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Les femmes font-elles l’amour par amour ?

jeudi 18 septembre 2014

Chaque mois, Catherine Blanc, sexologue et psychanalyste, revisite un préjugé en matière de sexualité.

Si l’on imagine le sexe féminin comme un nid que le pénis va visiter pour y faire sa place et laisser son empreinte, on comprend mieux que la femme, plus que l’homme, ait besoin d’établir une relation de confiance. Rien de tel, donc, que la tendresse, et plus encore l’amour et la curieuse idée de connaître l’autre parfaitement au nom de ce sentiment, pour se sentir en sécurité à la perspective du coït.

S’ajoute à cela l’interdit séculaire du désir féminin, suspecté d’être vorace et insatiable. La société s’est appliquée à le circonscrire, à le réduire à l’expression d’un devoir conjugal bienveillant. Ce qui permet à l’homme d’oser sans crainte fréquenter sa partenaire.

Au nom de l’amour, sentiment noble plébiscité par la société, la femme s’autorise à désirer, refoulant ce qu’elle craint de pulsionnel et d’animal en elle. Tout à son sentiment bienveillant, elle s’assure la sérénité masculine, la pérennité de la relation, voire la poursuite de ses projets de maternité. C’est donc au nom de l’amour que la femme s’offre, et non de son désir et ce qu’il révèle de fantasmes tapis dans l’ombre. Mais ne se piège-t-elle pas elle-même ?

Pour aller plus loin

Les âges sexuels de la femme
Il a reçu des femmes en consultation pendant vingt ans. L’expérience d’Alain Héril, psychanalyste et sexothérapeute, lui a permis de brosser six profils psychosexuels selon les âges. Une vision rassurante de la sexualité féminine.

L’histoire devient cocasse lorsque celle qui est envisagée sans ambition sexuelle personnelle commet une infidélité. Comme au Scrabble, elle voit son sacrilège compter double puisqu’elle est à la fois désirante et enamourée. Dans la même situation, son partenaire arguerait que « cette histoire ne compte pas » et serait considéré comme plus excusable.

Décidément, le désir féminin n’en finit pas d’être coupable ! Faut-il que la femme soit réduite et se réduise à sa vocation altruiste – répondre aux besoins de l’homme, à ceux de ses enfants – pour imaginer qu’elle ne puisse ambitionner son seul plaisir sexuel ? La femme désirante, curieuse de ses capacités érotiques, serait-elle une mauvaise mère ? Coupable, donc. À défaut d’une « maman », une putain ?

Pourtant, désirer est l’expression d’une curiosité, et faire l’amour, celle d’un élan personnel qui tend avant tout vers l’autre pour soi et non vers l’autre pour l’autre. Il en va naturellement ainsi pour les hommes comme pour les femmes, sans qu’on puisse y entendre une quelconque malveillance ou agressivité. C’est au contraire dans la quête, chacun de son plaisir, que l’un et l’autre se donnent le plus de chances d’avoir matière à offrir, se rencontrer et se guider l’un vers l’autre.

Catherine Blanc est l’auteure de La sexualité des femmes n’est pas celle des magazines (Pocket, “Évolution”).

S’il est curieux de n’envisager le désir féminin que sous sa forme amoureuse, il est tout aussi étrange de penser que la sexualité ne donne pas naissance à des sentiments. Le rendez-vous réussi de corps enlacés révèle les émotions que suggère le plaisir ressenti.

N’ayons pas peur de nos désirs, pas plus que de nos sentiments. Nul besoin de l’un pour justifier l’autre, les deux sont conviés à l’aventure de la rencontre. Désir et amour parlent de nous et nous révèlent dans notre humanité.


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