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Pourquoi Michel Martelly voyage-t-il autant ?

jeudi 30 octobre 2014

Le président Michel Martelly est en Allemagne, puis se rendra en France. Une partie de son séjour est officiel à Berlin. L’autre, à Paris, rentre dans le cadre d’une visite de travail. Dans les deux principales capitales européennes, le président haïtien sera reçu par les chefs des deux Etats. La chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, François Hollande, réputés avares de leur temps, lui accorderont audience.

Michel Martelly représente Haïti au cours de ses voyages. Il vend, cherche à le faire tout au moins, l’image d’un pays qui veut redevenir un partenaire acceptable du monde, des grands pays comme de ceux de la coopération Sud-Sud. La tâche est ardue tant l’image, notre image de peuple et de nation, est cabossée.

Le président est comme souvent à la tête d’une délégation d’hommes d’affaires. Il essaie de faire passer le message que notre pays est de retour sur le marché mondial. Haïti est ouverte aux affaires est plus qu’un slogan depuis l’inauguration de sa présidence. Des dispositions légales très incitatives se mettent en place, des acteurs pro-business sont en poste au timon des affaires du pays et les hommes d’affaires, d’ici et du monde, sont invités à prendre le train Haïti.

A Berlin comme à Paris, hier à Taipei, le président Martelly guide notre secteur privé dans les cercles des capitaines d’industrie. C’est une introduction inestimable. Qu’en feront-ils ? Cela est une autre affaire. Que décideront les investisseurs étrangers qui les rencontrent, personne ne peut le prévoir. Ce qui est concret, ce sont les rencontres et les opportunités.

En faisant la tournée des politiques du monde entier depuis qu’il a vu Barak Obama à la Maison-Blanche au début de l’année 2014, le président Martelly vend aussi son parcours de président assiégé par un Parlement hostile. Il vante ses réalisations et ses efforts. Il dessine lui-même l’image qu’il veut que les grandes capitales aient de la situation en Haïti. Il court-circuite les ambassadeurs dits amis et les rapports d’ambassade. Il le fait d’autant mieux que l’opposition qui s’acharne à lui mettre des bâtons dans les roues n’a pas de porte-parole unique, pas un leader reconnu, pas de politique étrangère.

Pour un pays dépendant, assisté, sous tutelle de l’ONU comme le nôtre, l’étranger détermine un peu notre avenir, avouons-le. Martelly joue pour Haïti et pour lui en Europe cette semaine comme il le fait partout en étant systématiquement présent dans touts les forums, assemblées, rencontres, réunions. Même aux enterrements, il se pointe. Il s’impose.

Dans l’histoire récente, on peut compter sur les doigts d’une main les présidents haïtiens qui ont eu l’opportunité de voyager et de décrocher des rendez-vous avec les grands de ce monde. Jean-Claude Duvalier, au début de son règne, avait à son écoute les ambassadeurs des pays amis ; il ne pouvait pas quitter Haïti pour des tête-à-tête à l’étranger.

Jean-Bertrand Aristide a eu quelques mois de grâce absolue pendant son premier exil, quand Haïti était sous la botte des militaires du coup d’Etat du 30 septembre 1991. René Préval, après chacune de ses élections, pouvait rencontrer le monde entier, cela n’a jamais duré longtemps. Lors de son premier mandat il eut vite des problèmes politiques ; pendant le second, il était catalogué trop à gauche en s’affichant avec les présidents les plus honnis des Occidentaux.
Martelly est le seul qui joue sur tous les tableaux avec constance et une certaine réussite. Il voit le pape comme il voit Castro. Il rencontre Obama et Maduro. Il sympathise avec les Chinois, se rend à Taïwan. Il charme et chante partout où il passe.

A quoi tout cela sera-t-il utile ? L’avenir le dira.

Un fait est certain, il faut faire beaucoup d’efforts pour croire les déplacements du président sans plans précis.
Comme chaque président haïtien avant lui, Michel Martelly joue ses cartes. Haïti gagnera-t-elle la partie ? Toute la question est là.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


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