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Pour Poutine, l’ennemi, c’est nous !

lundi 29 décembre 2014

Après avoir montré des signes d’apaisement vis-à-vis de l’Ukraine, le président russe brandit de nouvelles menaces et désigne un ennemi : l’Occident.

Tous ceux qui en ces fêtes de fin d’année seront passés par Prague et auront emprunté cette merveille qu’est le pont Charles auront remarqué en atteignant la vieille ville, sur l’autre rive de la Vltava, une banderole barrant le fronton de l’église du Saint-Sauveur : "Vaclave dekujeme", Vaclav merci ! Un hommage rendu par les Praguois à Vaclav Havel, leur premier président après la chute du rideau de fer et la libération du joug communiste. Cette même ferveur pour celui qui a réussi, sans effusion de sang, ce qu’on a appelé "la révolution de velours", on la retrouve quelques kilomètres plus loin sur la place Venceslas. Le lieu où Gottwald, le premier dirigeant communiste faisait défiler ses milices, en 1948.

Là aussi où Jan Pallach, un étudiant de 21 ans, s’est immolé par le feu le 16 janvier 1969 parce que les chars soviétiques avaient mis fin au Printemps de Prague et aux espoirs de libéralisation d’un régime totalitaire qu’Alexandre Dubcek avait rêvé d’humaniser. Sur cette place, donc, c’est un immense portrait de Vaclav Havel qui a été accroché à la façade du Musée national, tandis que devant la statue de Venceslas des dizaines de bougies commémorent la disparition, il y a deux ans, de celui auquel les Tchèques rendent ainsi hommage et qui continue à incarner pour eux l’homme de la résistance aux Russes.
Une méfiance à l’égard de Moscou

C’est toujours une expérience intéressante d’aller dans un de ces pays, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Pologne, Lituanie, Estonie, etc. qui, pendant plus de quarante ans, ont vécu dans l’empire soviétique. Car, pour avoir été leurrés et asservis pendant si longtemps, ils en ont gardé une méfiance à l’égard de Moscou bien plus vive que la nôtre. Et pour cause.

Surtout lorsque, paraissant brutalement changer d’avis et de direction après avoir montré des signes d’apaisement à propos de l’Ukraine, le maître du Kremlin change de ton. C’était vendredi et Poutine par un message vidéo s’adressait aux membres de l’expédition au pôle Sud de la société géographique russe. Une circonstance en apparence banale. C’est pourtant celle qu’il a choisie pour définir une nouvelle doctrine stratégique et désigner l’ennemi de la Russie.

Les menaces de Poutine

La doctrine est pour le moins menaçante puisque le président russe annonce que son pays "pourrait utiliser des missiles conventionnels de précision comme mesure de dissuasion stratégique". Et il énumère les cas où ces mesures pourraient être prises, comme "la présence de forces militaires étrangères sur le territoire des voisins de la Russie". Quand on regarde une carte, on constate que cinq pays occidentaux ou se considérant comme proches de l’Occident ont une frontière commune avec la Russie et certains d’entre eux des forces "étrangères" sur leur territoire : la Norvège, la Pologne, l’Estonie, la Lituanie et bien sûr l’Ukraine. Quatre de ces cinq pays appartiennent à l’Otan.

C’est d’ailleurs bien là le noeud du problème. En désignant, dans le même enregistrement vidéo, l’Otan comme la première menace pour son pays, Poutine a répondu au vote du Parlement ukrainien qui, par une énorme majorité, avait décidé de suspendre le statut de pays non aligné. Un statut que l’ancien président Ianoukovitch avait imposé en 2010, sous la pression de Moscou. Un pas de plus vers l’adhésion au Traité de l’Atlantique Nord.

Les optimistes verront là un simple avertissement à l’Occident de ne pas accepter que l’Ukraine devienne membre de l’Otan. Les réalistes, dont beaucoup se trouvent précisément dans les anciennes Républiques populaires, comme la Tchéquie, devineront dans ces menaces de Vladimir Poutine le souhait de neutraliser les voisins les plus proches de ses frontières. Mais, dans tous les cas, il s’agit très probablement, au moment où l’économie russe va si mal, d’une nouvelle escalade nationaliste pour faire oublier ses énormes difficultés au pays.


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