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Les maladresses de Barack Obama sur la question de l’Etat islamique

jeudi 11 septembre 2014

Le président des Etats-Unis, Barack Obama, devait expliquer aux Américains les raisons et la nature de l’engagement de son pays dans la lutte contre l’Etat islamique (EI) au cours d’une déclaration solennelle prévue en début de soirée, mercredi 10 septembre, à Washington. Il s’agira de sa septième intervention en moins d’un mois sur un sujet délicat qui a déjà été l’occasion d’imprudences et de maladresses de communication.

La formule que le président des Etats-Unis se reproche sans doute le plus est celle utilisée à l’occasion d’un portrait plutôt intime publié le 27 janvier et rédigé par le journaliste du magazine The New Yorker David Remnick, qui l’avait accompagné dans des déplacements. Interrogé sur le fait que le drapeau noir des djihadistes flottait à nouveau sur Falloujah, en Irak, M. Obama avait minoré cette menace. « Quand une équipe de remplaçants enfile le maillot des Lakers, cela ne fait pas d’eux des Kobe Bryant », avait-il assuré. Interrogé sur cette comparaison malencontreuse lors du talk-show « Meet the press », dimanche, M. Obama a tenté de convaincre son interlocuteur qu’il ne visait pas l’EI, ce qu’a cependant confirmé David Remnick.

Au fur et à mesure de l’avancée des djihadistes de l’EI en Irak et en Syrie, M. Obama en prend la mesure, jusqu’à annoncer le 7 août sa décision d’autoriser des frappes militaires en Irak, les premières depuis le départ des troupes américaines, en décembre 2011. Dans son allocution, M. Obama se montre cependant extrêmement prudent. Pas question en effet de chausser les bottes de son prédécesseur, George W. Bush, et de reprendre les antiennes de la guerre contre le terrorisme pour celui qui a été élu en 2008 sur la promesse du départ de ce bourbier.

« NOUS N’AVONS PAS ENCORE DE STRATÉGIE »

Si M. Obama met l’accent sur la protection des personnels américains présents à Bagdad et à Erbil, précédent tragique de la mort de l’ambassadeur des Etats-Unis à Benghazi (Libye) oblige, il n’est pas question pour autant de déployer des troupes américaines au sol et surtout ces frappes seront « limitées ». Les Etats-Unis ne prennent pas la direction d’une campagne militaire mais interviennent pour éviter « un génocide » contre des minorités et pour donner une nouvelle impulsion aux troupes kurdes et irakiennes malmenées par l’EI, explique le président.

Cette présentation de l’intervention américaine va se modifier au cours des sept interventions suivantes consacrées à l’EI, depuis Washington ou depuis sa villégiature sur l’île huppée de Martha’s Vineyard. Le 20 août, au lendemain de la décapitation abominable du journaliste américain James Foley, M. Obama érige l’EI au rang de « cancer » dont la région doit se défaire. Cette gradation est confortée par les déclarations du secrétaire à la défense, Chuck Hagel, qui élève l’EI au rang de menace directe pour les intérêts américains et par celles du chef d’état-major Martin Dempsey qui juge inévitable une extension à la Syrie de la pression militaire contre les djihadistes.

Cet emballement aboutit à une nouvelle bourde du président, le 28 août. Interrogé dans le cadre d’une conférence de presse sur la question de savoir si la Maison Blanche a besoin d’un feu vert du Congrès pour intervenir en Syrie, le M. Obama assure ne pas vouloir « mettre la charrue avant les bœufs ». « Nous n’avons pas encore de stratégie », avoue le président, qui attise aussitôt les critiques du Parti républicain et l’impatience de certains élus démocrates. Les uns et les autres s’interrogent sur l’objectif des Etats-Unis face à l’EI : l’endiguement ou l’écrasement, mais également sur la tactique privilégiée et les coopérations recherchées.

Ce sont ces tâtonnements et ces interrogations que M. Obama devait tenter de dissiper mercredi soir.

Gilles Paris (Washington, correspondant)
Journaliste au Monde


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