MosaikHub Magazine

Le pays des crises sans fin

vendredi 20 novembre 2015

La crise. Quelle crise ? Celle qui arrive ? La crise permanente ? La prochaine nouvelle crise ? En Haïti, depuis des années, dans la panoplie des crises, nous avons l’embarras du choix. Il y a la crise économique. Celle de l’emploi. Il y a la crise sécuritaire. La crise budgétaire. Celle du change. Celle du crédit. Celle de la balance commerciale. La crise migratoire. La crisse de croissance. La crise démographique. Il y a la crise de l’éducation. Maternelle. Primaire. Secondaire. Universitaire. Professionnelle. La crise des vocations. Celle de confiance. Etc., etc. Et il y a la sainte et bonne crise politique, la mère de toutes les crises. La première manifestation de la crise politique que nous vivons de nos jours date de la fin des années 70. L’économie va mieux pour la première fois sous le règne d’un Duvalier président. Une classe politique naissante se cherche une place. La presse se libère. Panique dans le camp du dictateur. Début 80, le régime des Duvalier tente d’y remédier par le retour à la répression après quelques années de détente. Puis par un changement de Constitution en 1983. Cela finira par la fuite, au petit matin, de Baby Doc et de sa suite le 7 février 1986. De 1986 à 1995, le pays refuse de marcher au pas comme l’auraient souhaité les militaires. Il ne marche pas au goût de tous les démocrates non plus. On n’arrive pas à trouver chaussures qui vont à la démocratie balbutiante. Ce n’est que l’arrivée des soldats américains, puis de troupes des Nations unies qui change l’équilibre des forces. Au lieu d’en profiter pour construire des institutions fortes, de 1995 à 2015, nous nous endormons sur chaque petite branche de laurier qui bourgeonne dans le désert de nos initiatives. Les militaires et l’armée d’Haïti, comme Jean-Bertrand Aristide, connaitront l’exil au bout de l’aventure. Les petites crises de l’ère Duvalier, celles qui étouffaient sous le joug de la répression, comme les nouvelles crises, ont profité des vingt dernières années pour s’épanouir. Aujourd’hui, nous ne savons plus par quel bout prendre une crise, ni s’il faut les prendre l’une après l’autre. Nous n’avons pas assez de bras pour les prendre à bras-le-corps ni d’intelligence pour commencer le tri. Au pays du tout est prioritaire, personne ne s’étonne plus que rien ne soit en première ligne. Nous sommes devenus incapables de commencer, voire d’en finir avec une crise. Prenons la crise électorale. Les lignes bougent. Lentement. Tout indique que, chacun se croyant plus intelligent que l’autre, la lenteur va s’installer. En pensant doubler son vis-à-vis, la crise va doubler tout le monde et la crise électorale se transformera encore une fois en crise politique. Et on recommencera à danser sur un pied comme nous le faisons depuis 1980 au moins. Une crise engendrant une autre. Ce qui nous pend au nez dépasse Martelly, Opont, les leaders politiques et les ambassadeurs de passage. Il n’atteint pas l’entendement des acteurs. Quand dans un pays, où un vieux de la vieille, un politicien de plus de 40 ans, Évans Paul, pour ne pas le nommer K-Plim, confesse l’essentiel de sa fonction de Premier ministre sur La Voix de l’Amérique, il se voit « Tankou yon ponpye k ap etenn dife ; mwen toujou oblije envante yon solisyon », alors vous comprendrez que nous sommes loin de sortir de la galerie des crises.

Frantz Duval duval@lenouvelliste.com


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