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La situation des droits humains est remarquablement grave..., le mécontentement social est palpable », selon Gustavo Gallón

mercredi 4 mars 2015

L’absence des élections produit un impact notoire sur l’État de droit et sur le fonctionnement des institutions en Haïti », a révélé mardi l’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Haïti – aux termes de sa visite de 10 jours dans le pays. Gustavo Gallón appelle les autorités à tout mettre en œuvre pour réaliser les élections afin de garantir l’État de droit démocratique et, par conséquent, le respect des droits humains.

Après avoir rencontré des autorités, des représentants de partis politiques, des membres de la société civile et des organisations des droits humains, ainsi que du corps diplomatique, lors de sa troisième visite en Haïti, Gustavo Gallón a repris les domaines prioritaires sur lesquels il avait alerté les décideurs lors de sa précédente visite en juillet 2014. Il s’agit de l’absence des élections, la réparation des violations des droits humains du passé, l’analphabétisme, la détention préventive prolongée et les conditions de vie de « 80 000 personnes » qui vivent encore dans les camps de déplacés, plus de cinq ans après le séisme du 12 janvier 2010.

« C’est évident qu’il faut des mesures urgentes visant à corriger, dans un délai raisonnablement court, ces situations qui traînent depuis de nombreuses années dans la vie quotidienne en Haïti, mais qui, néanmoins, doivent être éradiquées avec détermination, car elles constituent un degré extrême et inacceptable de violations des droits humains », a-t-il soutenu mardi à la base logistique de la Minustah à Clercine.

Néanmoins, Gustavo Gallón dit concentrer sa visite, cette fois-ci, sur l’absence d’élections qui, à son avis, « produit un impact notoire sur l’État de droit et sur le fonctionnement des institutions dans le pays ». Il a souligné l’importance du droit d’élire et d’être élu, aussi bien que la sensibilité de ce sujet en Haïti, et son incidence sur le fonctionnement de l’ensemble de l’appareil étatique et de la démocratie en Haïti. Déjà, lors de sa précédente mission en Haïti en juillet 2014, l’expert indépendant avait alerté sur le risque de détérioration de la situation politique et avait demandé aux forces politiques de conclure un accord de base sur les règles du jeu électoral.

« Quelques mois après ma précédente visite, a poursuivi le Colombien, je peux constater que le mécontentement social est palpable dans les rues d’Haïti. Les manifestations dans les rues se multiplient, stimulées par le mécontentement au sujet des élections mais aggravées aussi par le maintien du prix du pétrole malgré sa chute au niveau international, et ses effets sur le pouvoir d’achat de la population. Ces manifestations sont des symptômes d’un malaise social auquel il faut faire face. De même, on ne devrait pas négliger une augmentation des meurtres à Cité Soleil au mois de février, ni les rumeurs de circulation d’armes longues (sic) dans ce quartier », a expliqué Gustavo Gallón, qui invite les autorités à assurer la réalisation effective des élections dans le pays.

Outre l’absence des élections, le phénomène de détention préventive prolongée constituait un point essentiel de sa présentation sur la situation des droits humains en Haïti. L’expert a encouragé le ministère de la Justice et les autorités judiciaires à mettre en œuvre des actions urgentes visant à l’abolition de cette pratique qui touche environ « 80% » des personnes privées de liberté en Haïti. Au cours de sa mission, M. Gallón a visité la prison de femmes de Pétion-Ville et le Centre de rééducation des mineurs en conflit avec la loi, CERMICOL. « Les conditions de surpeuplement de CERMICOL, et encore plus de la prison des femmes, sont sans aucun doute inhumaines et dégradantes », a-t-il déclaré.

En ce qui concerne les violations des droits humains commises dans le passé, Gustavo Gallón a insisté sur l’application de mesures urgentes afin de rendre réels les droits à la vérité, à la justice et à la réparation pour les nombreuses victimes. Il a notamment demandé de continuer le procès emblématique contre Jean-Claude Duvalier et consorts ainsi que de fournir la protection et les moyens matériels et humains nécessaires pour que le juge puisse mener l’enquête de manière effective. Pour ce cas comme pour d’autres, l’expert a réitéré sa recommandation de créer une commission nationale de réparation. « En plus de la réparation physique et des déclarations judiciaires de responsabilité, cette commission pourrait, à moyen et à long terme, contribuer à la définition d’activités pédagogiques visant à rétablir le droit à la mémoire », a-t-il affirmé.

Il a aussi rappelé qu’il reste encore environ « 80 000 personnes » vivant dans des camps depuis 2010 et a demandé d’accroître l’intensité des activités visant à leur trouver, aussitôt que possible, un logement digne. Le défenseur des droits humains a en outre exprimé son inquiétude sur la disparition, dans la configuration du gouvernement actuel, du bureau chargé des droits humains, sous la modalité d’un ministère délégué à la Primature ainsi que la mise en veille du Comité interministériel des droits de la personne et du projet de plan d’action pour la promotion et protection des droits humains en Haïti. Il a encouragé le gouvernement à mettre en place une structure pour continuer ces activités permettant d’incorporer l’ensemble du gouvernement à la définition et à la mise en place d’une politique de droits humains.

Gustavo Gallón a, par ailleurs, exprimé sa solidarité avec les personnes d’origine haïtienne en République dominicaine, victimes d’actes de discrimination à leur encontre et de risques d’apatridie. Il a affirmé que les cinq aspects prioritaires précités seront le fil conducteur de son deuxième rapport sur Haïti, qu’il présentera au Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 24 mars prochain à Genève (Suisse).

AUTEUR

Bertrand Mercéus

mbertrand@lenouvelliste.com


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