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Sadrac Dieudonné, un parcours d’opposant

mercredi 24 septembre 2014

Sadrac Dieudonné n’est pas de ceux qui croient que les leaders religieux, dont les pasteurs, doivent s’occuper simplement des activités ecclésiastiques.

Celui qui était dans l’opposition contre Jean-Bertrand Aristide, René Préval et aujourd’hui Michel Martelly estime que les pêcheurs d’âme doivent aussi s’impliquer dans la politique en vue d’accomplir les desseins de Dieu sur terre. Portrait du président du bloc Parlementaires pour le renforcement institutionnel (PRI), principal opposant à l’administration Martelly / Lamothe à la Chambre basse.

Le député Sadrac Dieudonné, né aux Gonaïves le 2 novembre 1970, n’est pas le genre de politiciens qui changent de parti politique au gré des circonstances. De toute sa carrière politique, son nom ne figure que dans les registres du Mouvement chrétien pour une nouvelle Haïti (MOCHRENA), parti politique dont le frère aîné Sylvio Dieudonné, de regrettée mémoire, est membre fondateur. Sa carrière politique peut se résumer en deux mots : MOCHRENA et opposition. « J’ai un parcours d’opposant », admet Sadrac Dieudonné lui-même pour avoir été dans l’opposition à l’ancien président Aristide, son successeur René Préval et aujourd’hui Martelly.

Pasteur de l’église évangélique Jésus-Christ aux Gonaïves, Sadrac Dieudonné ne rate jamais une occasion pour manifester son opposition à l’administration Martelly/Lamothe. On a encore en mémoire le concert de vuvuzela offert par son groupe minoritaire au Parlement, PRI, le 2e lundi de janvier 2013, pour empêcher le Premier ministre Laurent Lamothe de présenter le bilan des réalisations de son gouvernement comme le veut la Constitution. Sadrac Dieudonné et ses collègues du PRI ont offert bien avant un concert de klaxons à la Primature pour forcer le Premier ministre Laurent Lamothe de décaisser les 10 millions de gourdes réservées à leurs circonscrptions dans le budget à travers les fonds communaux.

Un modèle d’honnêteté

Après ses études classiques en 1991, Sadrac Dieudonné voulait étudier la télécommunication. Il obtenait une bourse d’études d’Indiana University, mais le consulat américain ne lui avait pas accordé le visa d’étudiant. Puis, il obtenait une bourse d’études en théologie dans une université américaine. Le visa lui avait été refusé à nouveau. Tenace, le jeune Sadrac ne se laissait pas décourager. Il s’est inscrit ainsi à l’école de droit des Gonaïves où il a obtenu sa licence en science juridique. Marié et père de trois garçons de 5 à 11 ans, Sadrac Dieudonné se présente comme quelqu’un de brave, qui ne cède jamais à la peur. Il a étudié la Bible au contact de son mentor qui était l’un des fondateurs du MOCHRENAH, mais n’a pas de diplôme en théologie. Il se vante de maîtriser les livres de Daniel et d’Apocalypse, deux des plus difficiles livres de la Bible.

Issu d’une famille nombreuse, Sadrac Dieudonné a passé une bonne partie de son enfance avec son frère, feu pasteur Sylvio Dieudonné, son mentor en politique et son modèle dans la vie . C’est vers les années 1998 qu’il a commencé à militer activement en politique sous l’influence de son défunt grand frère. Depuis, il est toujours dans l’opposition. Aucun regret d’avoir un parcours d’opposant. Pour le député Sadrac Dieudonné, s’opposer au gouvernement en place, c’est se positionner contre le mal. « La charte du MOCHRENA fait obligation aux membres du parti de dénoncer le mal », déclare l’homme d’Église, qui se présente comme une fierté pour le monde protestant par son honnêteté, son sérieux et sa crédibilité au Parlement.

Le député des Gonaïves en a profité pour répondre à ceux qui croient que les chrétiens évangéliques doivent rester loin de la politique. « C’est un enseignement erroné, antibiblique, des premiers missionnaires américains en Haïti, souligne Sadrac Dieudonné, se réjouissant que la mentalité a un peu évolué ces derniers temps. La politique vient de Dieu. C’est lui qui avait initié le gouvernement humain après le déluge. Dire qu’un pasteur ne peut pas faire de la politique est une mauvaise interprétation de la Bible. »

Pasteur titulaire de l’église évangélique de Jésus-Christ des Gonaïves, regroupant environ 500 membres, Sadrac Dieudonné estime que ses activités politiques n’ont ni refroidi sa foi ni empiété sur ses activités ecclésiastiques. « Je suis aux Gonaïves tous les week-ends, confie le parlementaire qui a effectué toutes ses études dans sa ville natale. J’officie comme pasteur. Je visite les gens. N’étant pas le seul pasteur de l’église, les choses sont moins compliquées pour moi. »

Pour tenter de convaincre ceux qui continuent de croire que la politique et le pastorat sont incomptables, le membre du directoire du MOCHRENA cite Daniel, Joseph, des hommes de Dieu qui occupaient des fonctions politiques.

Avocat-éducateur de profession, Sadrac Dieudonné dit avoir décidé de se lancer dans la politique avec pour objectif de contribuer à la réforme de l’État. Il se démarque des hommes d’État qui utilisent leur fonction pour s’enrichir aux dépens de la population qui croupit dans la misère. « Je ne reçois que l’argent qui revient aux parlementaires dans le budget, déclare le député. Je n’ai jamais été à un ministère pour déposer un petit projet. »

Un bilan satisfaisant

Le député des Gonaïves, candidat malheureux aux sénatoriales de 2006, dresse un bilan satisfaisant de ses quatre ans au Parlement. « Mon bilan doit être établi à partir de mes promesses de campagne », fait-il remarquer, précisant avoir fait son travail de contrôle. Il dit aussi avoir fait son travail de législateur : « J’ai proposé une loi réprimant le terrorisme. J’ai aussi proposé la loi obligeant le Parlement à rendre publics les textes de loi avant de les mettre au vote. Ceci n’a pas été vote. »
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Etant président du PRI, Sadrac Dieudonné dit être toujours présent aux séances de la Chambre basse. En plus, il porte toujours les revendications de ses mandants devant qui que de droit. Le parlementaire rappelle une manifestation des rues organisée le 9 juillet 2012 pour dénoncer la marginalisation de sa circonscription par le pouvoir central. « C’est suite à cette manifestation qu’on avait lancé les travaux de construction de l’Hôpital La Providence et procédé à la réouverture du wharf », se réjouit-il. Parallèlement, le parlementaire publie des ouvrages sur l’État. « Ce sont les résultats de mes observations comme député », indique le Gonaïvien, qui n’a pas sa langue dans sa poche.

Des déceptions

Si le député Dieudonné dresse un bilan satisfaisant de ces quatre ans au Parlement, il n’y a pas que ça. Il a aussi accumulé des déceptions. « J’ai de la peine à voir des parlementaires qui se comportent comme des fonctionnaires de l’exécutif, s’indigne-t-il. Le travail de contrôle ne peut pas se faire dans de telles conditions. Et sans le travail de contrôle, le Parlement n’a pas sa raison d’être. »

Leçons apprises

Sadrac Dieudonné dit apprendre qu’il n’y a pas beaucoup de personnes qui parlent de peuple et qui aiment le peuple véritablement. Le parlementaire dit aussi apprendre que la politique prend l’administration publique en otage. « Partout, on fait de la politique, mais pas d’administration », déplore-t-il.

Après le mandat des députés

Le député des Gonaïves n’entend pas abandonner la politique à l’issue de son mandat. Aux prochaines élections, il compte se porter candidat au Sénat. « Jésus dit : On va confier de grandes choses à celui qui a bien géré de petites choses », avance le leader évangélique pour prouver qu’il mérite de la promotion pour le travail bien fait à la Chambre basse. Les résultats des prochaines élections diront si les électeurs des Gonaïves sont réellement satisfaits de son bilan.

Jean Pharès Jérôme pjerome@lenouvelliste.com / Yvince Hilaire yvincehilaire@lenouvelliste.com


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