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Israël accusé par des ONG de « blanchir » ses soldats soupçonnés de dérapages

lundi 8 septembre 2014

Etre à la fois enquêteur et suspect ne favorise pas la justice. Cette condition double conduit même à un « échec total ». Tel est le constat sévère, au sujet de l’institution militaire israélienne, qu’ont décidé de formuler d’une même voix B’Tselem et Yesh Din, les deux principales organisations de défense des droits de l’homme dans le pays. B’Tselem a annoncé qu’elle ne s’associerait plus aux investigations conduites par les autorités sur d’éventuelles atteintes aux droits de l’homme, tant qu’il s’agira d’un « mécanisme de blanchiment ».

Cette décision intervient deux semaines après le cessez-le feu dans la bande de Gaza mettant un terme à un été sanglant marqué par 2 127 morts côté palestinien, selon le propre comptage de l’armée, qui a perdu 65 soldats et 6 civils.

Contrairement aux opérations précédentes dans la bande de Gaza, B’Tselem ne répondra pas à l’invitation récente du procureur général militaire, qui lui demandait de transmettre toute information sur des dérapages allégués. « Les statistiques montrent que les autorités israéliennes ne veulent pas enquêter sur les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité contre les Palestiniens, écrivent les deux organisations dans un communiqué. L’échec du gouvernement d’Israël à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Turkel, plus d’un an et demi après leur publication, ne fait que renforcer cette conclusion. »

« LE NOMBRE D’INCULPATIONS A CHUTÉ DE MOITIÉ »

Constituée après l’interception sanglante de la flottille turque se rendant à Gaza en 2010, la commission Turkel avait estimé que l’opération était légale. Mais elle avait ouvert une réflexion plus large concernant la supervision et l’instruction des abus dont se rendent coupables les soldats ou les membres des services israéliens. La commission a recommandé des changements significatifs dans les procédures. Elle souhaitait notamment que le procureur général ait autorité sur le procureur général militaire, et que les hauts responsables politiques et militaires aient à répondre de leurs décisions, en cas de dérive grave.

Selon les statistiques établies par Yesh Din, le nombre d’inculpations au sein de l’armée a baissé de façon significative depuis plusieurs années. Seulement 2,2 % des enquêtes ouvertes contre des soldats soupçonnés d’actes criminels contre des Palestiniens et leurs biens, entre 2010 et 2013, ont donné lieu à des inculpations. « Au cours des quatre dernières années, le nombre d’inculpations a chuté de moitié », notent les ONG. Cette période couvre l’opération « Plomb durci » (début 2009) et l’opération « Pilier de défense » (novembre 2012), dans la bande de Gaza. Après Plomb durci, par exemple, l’armée a procédé à des vérifications sur 400 incidents rapportés. Elles ont conduit à l’ouverture de 52 enquêtes par l’unité spécialisée de la police militaire (MPIU). Seulement trois d’entre elles ont donné lieu à des inculpations.

Manque de professionnalisme et d’autonomie, retard, schizophrénie du procureur général militaire qui conseille l’armée pendant les opérations puis est censé traquer les abus : les deux ONG listent des problèmes constatés depuis de longues années. Mais Yesh Din ne s’intéresse pas qu’aux opérations militaires d’envergue. Elle traque aussi les abus du quotidien dans les territoires palestiniens.

Son nouveau rapport montre qu’en 2013, 239 plaintes et signalements ont été enregistrés par la police militaire, un chiffre quasiment identique à 2012. Sur ces 239 cas, 124 ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête, et six seulement à des inculpations devant une cour martiale. Il faut y ajouter 75 enquêtes ouvertes pour des faits signalés l’année précédente. Une illustration supplémentaire de la lenteur de la justice militaire.


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