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Chroniques écossaises (1) : être ou ne pas être indépendant...

dimanche 14 septembre 2014

Les enjeux du référendum organisé le 18 septembre sont tels qu’ils auraient dû engendrer une campagne acrimonieuse. Elle est, au contraire, exemplaire.

Affirmer que les Écossais dansent sur un volcan, à quelques jours du référendum sur l’indépendance, ne constitue une facilité de langage qu’en apparence. Car le Siège d’Arthur, éminence herbeuse qui domine la capitale écossaise et sur laquelle les Édimbourgeois font leur jogging, pique-niquent ou flirtent à la belle saison, a, en des temps très anciens, craché son lot de laves basaltiques. Aujourd’hui apaisé, il semble exercer un magistère bienveillant sur les institutions qu’il couvre de son ombre.

Une simple rue sépare ces rivales potentielles. D’un côté, la résidence royale de Holyrood, que Elizabeth II ne fréquente guère mais qui attire quotidiennement des nuées de touristes canalisés par un personnel déférent et vêtu de tartan. De l’autre, le Parlement écossais, né du statut d’autonomie accordé par l’ancien Premier ministre Tony Blair et dont l’architecture tourmentée est l’oeuvre d’un Catalan. Détail singulier si on considère que la Catalogne a décidé d’organiser elle aussi, en novembre, un référendum sur son indépendance.

Depuis une dizaine d’années, ces deux symboles de pouvoirs coexistent en une répartition des rôles bien définie. Mais c’est un face à face tendance chiens de faïence qui pourrait s’instaurer si, le 18 septembre, la majorité des 4,2 millions d’électeurs écossais répond "aye" (yes, en gaélique) à la question posée : "L’Écosse devrait-elle être un pays indépendant ?" Et si, ultérieurement, la mouvance républicaine l’emporte sur ceux qui ont promis de garder la reine d’Angleterre pour chef d’État.

"Business as usual"


En attendant le verdict des urnes, chacun des acteurs veille à observer une stricte neutralité. Véritable bonbonnière qui fait le ravissement des touristes chinois, le magasin de souvenirs aménagé dans une aile de Holyrood propose toute sorte de bibelots à l’effigie de Sa Majesté mais ne fait nulle mention de l’échéance à venir, Buckingham Palace s’étant refusé à intervenir dans la campagne. À l’inverse, de l’autre côté de la rue, la librairie du Parlement propose une littérature aussi abondante qu’équilibrée sur les enjeux du référendum.

Cette retenue semble avoir gagné tout Édimbourg par quelque mystérieuse capillarité. L’Écosse s’apprête à écrire une nouvelle page de son histoire, 307 ans après l’Acte d’Union qui l’avait rattachée à l’Angleterre, ses citoyens débattent intensément des avantages et inconvénients de la rupture ou du statu quo, mais les passions restent solubles dans le flegme. Les sondages contradictoires devraient mettre les nerfs à vif, ils n’ont à ce jour eu pour effet que de doper les inscriptions sur les listes électorales : 97 % des personnes en âge de voter (16 ans ou plus) seront ainsi en mesure de le faire jeudi, un record.

Il faut d’ailleurs un oeil exercé pour réaliser, au spectacle de la rue, que la nation écossaise joue son avenir. Les journaux télévisés et les quotidiens sont, certes, obsédés par le compte à rebours et le camp du "yes Scotland", qui milite en faveur de l’indépendance, multiplie les initiatives ponctuelles, mais, par ailleurs, c’est "business as usual". Avec, tout au plus, quelques croix de saint André (blanches sur fond bleu) aux fenêtres, quelques kilts par-ci par-là, ou, à l’inverse, un Union Jack fièrement arboré sur le tee-shirt. "C’est un référendum, pas la guerre civile", rigole Amir, qui distribue des tracts appelant à voter "no" à la sortie de la mosquée d’Édimbourg, confirmant du même coup l’implication des communautés immigrées. Le scrutin n’aura lieu que jeudi prochain, mais, sauf dérapage de dernière minute, le vainqueur en est déjà connu : la démocratie. Puisse cette exemplarité survivre à la proclamation des résultats.


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