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Oraisons funèbres de Henri Bazin prononcées par M. Georges Henry Fils

vendredi 14 août 2015

Mon cher Ricot, L’annonce de ton décès le mardi 4 août a provoqué un grand émoi dans des milieux divers tant professionnels, universitaires, des affaires et politiques. Le flot spontané d’éloges et d’hommages déclenché par la nouvelle a été un témoignage éloquent de l’unanimité qui existe autour de ta personne. Ces secteurs, quel que soit leur credo, te vouaient un profond respect. J’ai pu me rendre compte qu’Henri Bazin ne s’appartenait pas, il était l’homme de tout le monde. C’est un honneur pour moi tout autant qu’une douleur d’être ici pour rendre hommage à une grande figure comme toi. Lorsque le conseil d’administration de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage m’a désigné pour t’exprimer les adieux de cette institution et simultanément ta famille m’a choisi pour te rendre un ultime hommage, je me suis senti honoré par cette marque d’attention. Elle est révélatrice des excellentes relations professionnelles, d’amitiés, d’affections qui se nourrissaient entre nous. D’ailleurs, certains de tes proches me considéraient comme ton jeune frère. Nous sommes ici aujourd’hui pour te dire un dernier adieu, toi qui fus un homme plus grand que nature, d’une générosité sans bornes, d’une générosité intérieure qui se manifestait par le don de ta présence, de tes conseils, à ceux qui t’entouraient, qui te côtoyaient. Tu aidais les gens à construire leur maison intérieure, celle de l’esprit, avec des matériaux éthiques, moraux, sociaux qui leur permettraient d’être à l’abri des tentations et de résister à ce séisme qu’est la corruption. Oui, cet homme si humain se donnait aux autres à profusion. Tu avais une propension naturelle à communiquer facilement en public, en toute simplicité, sans suffisance aucune, malgré tous les atouts de ton savoir scientifique. Chers amis, Ricot était aussi un homme de devoir, il l’avait montré. Il était un homme de savoir, il l’avait démontré. Il était un homme de parole, il l’avait prouvé. Il était un homme de conviction, il l’avait vécu. Sur le plan académique, il est diplômé de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de l’Université d’État d’Haïti où il fut le lauréat de sa promotion. Il a poursuivi ses études à Paris où il obtint un doctorat d’État es Sciences Économiques. Il est l’auteur de plusieurs publications spécialisées sur les questions de commerce extérieur, de coopération et d’intégration économique entre pays en voie de développement. Nous nous rappelons notamment de son œuvre : « Le secteur privé haïtien à l’orée du troisième millénaire : Défis et Perspectives » Ces qualités exceptionnelles qui le caractérisaient ont été mises au service de l’Etat lorsqu’il a été nommé ministre de l’Economie et des Finances dans une conjoncture particulière marquée par des dérivés de toute sorte. Il ne s’est pas comporté en homme du passé mais bien en homme du présent et du futur. Il a entrepris des changements déterminants, n’hésitant pas de surmonter des obstacles sachant que tout ce à quoi il croyait disparaîtrait si l’immobilisme triomphait. C’est pourquoi il répétait si souvent osons oser. On en veut pour preuve, par exemple : L’instauration de la rigueur et de la discipline fiscales qui ont permis à l’économie haïtienne de jouir d’une longue période de stabilité macro-économique ; pour atteindre cet objectif, il a d’abord assaini les finances publiques et ensuite renforcé la collaboration entre la banque centrale et le ministère de l’Économie et des Finances. A son actif, on peut citer entr’autres : La création de l’Unité de Lutte contre la Corruption ; La nouvelle loi de l’impôt sur le revenu ; La création de la Commission nationale des Marchés publics ; La création de l’Office National d’Identification ; Sa Contribution à la redynamisation de l’Association Haïtienne des Economistes dont il fut élu président à deux reprises ; Sa contribution à la formation des jeunes à l’université tant en Haïti qu’à l’étranger ; Il a notamment réouvert l’ENAF : l’Ecole nationale d’Administration financière qui forme des professionnels pour la fonction publique. Il a aussi apporté son expertise à des organisations internationales, dont la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement à Genève, la Commission des Nations Unies pour l’Afrique (Addis Abeba), le PNUD. Dans un autre registre, lorsqu’ il s’agissait de doter la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage d’Haïti d’un Conseil d’Administration après sa création en novembre 2009, il revenait à la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti, conformément à l’article 50 de ses statuts, de nommer le Président de la Chambre d’Arbitrage. A cette époque, Réginald Boulos, Président de la Chambre de Commerce d’Haïti me disait que vu la vocation de cette nouvelle institution et l’indépendance qu’elle doit garder vis-à-vis de la communauté des affaires, vis-à-vis de la communauté juridique, vis-à-vis de la Chambre de Commerce elle-même, il nous faut identifier un homme au-dessus de tout soupçon pour lui confier les destinées de cette institution. Comme Diogène, nous avons pris notre lampe à la recherche de cet homme. Lorsque je lui ai proposé Henri Bazin, il n’a pas sourcillé une seconde et m’a demandé d’établir les contacts pour une rencontre. Ce qui fut fait. Je vous fais grâce des questions et des exigences de Ricot avant d’accepter cette charge après plusieurs réunions. Le conseil d’administration de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti composé de dix-neuf (19) membres avait voté à l’unanimité la résolution devant nommer Henri Bazin, Président de la Chambre d’Arbitrage pour un mandat de trois (3) ans. Il fut confirmé à ce poste en décembre 2013 pour un nouveau mandat de trois (3) ans qu’il n’a pas pu terminer. Le parcours de cette Chambre a été marqué par l’engagement de cet homme. Une fois sa prise de fonction réalisée, il a commencé à faire le porte à porte auprès des cabinets d’avocats et des institutions patronales accompagné d’une délégation réduite dont je faisais partie. Infatigable, il les informait sur l’existence de l’institution et les services qu’elle offre en termes de médiation et d’arbitrage. Plus tard, on le retrouve en négociation avec le Ministère du Commerce, particulièrement avec son titulaire de l’époque, le ministre Wilson Laleau, avec la Banque Mondiale et l’Union Européenne pour obtenir le support de ces bailleurs. Aujourd’hui, la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage (CCAH) a enregistré des avancées certaines. Elle est dotée de médiateurs et d’arbitres formés tant en Haïti qu’à l’étranger. Les parties en litige sur le plan commercial saisissent cette instance et des sentences arbitrales sont rendues, ayant l’autorité de la chose jugée. Son image d’homme intègre et toujours au-dessus de la mêlée a été déterminante dans la confiance que cette institution inspire à ses partenaires et usagers. Tu étais aussi un homme, comme disait Maxime, qui aimait beaucoup son pays. Lorsque le pays était déshonoré tu te sentais blessé. Tu disais souvent que le pays est le seul bien commun que possèdent les pauvres. Aujourd’hui, nous saluons plus qu’un parcours. Nous rendons hommage à une conception de la vie, une philosophie. C’est à un grand seigneur que nous disons adieu. La grande leçon à retenir de cet homme est que la vie est une question de conviction, de foi et de chaleur humaine. Ricot Bazin nous a quittés, mais son souvenir ne nous quittera jamais. « Que son âme repose en paix ! »
Georges Henry Fils


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