MosaikHub Magazine

Arrêtons le massacre de la langue française !

jeudi 25 septembre 2014

Le grammairien et lexicographe Jean Maillet relève les "crimes linguistiques" dont les Français abusent quotidiennement. Florilège.

Au jour d’aujourd’hui, si ce que Jean Maillet raconte dans son ouvrage Langue française, arrêtez le massacre s’avère exact, nous devons cesser d’être solidaires les uns des autres et ne plus reporter à plus tard nos bonnes résolutions : il faut cesser de répéter ces rengaines que l’on entend trop souvent, et ne plus laisser aux linguistes le monopole exclusif des bonnes pratiques de la langue française, en arrêtant l’usage des redondances.

Rien que dans cette première phrase, il y a six tautologies. Six. Cherchez bien (*). Dans son plaidoyer pour un bon usage de la langue française, Jean Maillet s’en prend aussi à la "pseudo-théorie du genre... grammatical". Ainsi, "antidote", "apogée", "armistice", "augure", "soldes", "termite" ou "tentacule" sont du genre masculin, alors qu’"échappatoire", "espèce" ou "oasis" sont féminins. En revanche, on prend moins de risques avec "alvéole", "réglisse" ou "thermos", qui admettent les deux genres.

Un "tri sélectif" abusif

Pas de pitié non plus pour les fautes de syntaxe. Ainsi, le grammairien et lexicographe précise qu’on se "souvient d’un événement" et qu’on se "rappelle un événement", qu’on "pallie une pénurie" (et non "à une pénurie"), qu’on habite "à Paris" et non "sur Paris"... L’auteur demande que l’on soit "intransigeant avec les intransitifs" : l’équipe de France ne "joue pas l’Angleterre", mais "contre l’Angleterre". Quant aux pataquès (les "fautes de liaison"), ils sont légion, et Jean Maillet déplore que la méconnaissance des règles d’accord des adjectifs numéraux conduise à affubler les mots problématiques d’un "h" aspiré initial, tel Louis Gallois qui évoquait à la télévision "5 700 [h] avions".

Que ceux qui cauchemardent encore à l’idée de replonger un jour dans un Bled délaissé depuis l’école se rassurent : ils retrouveront le goût de la langue et l’amour de la syntaxe avec cet ouvrage ludique et précis, mais aussi utile. Selon une étude de Mediaprism publiée dans Le Parisien à l’occasion de la parution du livre (éditions de l’Opportun, 296 pages, 18 euros), 78 % des personnes interrogées déclarent que ce sont les sportifs qui commettent le plus souvent des fautes de français, 51 % pensent aux célébrités (acteurs, chanteurs...) et 19 % aux hommes politiques et aux journalistes. Les quidams ne sont pas en reste : 70 % des Français reconnaissent abuser de la redondance "tri sélectif", mais seuls 21 % des sondés pensent que c’est incorrect, alors que sept Français sur dix déclarent succomber parfois aux anglicismes. Qu’on se rassure : 90 % d’entre eux estiment qu’il est temps de réagir contre l’appauvrissement de la langue française.

Testez-vous

Pour les plus intrépides et les amoureux de la langue de Molière, voici deux petits quiz (pardon : questionnaires).

Les phrases ou locutions suivantes sont-elles correctes ou non ?

1. "La situation est délicate. Ceci dit, tous les espoirs ne sont pas perdus".

2. "La commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale".

3. "Les particuliers ont fait des économies conséquentes".

4. "J’ai envoyé un courrier à ma banque".

5. "Enquêter sur un soi-disant financement illégal".

Vrai ou faux ?

1. "Faire long feu" signifie "traîner en longueur et finir par échouer".

2. On peut pratiquer "l’autopsie d’un corps".

3. "L’enseignement individuel : une alternative à l’échec scolaire".

4. "Achalandé" et "approvisionné" n’ont pas le même sens.

Réponses du questionnaire n° 1

1. Incorrect  : il faut corriger en remplaçant par "cela dit".

2. Incorrect : "la célébration du centenaire de la Première Guerre mondiale".

3. Incorrect  : "conséquent" ne doit pas être considéré comme un synonyme de "considérable, important, grand".

4. Correct  : on envoie "du courrier" ou "une lettre".

5. Incorrect  : un "prétendu" financement.

Réponses au questionnaire n° 2

1. Correct.

2. Incorrect  : la répétition est inutile, on ne peut pas autopsier autre chose.

3. Incorrect  : une "alternative" désigne une situation n’offrant le choix qu’entre deux solutions et ne peut avoir le sens de "solution de remplacement". Il faudrait ici employer "une solution alternative à l’échec scolaire".

4. Correct.

(*) "Au jour d’aujourd’hui", "s’avérer exact", "solidaires les uns des autres", "reporter à plus tard", des "rengaines que l’on entend trop souvent", "monopole exclusif".


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