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Le tic-tac implacable de l’heure de la sortie est déjà en marche

mardi 16 février 2016

Se kolòn ki bat. Ce proverbe de chez nous n’a jamais eu autant de sens qu’avec l’élection de Jocelerme Privert comme président provisoire de la République. Trois anciens présidents de l’Assemblée nationale s’affrontaient, celui qui avait le plus d’alliés au Parlement a remporté la bataille.
Il faut dire que les troupes de Jocelerme Privert étaient en marche depuis des semaines. Mi-janvier, les sénateurs avaient déjà fait de lui le premier d’entre eux et les députés le connaissaient bien.
Cela n’a pas empêché Privert de rencontrer un large éventail d’acteurs de la société civile et de la classe politique. En allant directement au contact, plus pour affirmer son rôle dans la chute de Michel Martelly que pour solliciter des appuis, Privert a su vendre sa candidature comme un résultat naturel.
Ceux qui avaient participé à la vente-signature de son dernier ouvrage en mars 2014 à l’hôtel Royal Oasis disent même que le sénateur, ancien ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, ancien directeur général de la Direction générale des impôts (DGI), était en campagne de charme depuis des mois. Il polissait son image, plaçait ses ambitions.
Cela dit, l’élection de Jocelerme Privert a été, en dépit des accrocs à la langue et au protocole, en dépit de cette collection de petits riens qui alimentent les conversations et dont tout le monde se souvient, un vrai moment de la vie démocratique parlementaire. Les élus ont bien joué pendant des heures et des heures leur rôle. Les camps sont restés solidaires jusqu’au moment où il était évident que le bloc des fidèles à Privert au Sénat était monolithique.
Les blocs sont donc utiles. Très utiles. Ils ont une cohésion, une fidélité et une logique qui démentent tout ce que disent les détracteurs de nos politiciens. Du Groupe des 6, les irréductibles sénateurs opposants à Michel Martelly qui lui ont pourri son mandat, aux alliés de Jocelerme Privert qui l’ont conduit au bout de la nuit à la présidence provisoire samedi, jusqu’aux très utiles manifestants permanents qui donnent vie aux revendications politiques de Lavalas depuis des décennies, définitivement se kolòn ki bat dans la politique haïtienne.
Alors quand on regarde les gesticulations de dernières minutes du sénateur Steven Benoît qui déserte son fauteuil au Parlement pour occuper les médias avec des propositions qu’il porte tout seul, quand on regarde les tentatives du jeune député de Delmas qui essaie de se faire entendre en passant par la presse lui aussi, on peut se demander quand est-ce que la leçon sera-t-elle apprise ?
Mesdames et Messieurs, vous voulez faire de la politique, vous voulez peser, vous voulez gagner, cherchez-vous des alliés pour appuyer vos idées, pour les porter avec vous, pour en faire de vraies forces. Seul, on ne peut pas réussir dans la politique. Seul on ne peut pas gouverner. Seul, on ne peut rien construire, rien démolir.
Jocelerme Privert, aujourd’hui ceint de l’écharpe présidentielle, rentre cependant dans une autre perspective : l’après-victoire. Il doit continuer à rassembler, à se reposer sur ses alliés, mais dans un autre registre. Il lui revient de satisfaire les attentes de tout un pays et c’est bien plus difficile que de se faire élire en petit comité.
Jocelerme Privert, président provisoire, quel que soit le temps que durera la transition, n’a plus une minute à perdre s’il veut arriver au plus près du but avant sa chute. Le tic-tac implacable de l’heure de la sortie est déjà en marche. Et quand ce moment arrive, on est tout seul.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


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