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L’État palestinien, nouveau cheval de bataille de Fabius

vendredi 19 juin 2015

Le chef de la diplomatie se lance dans une intense campagne visant à faire adopter une résolution française sur le conflit israélo-palestinien.

Un marathon diplomatique attend Laurent Fabius ce week-end. Le Caire, Amman, Ramallah ou encore Jérusalem, en moins de deux jours, le chef de la diplomatie française doit rencontrer pas moins quatre chefs d’État ou de gouvernement, dont le président égyptien Sissi, le roi Abdallah II de Jordanie, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et enfin le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Objectif affiché, la relance du processus de paix israélo-palestinien. "Ce processus de paix n’a plus de processus que le nom", confie une source diplomatique française, admettant que l’"on est encore loin aujourd’hui" de la perspective d’une reprise des pourparlers.

Depuis l’échec, fin avril 2014, de la dernière tentative de négociations sous l’égide du secrétaire d’État américain John Kerry, les deux camps semblent avoir définitivement entériné la perspective d’une solution négociée. À peine deux mois plus tard éclatait la sanglante guerre de Gaza (2 136 morts du côté palestinien, 68 du côté israélien) entre Tsahal et le Hamas palestinien. Depuis, la colonisation israélienne –– illégale selon le droit international –– et les humiliations en territoire palestinien se poursuivent, en même temps que les violences palestiniennes contre des civils et des militaires israéliens.

"Nous ne voulons pas d’une nouvelle guerre à Gaza"

Et ce n’est sûrement pas le nouveau gouvernement israélien –– le plus à droite de l’histoire –– ni l’extrême fragilité du président palestinien Mahmoud Abbas –– dont le gouvernement d’union avec le Hamas vient de démissionner –– qui plaident pour une relance des discussions. "L’affaiblissement des deux parties ne pousse pas à la reprise d’une discussion crédible", convient la source diplomatique. "Mais nous sommes convaincus que l’inertie est mortifère. La poursuite de la colonisation met à mal la viabilité de la solution à deux États, et les fortes tensions sur le terrain risquent de nouveau de déboucher sur des violences : nous ne voulons pas d’une nouvelle guerre à Gaza."

Pourtant, l’aggravation de la situation au Proche-Orient est aujourd’hui relativement éclipsée par l’essor de l’organisation État islamique, ce que ne manque pas de faire valoir Benjamin Netanyahu. Ce n’est pas l’avis de Paris. "On ne peut plus isoler le conflit israélo-palestinien du contexte régional", souligne-t-on dans l’entourage du ministre. "D’autant que Daesh pourrait s’intéresser au conflit israélo-palestinien. Ce prétendu califat, qui manque d’une cause, pourrait s’en saisir, ce qui serait catastrophique tant pour la région que pour la sécurité de nos propres pays car cela augmenterait son pouvoir d’attractivité." À Gaza, le Hamas est désormais la cible d’attaques revendiquées par des groupes salafistes se réclamant de l’EI, également auteurs de tirs à la roquette sur l’État hébreu.

"Sortir du tête-à-tête"

Consciente du danger de l’inaction dans la région, la France entend changer les règles du jeu. "La méthode doit évoluer, indique-t-on dans l’entourage du ministre. Celle des face-à-face directs entre Israéliens et Palestiniens, sous le patronage américain, a échoué. Il faut sortir de ce tête-à-tête avec un accompagnement international intense." Depuis l’échec à l’ONU, fin décembre, d’une résolution palestinienne réclamant la fin de l’occupation israélienne, Laurent Fabius s’est lancé en coulisse dans une audacieuse initiative diplomatique visant à relancer le processus de paix.

Le mois dernier, Le Figarorévélait que Paris avait transmis à ses partenaires européens ainsi qu’aux pays de la Ligue arabe un projet de résolution poussant les deux parties à s’entendre sous dix-huit mois, sous peine de reconnaître unilatéralement l’État palestinien. Création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967 moyennant des "échanges mutuellement agréés de territoires", Jérusalem comme capitale des deux États, retrait de l’armée israélienne des territoires palestiniens..., les détails du projet reprenaient les fondamentaux de la position française sur le conflit. Seule l’évocation d’une solution "juste, équilibrée et réaliste" sur la question des réfugiés palestiniens, s’appuyant sur un "mécanisme de compensation", apportait un brin de nouveauté.

Le soutien d’Obama

Interrogé sur ce texte, l’entourage du ministre dément qu’un tel projet soit sur la table. "L’idée est d’avancer avec chacun, de promouvoir une approche consensuelle", explique-t-on à Paris. "Mais contrairement au passé, par exemple sous la médiation de John Kerry, les paramètres –– bien connus –– doivent être inscrits dans le document et être endossés par la communauté internationale. Cela dit, les États-Unis resteront centraux dans le dispositif de négociations, ajoute-t-on, et il est nécessaire qu’ils puissent pleinement s’associer au texte qui pourrait être adopté."

Depuis l’échec de la médiation Kerry, les États-Unis, allié indéfectible de l’État hébreu, semblent avoir délaissé le conflit israélo-palestinien, au profit des ultimes négociations sur le nucléaire iranien qui pourraient couronner la diplomatie de Barack Obama. Un véritable "poison" à avaler pour Israël, qui éloigne encore la perspective d’un geste israélien vis-à-vis des Palestiniens, d’autant que les périodes électorales américaines ne sont jamais propices à la moindre initiative sur le dossier israélo-palestinien.

Néanmoins, Barack Obama a surpris début juin en indiquant à la télévision israélienne que les États-Unis pourraient ne pas opposer leur (traditionnel) veto à une résolution française devant le Conseil de sécurité de l’ONU. "C’est inédit qu’Obama ait publiquement évoqué cela, insiste une source diplomatique française. La fenêtre de tir est extrêmement étroite, mais Obama laisse entendre qu’elle existe." Un soutien de poids à l’initiative française, qui ne sera pas de trop pour relancer d’improbables négociations


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