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Privert bat tanbou l, li danse l, men apre bal…

mardi 16 février 2016

Manque d’infos, déficience technique, ou banalisation de l’événement, la majorité des chaînes de télévision n’ont pas retransmis en direct la cérémonie de prise du pouvoir par Jocelerme Privert. J’avoue faire partie de ceux qui ont préféré suivre le show du Barça contre le Celta Vigo. Autre forme de virtuosité, et, surtout, côté démocratie, le compte était bon : onze contre onze, même si, quand on compare les deux équipes, un onze est supérieur à l’autre. Palman an bat tanbou l, li danse l. Le président de l’Assemblée nationale a signé un accord dont il est le premier bénéficiaire. Cela semble être un vice chez nous de se faire élire à une fonction dans le but d’en occuper une autre. L’événement n’est pas passé comme une lettre à la poste. Les protestations et dénonciations sont nombreuses et vont sans doute continuer. Mais il est passé comme un non-événement. Le spectacle n’a pas attiré la grande foule. C’est mauvais signe. Pour l’instant, seuls le forum économique, l’heureux élu, les parlementaires et les représentants de la communauté internationale, qui auraient joué le rôle de conseillers s’il faut croire la rumeur, semblent y croire. Quel est l’avenir d’un événement qui ne convainc que ses acteurs ? Ni comme spectacle ni comme marqueur d’une étape… L’accord a peut-être eu le mérite de donner une forme au départ de Martelly. Mais il n’a rien de démocratique. Les nouveaux parlementaires ont été eux-mêmes élus à la faveur de ces élections jugées frauduleuses par la population. On peut difficilement les considérer comme d’authentiques représentants de la volonté populaire. Et ce pouvoir que s’est donné le Parlement, quelles seront désormais ses limites ? Il y a le danger de tel secteur politique voulant profiter de la présence au pouvoir d’un vieil ami pour s’y installer. On entend telle station liée à tel parti dire qu’il faudra plus longtemps, au moins un an, peut-être deux, pour que le président Privert réussisse une transition efficace. N’ayons pas peur des mots. Que cela corresponde ou pas à la réalité, des membres de tel parti considèrent qu’ils ont pris le pouvoir et qu’il s’agit maintenant pour eux de l’exercer dans le principal but de le garder. Et le discours de Privert-parlementaire-président n’est pas ferme, plutôt fuyant ou muet sur les questions de l’heure : les revendications sociales d’un côté, grangou, lavi chè, tout kalite pwoblèm ekonomik majorite popilasyon an, qui réclament au moins des mesures d’apaisement ; et, de l’autre côté, les revendications proprement politiques : évaluation et sanction du processus électoral pourri qui a conduit à la situation actuelle. Il y a, sous cet accord, une mauvaise odeur de continuité. Toute continuité banalisant les revendications politiques comme les revendications sociales conduira à une nouvelle catastrophe. Si ces revendicatons ne trouvent pas de réponses institutionnelles, la rue, une nouvelle fois, les fera entendre. Et ce jour-là, même un Real vs Barcelone ne retiendra pas les gens chez eux. La colère est une chose que les nantis et les politiques ont cru trop souvent pouvoir différer. Tant de fins de règne des « à vie » comme des provisoires se voulant définitif en ont témoigné qu’il serait temps d’en tirer la leçon. Peut-être, comme le disent de nombreux citoyens, n’est-ce là que la première formule éphémère d’un provisoire qui risque de durer… Privert bat tanbou l, li danse l, men apre bal…
Antoine Lyonel Trouillot
zomangay@hotmail.com


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