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19 septembre 1783. Devant Louis XVI, les frères Montgolfier font voler leur aérostat avec trois passagers.

jeudi 18 septembre 2014

Les pionniers du premier vol, sont un mouton, un canard et un coq, à bord d’une Montgolfière, à Versailles.

Quel fut le premier Russe dans l’espace ? Une chienne nommée Laïka. Le premier Américain ? Un singe nommé Ham. Les animaux ont toujours précédé l’homme dans sa conquête du ciel. Toujours ! C’est encore vrai pour le premier vol aérien habité. Le 19 septembre 1783, ils sont trois pilotes d’essai aux nerfs d’acier à quitter le plancher des vaches : un mouton, surnommé avec beaucoup d’esprit Montauciel, le canard Coin-coin et le coq Cocorico. Vous me direz que ces deux derniers n’avaient point besoin d’une montgolfière pour gagner le ciel. Mais quitte à effectuer un premier vol, autant emporter des pilotes d’essai ayant déjà une expérience. C’est l’Académie des sciences qui a fait le choix des candidats après avoir longtemps hésité. Le Fisc avait bien proposé Thomas Thévenoud, autre spécialiste du vol, mais celui-ci s’est récusé... Ils ont finalement choisi Montauciel, car la physiologie du mouton ressemble à celle de l’homme. Par conséquent, s’il résiste au voyage, on pourra envisager un vol humain.

"Une espèce d’admiration"

Dès le matin, plusieurs centaines de curieux se rassemblent dans la première cour du château de Versailles où la machine des frères Montgolfier a été installée pour effectuer son vol d’essai sous les yeux de Louis XVI, passionné de sciences. La Gazette des gazettes publie un compte rendu de l’événement : "On tira une première boîte [un premier coup de canon, NDLR] à une heure après midi pour annoncer le moment de l’introduction du gaz dans la machine." Sous les yeux de la famille royale au complet, Jacques-Étienne Montgolfier fait allumer sous le ballon un grand feu alimenté en paille mouillée, en laine, et même en vieilles grolles en cuir pour produire le maximum de fumée, car, à cette époque, on croit encore que c’est la fumée qui soulève les objets, et non l’air chaud. À remarquer que le feu est allumé sur le sol, les inventeurs de l’aérostat n’ayant pas encore pensé à accrocher le foyer à la montgolfière.

Suite du compte rendu : "Une seconde boîte indiqua [le moment] où elle fut remplie sous les ordres de M. de Montgolfier. Cette opération dura dix minutes ou environ." C’est alors qu’on accroche au ballon le panier rond en osier où les trois pilotes d’essai cohabitent avec le plus grand flegme. Gagarine vient leur serrer la main une dernière fois. Enfin, un baromètre est fixé au panier. "Une troisième boîte annonça l’instant où l’on coupa les cordes qui la retenaient pour la livrer à elle-même. Elle s’éleva aussitôt, et produisit sur tous les spectateurs une espèce d’admiration par son volume important." Pour la première fois, trois Terriens quittent volontairement le sol grâce au génie de l’homme." Les pilotes d’Air France envoient un communiqué à l’AFP pour dénoncer ces trois pilotes brisant la consigne de grève...

Un vol de huit minutes

La montgolfière de 19 mètres de haut s’élève à environ 500 mètres d’altitude où un vent d’ouest la fait dériver durant 27 secondes, selon le publicitaire Jacques Séguéla, venu présenter sa Rolex à Louis XVI. Une déchirure se produit alors dans l’enveloppe du ballon qui se met à perdre rapidement de la hauteur pour tomber dans le bois de Vaucresson, au carrefour Maréchal, distant de 3,5 km. Le vol n’a duré que huit minutes. Jean-François Pilâtre de Rozier est le premier à rejoindre le site d’atterrissage. La cage qui a heurté une branche dans sa descente s’est ouverte, libérant les trois héros. Le mouton et le canard sont en pleine forme, tandis que le coq montre une aile écorchée, probablement le résultat d’un coup de patte du mouton durant le vol. Le trio revient à Versailles sous les vivats de la foule. Léon Zitrone se précipite pour les interviewer. Louis XVI les récompense en leur offrant le gîte et le couvert ad aeternam dans la ménagerie de la reine.

Forts de cette réussite, les frères Montgolfier demandent à Louis XVI l’autorisation d’organiser un vol humain. Toujours soucieux de ses sujets, le roi accepte, mais à condition que ce soit un prisonnier condamné à mort. Cependant, Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes finissent par décrocher l’autorisation royale, faisant valoir qu’ils possèdent l’étoffe des héros. Tous deux effectuent donc le premier vol libre de l’histoire de l’aéronautique le 21 novembre 1783, entre le château de la Muette et la Butte-aux-Cailles (aujourd’hui dans le 13e arrondissement de Paris).

Sorcellerie

Les deux frères Montgolfier - Joseph-Michel, 43 ans, et Jacques-Étienne, 38 ans - appartiennent à une famille aisée de papetiers ardéchois. L’aîné est inventeur dans l’âme. Un jour, en voyant des escarbilles voleter au-dessus du feu, il se dit qu’il y a là une force utilisable pour soulever des hommes. Aussitôt, Joseph-Michel conçoit un cube léger fait de bois et de taffetas d’un mètre de côté sous lequel il allume un feu de papiers. Bientôt, celui-ci s’élève, puis se colle au plafond. Le voilà aussi heureux que Mireille Mathieu parvenant à compter jusqu’à vingt. Il répète l’expérience avec une de ses chemises dont il serre le col et évase les pans pour piéger la fumée. Car, pour lui, c’est la fumée qui est dotée du principe de légèreté. Bob Marley, qui assiste à ses expériences, est loin de le détromper.

Enthousiasmé par cette première expérience, il recrute son jeune frère Jacques-Étienne pour construire un nouveau cube aux arêtes trois fois plus longues. Le 14 décembre 1782, leur cube volant parcourt deux kilomètres. En avril et mai 1783, les deux frères font voler à Annonay, à plusieurs reprises, un ballon d’une douzaine de mètres de diamètre (790 m3) en toile de coton doublée d’une triple épaisseur de papier.

Concurrence

Accusés par certains de sorcellerie, ils organisent une démonstration publique le 4 juin, dans le couvent des Cordeliers, lors de la réunion des États particuliers du Vivarais. L’Académie des sciences, qui entend parler de ces vols, leur demande de venir à Paris pour rééditer leur exploit devant un comité d’experts qui accréditera leur invention afin qu’ils puissent réclamer un financement au roi pour poursuivre leurs expériences. C’est qu’ils ne sont pas seuls en lice. Ils ont un sérieux concurrent avec le célèbre physicien Alexandre Charles qui, le 27 août, fait voler un ballon de 4 mètres de diamètre gonflé à l’hydrogène entre le Champ-de-Mars et Gonesse, à 25 kilomètres. Petite anecdote peu connue : Charles est contacté par une certaine Nabilla, désireuse de se faire greffer deux ballons...

Jacques-Étienne se rend seul à Paris. Il s’installe dans l’usine de papiers peints Réveillon (dans l’actuelle rue de Montreuil, 11e arrondissement), où il fabrique un ballon de 1 060 m3 et pesant 450 kilos. Le premier essai de vol en ballon captif a lieu le 11 septembre 1783. Une délégation d’académiciens vient le lendemain pour assister à un nouvel essai, mais la montgolfière, trempée, se déchire. Rendez-vous est pris le 19 septembre à Versailles, devant le roi. Jacques-Étienne conçoit un ballon encore plus gros, haut de 19 mètres, pesant 400 kilos et possédant un volume de 1 400 m3. Il est baptisé le Réveillon en l’honneur des industriels qui ont accueilli Montgolfier. Un premier vol captif effectué sur place le 18 septembre confirme la solidité de la machine volante. Le lendemain, Louis XVI et Marie-Antoinette assistent donc à l’envol du mouton, du canard et de la poule. Un petit saut pour ces trois animaux, mais un bond de géant pour l’humanité.
C’est également arrivé un 19 septembre


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