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L’œil rivé de Philippe Vorbe sur les Grenadiers

vendredi 20 mai 2016

Haïti, placée dans le groupe du Pérou, du Brésil et de l’Equateur, disputera la Copa America Centenario (3 au 26 juin) aux USA.

A moins d’une vingtaine de jours du coup d’envoi de cette compétition spéciale, Philippe Vorbe, passeur décisif pour Manno Sanon qui a mis fin à l’invincibilité de Dino Zoff (au mondial 1974 en Allemagne), joueur emblématique de l’équipe nationale, devenu depuis commentateur sportif, s’est exprimé volontiers dans les colonnes de Ticket Sport sur l’équipe entraînée par le technicien français Patrice Neveu. Il a, entre autres, fait le point sur la qualité de jeu et le schéma tactique du Onze national avant d’évoquer son espérance. Dans la foulée, il a aussi placé un petit mot sur son club de cœur, le Violette AC

Ticket Sport : Quelle est votre lecture sur la préliste des 40, réduite à 28, puis à 23 en vue de disputer la Copa America Centenario ?
Philippe Vorbe : Je ne veux pas et je ne peux pas faire non plus une lecture approfondie de la préliste des 40 joueurs présélectionnés dans la mesure où le sélectionneur national (Patrice Neveu) n’a pas précisé clairement dans quels clubs évoluent les joueurs appelés en équipe nationale. Cependant, il y a certains d’entre eux que je peux identifier de noms pour les avoir vus jouer à plusieurs reprises au stade Sylvio Cator, et d’autres que j’ignore totalement. Une chose est certaine, ils (expatriés ou pas) sont tous des Haïtiens, sélectionnés pour aider Haïti dans les compétitions internationales.
Une présélection de 40 éléments n’est autre qu’une sorte de mise en train. Cela dit, on compte sur vous et vous devez commencer à vous préparer individuellement sur les plans physique et mental. C’est une occasion unique pour ces joueurs de mettre tout en ordre. La publication de la préliste des 40 est synonyme du lancement de la Copa America pour Haïti.
TS : Haïti part en stage à l’IMG Academy à Bradenton (18 au 30 mai) peu avant le coup d’envoi de la Copa America. Est-ce une bonne chose selon vous

PV : Aller en stage aux USA, je pense que c’est la meilleure chose qui puisse arriver à l’équipe nationale. Vous savez que les joueurs locaux ne jouent plus en équipe nationale. La priorité est donc accordée désormais aux expatriés. Il arrive que ces derniers s’éparpillent à travers le monde, alors comment avoir un jeu d’ensemble ou une sorte d’harmonie dans le jeu pratiqué par les Grenadiers ? Le sélectionneur Patrice Neveu n’a les joueurs que deux ou trois jours avant de disputer un match. Dans cette situation, c’est très difficile d’avoir une sélection nationale collectivement forte.

Pour cette Copa America, il aura les joueurs à sa disposition une quinzaine de jours avant que débute la compétition. Ce stage arrive à point nommé. Il aura amplement de temps pour mettre en place un système de jeu, une sorte de complémentarité, des set-play et tout un amalgame tactiques et techniques en prévision de l’adversaire qui sera en face. Sans nul doute on aura dans cette Copa, en termes de qualité de jeu, une bien meilleure équipe nationale. Marc Collat, souvenez-vous, avait les mêmes difficultés. En effectuant un stage aux USA avant la Gold Cup, son équipe a été tout simplement brillante et a fait rêver le peuple haïtien à sa façon.

TS : Dans la foulée, Haïti disputera deux tests matches avant la Copa, dont un contre la Colombie. Avez-vous un mot là-dessus ?
PV : J’attends le match de la Colombie, programmé pour le 29 mai. J’ose espérer que cette rencontre sera retransmise en direct sur Haïti. Ce faisant, on aura une meilleure idée du chemin parcouru par les Grenadiers. De tout cela, je reste positif, car on aura affaire à des joueurs super professionnels jouant en Europe, en Asie et un peu partout en Amérique. Je ne place pas mon espérance très haut dans cette Copa America Centenario, mais je souhaite qu’ils (Grenadiers) fassent une très bonne compétition, de quoi vendre une meilleure image du pays. Ils sont nos ambassadeurs, qu’ils pratiquent du beau jeu, qu’ils fassent rêver le peuple haïtien à nouveau.
TS : Le sélectionneur national, Patrice Neveu, fait l’objet de beaucoup de critiques pour la qualité du jeu pratiqué par les Grenadiers dans le double face-à-face contre le Panama. Abondez-vous dans le même sens que ces gens-là ?
PV : Il est fort possible. En réalité, j’ai trouvé que l’équipe n’a pas joué son football. Il y a un tas de choses pour expliquer cela. Tout ce que je viens de vous dire tout à l’heure est un facteur important. Le sélectionneur n’a pas suffisamment de temps pour travailler avec les joueurs. Vous imaginez qu’un joueur venant de l’Europe ou de l’Asie (24 heures de vol) qui arrive en Haïti et jouer deux ou trois jours plus tard. En temps normal, ce joueur en question, en raison du décalage horaire et de la fatigue, devait se reposer et s’acclimater. Autrement dit, il n’est pas permis à n’importe qui de jouer dans cette condition : je dirais impossible. A dire vrai, je ne blâme pas cette double confrontation, car, je n’y espérais pas grand-chose. Je sais de quoi je parle, car les conditions de préparation étaient extra-difficiles. On doit attendre la Copa America pour se faire une vraie idée et de porter un jugement réel sur la qualité du jeu pratiqué par l’équipe de Patrice Neveu. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

TS : Ils sont très peu, les joueurs jouant dans notre championnat national, retenus en équipe nationale. Quel est votre avis à ce sujet ?

PV : A vous dire franchement, je ne peux pas et je ne veux pas non plus émettre mon opinion pour la simple et bonne raison que je ne regarde pas souvent les matches de notre championnat national. Le peu que je regarde, le niveau n’est pas trop élevé vraiment. Sur la valeur, je ne peux apporter aucun jugement définitif. Il y a une réalité en Haïti, c’est que le football qui se joue à Port-au-Prince est loin de celui pratiqué dans les villes de province. Cela dit, le vrai football national se joue dans les villes de province et celui de la capitale est quasiment mort. Il a fallu que je voyage à (Saint-Marc, Gonaïves, Léogâne, Cayes et Mirebalais) pour voir jouer les différentes équipes. Ce faisant, je serais peut-être en mesure d’émettre un point de vue justifié à ce sujet. Sur quelques images que je vois à la télévision bien qu’elles ne soient pas trop claires, le niveau n’est pas élevé, pour ne pas dire qu’il est tout simplement très faible.

TS : Haïti affrontera le Pérou (4 juin à Seattle), le Brésil (8 juin à Orlando) et l’Equateur (12 juin à New Jersey) dans la Copa America. Quelle est votre attente ?

PV : Pour répondre à cette question, permettez-moi de faire un flash-back. Alors personnellement, j’aurais payé de l’argent pour jouer ces trois rencontres. Ils sont (les Sud-Américains) de vrais footballeurs et ils savent comment jouer au football. Dire à un tennis player haïtien qu’il va affronter Novak Djokovic, ce n’est pas peu dire, car cela lui arrive une fois dans la vie. Combien de fois Haïti aura à jouer contre le Brésil dans un match officiel ? C’est une chose inespérée. Il faut prendre cela à cœur. Ils doivent (les Grenadiers) donner le maximum d’eux et tout tenter, pourquoi pas ? Je le dis et je le répète, c’est une chose inespérée, ils doivent en profiter. Haïti n’a rien à perdre et tout est à gagner. Les Grenadiers doivent jouer sans complexe, de quoi mettre la pression sur les autres équipes.

TS : Le 15 mai 2016 a ramené le 98e anniversaire de votre club de cœur, le Violette AC. N’avez-vous pas eu un mot spécial pour le VAC ?
PV : Bon anniversaire Violette AC !
TS : Seulement ça ?
PV : Je crois que je ne peux pas avancer autre chose. Sinon : bon anniversaire ! Vous savez que j’ai passé plus de 40 ans de ma vie à fournir de beaux et de loyaux services au Violette AC. Sans crainte d’être démenti, ça a été une expérience fructueuse et merveilleuse. Cependant, ils (les gens du VAC) mettent un terme à cette expérience. Je leur ai dit merci. Le Violette AC reste profondément soudé et attaché à mon cœur. Toutefois, je n’y participe et je n’en parle pas.

Ticket Sport : Le Violette AC (17 matches sans victoire) se trouve dans une situation plus que compliquée ?
Philippe Vorbe : Je l’entends dire. Quelle est sa place ? Dernier ! Je m’excuse. Alors, je suppose que l’équipe peut renverser la vapeur au second tour. Je ne sais pas. En tout cas, c’est mon souhait. Le jour de sa fête, j’en profite pour prier pour l’équipe afin qu’elle tienne sa place parmi l’élite du football national.

AUTEUR

Propos recueillis par Légupeterson Alexandre

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