler" pour faire face à la radicalisation de son garçon.

"Il a sûrement fait une mauvaise rencontre à Vesoul, au mauvais moment... Ces gens sont très doués pour chambouler un esprit", note son père qui se dit "démuni" mais "sans haine" face à l’acte "horrible" perpétré par Pierre Choulet : "C’est un geste incompréhensible, déjà quand c’est un inconnu qui le fait, alors quand c’est votre propre fils ?"


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