MosaikHub Magazine

Gressier, un monstre environnemental se dessine

jeudi 11 septembre 2014

Les petits chantiers ne s’arrêtent pas à Gressier (zone sud de Port-au-Prince). Des constructions durables, des maisons de fortune poussent comme des champignons ici et là. Celles qui sont remarquées au bord de la route nationale no 2 ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Sur les flancs des collines, sur les pentes raides, sur les terres fertiles…, « on construit partout, les villages s’érigent. Pourtant cela n’attire l’attention de personne. », explique l’ingénieur Guiteau Deshommes, un enfant de cette terre qui n’a pas manqué d’exprimer ses inquiétudes concernant ce désastre environnemental qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Exactement, après le tremblement de terre de janvier 2010, les constructions anarchiques pullulent à un rythme exponentiel dans cette commune qui est traversée par une faille tectonique. A Cajuste, une zone de Gressier, ces constructions prolifèrent. Marseille Fanise, ingénieur de formation, habitant cette impasse depuis 20 ans, se rappelle encore qu’avant le séisme de 2010, il n’y avait que trois maisons dans cet espace. Pour le reste, c’était de beaux arbres et les jardins des habitants. « Quatre ans après, comme tu peux le constater maintenant, il est devenu un ghetto », lâche-t-il avec amertume en indiquant du doigt toutes les maisonnettes construites pour la plupart récemment tout autour de sa maison. Pas moins de 15 constructions sont dénombrées sur quelques centièmes de terre. A part quelques constructions en béton, les autres maisonnettes sont des taudis construits soit en tôle ou en mur de toile (prélart).

Non loin de la route nationale no 2, dans la première section communale de Gressier, bienvenue à Morne- à-Bateau. Une zone dont le paysage est fait de pentes raides et très élevées. C’est aussi un endroit où les constructions anarchiques faites sur et sous les pentes élevés augmentent jour après jour, relate l’ingénieur Deshommes. Selon M. Deshommes, cet endroit ne devrait héberger aucune construction. Même pas la construction la plus solide. « Parce qu’à n’importe quel moment, un glissement de terrain peut se produire, a-t-il expliqué, les yeux rivés sur les mornes. Pourtant c’est tout le contraire qui se fait. »

C’est le même décor à St Antoine, Desrosiers et Kay Pè (des zones de Merger). On est vendredi, il est 13 heures. Sur le flanc de la colline de Desrosiers, des ouvriers sont à pied d’œuvre. On y constate aussi différents types de construction. Celles qui respectent les normes et d’autres très anarchiques. Nacius, propriétaire de l’un des chantiers, dit pourtant reconnaître que, placée sur une colline, sa maison est très mal logée. « Je suis obligé de la construire si je ne veux pas perdre ma parcelle », a expliqué ce père de trois enfants évoquant le problème foncier auquel fait face, comme dans tout le pays, la commune de Gressier.

« C’est choquant de constater même après l’évènement catastrophique de 2010 que les gens continuent à construire n’importe où et toujours n’importe comment », a déploré l’ingénieur, en se demandant s’il y a un Etat qui gère et contrôle le territoire.

Normalement pour qu’un citoyen démarre un chantier, il faut qu’il ait l’autorisation de la mairie. En outre, la mairie doit exiger du propriétaire l’avis d’un ingénieur en vue de déterminer la capacité portante du sol. Mais rien de cela n’est fait », a-t-il martelé.

La mairie de Gressier explique

Selon l’agent exécutif intérimaire de Gressier, Guitho Métellus, profitant de la faiblesse de la mairie, « les gens viennent construire sans passer par la mairie. » « Dans le cadre d’un recensement de propriétés bâties et non bâties sous la fiscalité qu’a effectué la mairie, on a découvert des maisons de plusieurs étages, sans compter les taudis qui n’ont jamais été déclarés », a-t-il confié, révélant qu’entre la mairie et la Direction générale des impôts (DGI) qui possède le document cadastral de la commune, il y a un manque de coordination dans la gestion des biens fonciers de l’Etat.

« On peut être surpris de voir la DGI effectuer un arpentage sans avoir communiqué aucune information à la mairie », dénonce l’agent exécutif intérimaire de Gressier, Guitho Métellus, expliquant qu’il y a des particuliers tout-puissants qui peuvent déjouer une décision de la mairie. « Dans un pouvoir de transition si on n’a pas l’appui total du pouvoir, on ne peut pas agir », a-t-il dit.

Conscient de la situation, il annonce qu’il travaille sur un projet afin de doter la commune d’un plan d’aménagement en vue de délimiter les constructions. « Si on ne met pas un frein à cette catastrophe, on ne pourra plus la contrôler », a-t-il dit.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie