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Sarkozy, l’homme qui ne fait plus peur

lundi 14 décembre 2015

Longtemps leader incontesté de sa famille politique, le président des Républicains a perdu de son autorité et se voit aujourd’hui critiqué par les siens.

Par Saïd Mahrane

En dehors d’un quarteron de fidèles, Nicolas Sarkozy n’a jamais été aimé des siens, et il le sait. Et désormais, cela se voit et s’entend. On ne se retient plus, on dit ce que l’on pense de lui et de ses méthodes, et plus question de trembler à la seule évocation de son nom. Voilà où en est Nicolas Sarkozy au lendemain de ces régionales. Rien n’est jamais définitif en politique, mais la donne a changé. Elle échappe à l’intéressé, qui va devoir relever un des plus grands défis de sa carrière politique. La conquête de 2007 et les mauvais coups des chiraquiens, à côté, c’était de la gnognote !

C’est moins l’homme que l’environnement qui a changé

Les ressentiments et les aigreurs à son endroit étaient déjà vrais jadis. Mais les élus, pour ceux qui l’ont soutenu, ont préféré tout mettre en sourdine, pour éviter d’être punis durant cinq ans, privés d’une investiture ou d’un ministère. « Sarko » était le seul à les mener à la victoire. Son aura et sa popularité étaient ses boucliers. En outre, il les terrorisait physiquement - et nous sommes sérieux en écrivant cela. La cour s’organisait autour du président tout-puissant, largement vainqueur des socialistes et qui se vantait d’avoir tué le Front national. C’est moins l’homme aujourd’hui qui a changé que l’environnement politique, que l’assurance des quadras, parfois ingrats, convaincus que leur heure est venue, qu’Alain Juppé et François Fillon, deux de ses ministres et non des moindres, qui, pour l’avoir vu de près, considèrent qu’ils n’ont rien, vraiment rien, à lui envier.

Un parti qui emprisonne

Aujourd’hui, il y a discussion. On discute de l’opportunité de maintenir un tel homme à la tête des Républicains, un candidat battu en 2012, revenant avec des recettes du passé, quitte à oublier son rôle fédérateur après la crise à l’UMP, le changement de nom de son parti, la victoire aux départementales et, oui, celle de dimanche soir… Ses rivaux ne retiennent que le nombre d’adhésions en chute, le manque de clarté stratégique et la montée du FN. « Va-t-il ressusciter Hollande ? » entend-on même. Nicolas Sarkozy, privé de Patrick Buisson dans sa volonté de maintenir la barre à droite, a voulu le parti. Il l’a eu, et on en verra tout l’intérêt dans les prochains mois.

Mais que faire quand, en attendant la primaire, le parti emprisonne, bride la parole, parce qu’on en est le chef, empêche de rendre les coups, rend fade et que l’on peut malgré tout exister hors de ses murs ? Le programme du parti sera une foutaise. Idem pour la ligne, à chacun son jeu. Dimanche soir, sans être nommé, le président des Républicains était omniprésent dans les discours d’après-résultats. En prônant une France ouverte et européenne, Alain Juppé a espéré que le message serait entendu Rue de Vaugirard. En affirmant que les résultats du premier tour sont le seul baromètre du pays avec un FN très haut, François Fillon rappelle à Sarkozy qu’il n’est en rien « un barrage au Front national », peut-être davantage une hormone de croissance. En réclamant, sourcils froncés, un renouvellement de la classe politique, Bruno Le Maire visait aussi celui qui a quitté sa retraite politique en 2014 pour prendre la tête du parti.

Dimanche soir, Valérie Pécresse a préféré rendre hommage à Jacques Chirac, plutôt qu’à celui qui l’a fait ministre entre 2007 et 2011. Le président des Républicains va, en outre, devoir composer avec des présidents de méga régions qui ne lui doivent rien, élus à la force de leur travail et parfois grâce aux voix de la gauche. Avec un Front national à plus de 25 % qui s’impose comme le deuxième parti de l’opposition, sinon de la droite. Avec des candidats à la primaire qui ne lui laisseront rien passer et, enfin, avec une gauche que l’on croyait morte, mais qui bouge encore et sait se rassembler. On dit Sarkozy jamais meilleur que dans l’adversité. C’est le moment de le prouver.


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