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La couche d’ozone en bonne voie de guérison

jeudi 11 septembre 2014

La couche d’ozone stratosphérique est toujours convalescente, mais les scientifiques espèrent sa guérison avant 2050 dans la plupart des régions et une résorption complète du célèbre « trou dans la couche d’ozone » au-dessus de l’Antarctique vers la fin du siècle.


L’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont rendu publiques, mercredi 10 septembre, les conclusions de leur dernier rapport sur la couche d’ozone.

Encourageantes, celles-ci entérinent le succès du protocole de Montréal, adopté en 1987 par la communauté internationale pour protéger l’ozone stratosphérique.

Considéré comme un polluant lorsqu’il s’accumule au niveau du sol, l’ozone revêt au contraire une importance cruciale au sommet de l’atmosphère, où il joue le rôle de filtre à ultraviolets (UV).

UNE STABILISATION DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 2000

Les mesures prises dans le cadre du protocole de Montréal ont permis de bannir la plupart des composés chlorés et bromés responsables du célèbre « trou d’ozone » en Antarctique.

Mis à jour tous les quatre ans, le rapport indique que leur concentration atmosphérique a baissé de 10 % à 15 % par rapport au pic de la fin des années 1990.

Seul un composé, le tétrachlorure de carbone (CCl4), atteint des concentrations trop élevées par rapport aux émissions déclarées par les Etats.

Globalement, l’effet positif est cependant déjà tangible puisque les scientifiques notent une stabilisation du fragile bouclier anti-UV depuis le début des années 2000.

« On voit même l’ozone augmenter un peu dans la haute stratosphère, au niveau des latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, explique Sophie Godin-Beekmann, chercheuse au CNRS et coauteure du rapport rendu par le PNUE et l’OMM. Au-dessus de l’Antarctique, on n’observe pas encore de franche remontée. »

2 MILLIONS DE CANCERS ÉVITÉS CHAQUE ANNÉE

Les modélisations conduites par la communauté scientifique demeurent rassurantes. « Il y a des signes favorables selon lesquels la couche d’ozone est sur la voie de la récupération d’ici le milieu du siècle, déclare Achim Steiner, directeur général du PNUE. Le protocole de Montréal, l’un des traités environnementaux les plus couronnés de succès, a déjà évité une augmentation du rayonnement ultraviolet au niveau du sol. »

Les simulations suggèrent que « d’ici à 2030, le traité aura évité deux millions de cancers de la peau par an, des dégâts oculaires et immunitaires sur les humains, de même qu’il aura protégé la faune et l’agriculture », précisent les Nations unies dans un communiqué.

Le rapport rendu, qui a mobilisé environ 300 chercheurs internationaux, explore également les liens complexes entre diminution de l’ozone stratosphérique et changement climatique.

GAZ À EFFET DE SERRE : UN MAL POUR UN BIEN

Ces liens peuvent parfois sembler paradoxaux : les gaz à effet de serre émis par l’homme réchauffent la basse atmosphère, mais induisent un refroidissement aux très hautes altitudes. « Or ce refroidissement ralentit les réactions chimiques qui détruisent l’ozone », explique Slimane Bekki, chercheur au CNRS et coauteur du rapport.

L’augmentation de concentration d’ozone dans la haute stratosphère, relevée ces dernières années dans certaines régions, est ainsi attribuée « pour moitié à la réduction des substances chlorées et bromées, et pour moitié à l’accumulation des gaz à effet de serre », explique Mme Godin-Beekmann.

En clair, c’est un mal pour un bien : le changement climatique en cours a un effet globalement positif sur la couche d’ozone. Tant et si bien, dit M. Bekki, que « vers la fin du siècle, la couche d’ozone sera sans doute plus épaisse que dans les années 1970, aux latitudes moyennes en tout cas ». Aux latitudes tropicales, des mécanismes d’augmentation de la circulation des masses d’air, devraient contrer cette tendance à l’inflation.

Outre son effet sur la couche d’ozone, le protocole de Montréal a eu un bénéfice – collatéral et inattendu, celui-là – sur le réchauffement. « Les composés chlorés et bromés bannis par le protocole sont non seulement nocifs pour l’ozone, mais sont aussi de puissants gaz à effet de serre, explique Slimane Bekki. Les remplacer a donc représenté un bénéfice énorme pour limiter le réchauffement. »

De fait, à leur pic de la fin des années 1980, les émissions des chlorofluorocarbures (CFC) et des autres substances bannies équivalaient, en terme de réchauffement, à près de 10 milliards de tonnes (Gt) annuelles de dioxyde de carbone ! Soit l’équivalent, à la même époque, de 45 % des émissions dues à la combustion des hydrocarbures et aux cimenteries.

CE BÉNÉFICE N’EST PAS DÉFINITIVEMENT ACQUIS

Le protocole de Montréal, initialement destiné à protéger la couche d’ozone, aura donc finalement contribué à ralentir le réchauffement en cours. Et ce, avec une efficacité cinq fois supérieure aux objectifs de réduction des émissions, prévus pour la première période (2008-2012) d’engagement du protocole de Kyoto…

Pour autant, ce bénéfice n’est pas définitivement acquis. « Les composés nocifs pour la couche d’ozone sont en train d’être remplacés par des hydrofluorocarbures (HFC), dont le potentiel en termes de réchauffement est important, explique M. Bekki. Aujourd’hui, ces HFC représentent un faible pouvoir réchauffant, mais leur concentration augmente rapidement, actuellement de 7 % par an et, à ce rythme, leurs émissions annuelles représenteraient l’équivalent de 8,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone vers 2050. »

Stéphane Foucart
Journaliste au Monde


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