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L’Europe, premier bailleur de fonds d’Al-Qaida ?

mercredi 17 septembre 2014

L’Europe est devenue la principale manne financière d’Al-Qaida, selon le New York Times. Dans une enquête publiée le 29 juillet, le journal précise que depuis 2008, Al-Qaida aurait perçu au moins 125 millions de dollars (93 millions d’euros) grâce aux rançons.

La seule année 2013 aurait été des plus lucratives pour l’organisation terroriste, qui aurait extorqué 66 millions de dollars (49 millions d’euros) aux gouvernements européens.

La France est épinglée en première ligne, étant la principale contributrice, à hauteur de 58 millions de dollars (43 millions d’euros) versés depuis 2008 dans ce « cercle vicieux », où l’Europe est devenue, selon le journal, « un souscripteur d’Al-Qaida peu précautionneux ». Viennent ensuite la Suisse, l’Espagne et l’Autriche.

« L’enlèvement d’otages est un butin facile », a écrit Nasser al-Wuhayshi, le chef d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique, « que je pourrais décrire comme un commerce rentable et un précieux trésor ». C’est un net changement de stratégie pour le réseau d’Al-Qaida, qui était à l’origine principalement financé par de riches donateurs.

UN RITUEL « BIEN HUILÉ »

Le New York Times étaye son argumentaire sur le « business des enlèvements » en relatant un épisode de 2003. Officiellement, plusieurs diplomates allemands se rendent au Mali, pour un rendez-vous secret avec le président, afin de lui livrer quinze millions d’euros : de l’argent budgété comme une aide humanitaire pour le pays.

Officieusement, le journal affirme que l’argent, contenu en espèces dans trois valises différentes, a aussitôt été acheminé par des camions vers le Sahara, pour libérer un groupe de quinze touristes, en majorité allemands.

« Cet épisode de 2003 a été un apprentissage pour les deux côtés. Onze ans plus tard, cet échange à Bamako est devenu un rituel bien huilé, l’une des douzaines de ces transactions répétées partout dans le monde ».

En 2009, deux Suisses et un Allemand détenus par Al-Qaida au Maghreb islamique ont été libérés après le versement d’une rançon de 8 millions d’euros. La même année, la Suisse a justement fait voter une ligne budgétaire supplémentaire pour l’aide humanitaire au Mali, précise un diplomate helvétique au New York Times. Leur compagnon d’infortune, un Britannique, avait, lui, été exécuté par ses ravisseurs.

Le journal rappelle que seuls certains pays, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, refusent de payer. En conséquence, peu de leurs ressortissants ont réchappé de leur captivité. En contrepartie, peu d’entre eux ont été kidnappés ces dernières années, les ravisseurs étant conscients qu’ils n’en retireront aucun bénéfice financier.

DES VERSEMENTS DISSIMULÉS

L’enquête du journal précise que les gouvernements européens nient systématiquement le règlement des rançons, qui sont souvent dissimulées par des intermédiaires, comme l’employeur Areva pour libérer quatre otages français au Niger en 2004, ou encore le Qatar et Oman, qui ont versé une rançon de 20 millions de dollars (15 millions d’euros) pour libérer quatre Européens en 2013.

Le business du rapt s’est rodé, et les bénéfices ont augmenté de manière exponentielle pour les organisations terroristes. Le New York Times précise ainsi qu’en 2003, les ravisseurs recevaient 200 000 dollars par otage, contre 10 millions aujourd’hui – respectivement 150 000 et 7 millions d’euros.

Une somme que le numéro 2 d’Al-Qaida décrit comme « comptant pour la moitié de son revenu d’exploitation », dans une lettre où il s’épanche sur l’importance de ce « revenu du kidnapping ». Un revenu si lucratif qu’un opérateur d’Al-Qaida y a même consacré tout le chapitre d’un ouvrage, sorte de « guide du kidnapping », où il prescrit des conseils pédagogiques pour réussir les opérations.

Le Trésor américain a tenté de mettre en garde contre ce mécanisme vicieux, son sous-secrétaire rappelant dans un discours de 2012 que « chaque transaction encourage une autre transaction », déplorant que ces rançons soient devenues « la plus importante source de financement du terrorisme ».

Marine Messina


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