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5 octobre 1892. Tagada, tagada, voilà les trois frères Dalton, abattus lors d’une attaque de banque.

dimanche 5 octobre 2014

Grat, Emmett et Bob Dalton décident d’attaquer simultanément deux banques. C’est vraiment une très mauvaise idée !

Le 5 octobre 1892, vers 9 h 30, cinq cavaliers débarquent dans le centre de Coffeyville, petite ville du Kansas. Ils abandonnent leurs chevaux dans une ruelle, puis, armés jusqu’aux dents, grimés avec de fausses moustaches et de fausses rouflaquettes, ils remontent la rue principale d’un pas décidé, sur deux rangs. Les trois hommes du premier rang obliquent vers la banque Condon, tandis que les deux autres traversent la rue pour pousser la porte de la Federal National Bank. On les sent aussi décidés que les hommes de Sarkozy lorsque celui-ci annonce son grand retour...

Ces cinq bandits ne sont autres que les frères Dalton Grat, Bob, Emmett et deux complices nommés Dick Broadwell et Bill Powers. Ils se croient suffisamment déguisés, mais un certain Alec McKenna les reconnaît au passage. Celui-ci ne revient pas de leur culot ou de leur inconscience car des douzaines de marshals, de détectives, d’agents spéciaux, et même de groupes de volontaires, sont à leurs trousses depuis des mois dans toute la région ? Leurs têtes sont même mises à prix, morts ou vifs. En les voyant s’engouffrer dans les deux banques, McKenna comprend que ce n’est pas pour y déposer leurs économies. Il hurle : "Il y a un hold-up ! Il y a un hold-up !" Comme Lucky Luke, en train de siroter un Coca dans un saloon voisin, n’a pas l’air de vouloir intervenir, les habitants de Coffeyville prennent les choses en main. Certains renversent un chariot en guise de barricade, d’autres se postent dans les magasins qui font face aux banques. Ils sont tous prêts à en découdre avec ces satanés frères Dalton. Pas question qu’ils piquent leur fric. Juppé et Fillon ont déjà défouraillés ayant reconnu le plus petit de la bande...

Les balles volent

À l’intérieur le directeur de la banque Condon, un dénommé Ball a un réflexe de génie. Quand Grat Dalton exige l’argent, il explique qu’il faut attendre que le mouvement d’horlogerie débloque la porte du coffre à 9 h 45 précisément. Grat décide de patienter jusqu’à l’heure fatidique. En réalité, le banquier s’est payé sa tête. Nulle horloge ne bloque le coffre, qui contient plus de 40 000 dollars. Mais le délai permet aux habitants de s’armer. C’est alors que les premiers coups de feu éclatent, obligeant Grat et ses deux complices, Dick Broadwell et Bill Powers, à s’enfuir les mains vides. En revanche, à la Federal National Bank, tout marche comme sur des roulettes. Emmett et Bob ont déjà jeté le fric dans un sac quand la fusillade se fait entendre. Ils décampent par la porte arrière pour rejoindre leurs trois complices dans la ruelle où leurs chevaux les attendent. Mais ils n’ont pas le temps de sauter en selle pour rejoindre Depardieu en Belgique que les habitants leur tombent dessus.

La bataille est violente. Les balles volent, les hommes s’écroulent dans les deux camps, plusieurs chevaux sont touchés. Jolly Jumper est en larmes. Seul Emmett parvient à enfourcher son cheval malgré ses blessures. Mais, au lieu de s’enfuir au grand galop avec le pognon, il fait demi-tour pour tenter de secourir son grand frère Bob, gisant sur le sol ! Celui-ci lui ordonne de fuir, mais il insiste. Un coup de feu sourd retentit. Emmett tombe à terre. Le crépitement des balles cesse. Tagada, tagada, et y’a plus personne. C’est l’UMP après la guerre des chefs... C’est alors qu’une main se lève mollement parmi les corps au sol, comme pour dire stop. Sur les cinq hors-la-loi, un seul est encore en vie, perforé tout de même par vingt-trois balles. C’est Emmett !

Avant de basculer dans l’illégalité

Mais quelle mouche a piqué les frères Dalton de braquer simultanément deux banques dans une ville où ils sont archi-connus ? C’est en effet à Coffeyville que la famille Dalton élit domicile en 1886 dans une ferme avant de partir s’installer à Kingfisher trois ans plus tard. Ma Dalton a quinze enfants, dont Bob, Grat et Emmett qui deviennent marshals adjoints, comme leur grand frère Frank, tué deux ans plus tôt dans l’exercice de ses fonctions. Le plus stupéfiant, c’est qu’ils font correctement leur job. Les trois frangins sont connus pour être des représentants de la loi très scrupuleux, ce qui est loin d’être le cas pour tous les shérifs de l’époque. Leur réputation vaut celle de Thomas Thévenoud avant qu’on ne découvre ses multiples fraudes... Les choses commencent à se gâter pour les Dalton quand le marshal en chef s’empare du salaire de Bob. Du coup, celui-ci finit par accepter le pot-de-vin d’un revendeur de whisky afin de le laisser filer chez les Indiens. Cela se sait, le voilà donc viré de sa fonction. Solidaire, Emmett démissionne. Puis c’est au tour de Grat de se faire virer quand il ne trouve rien de mieux à faire que de demander à un gamin noir de placer une pomme sur sa tête pour s’exercer au tir.

Privés de l’étoile de l’Oncle Sam, les trois frères Dalton continuent de traquer les voleurs de chevaux et de bétail en se joignant à des groupes d’auxiliaires de la justice, avant de basculer dans l’illégalité. Cependant, ils n’ont pas grand-chose à voir avec les quatre Dalton, Joe, William, Jack et Averell, dessinés par Morris - avec bientôt Goscinny comme scénariste. Les vrais Dalton ne sont que trois et pas moustachus. Ils ont les cheveux clairs, les yeux bleus, et font tous plus de 1 m 80. Grat est le plus casse-cou, que rien n’arrête. Bob, lui, est un tireur hors pair. Avec une Winchester posée sur la hanche, il est capable de rectifier un homme sans prendre le temps de viser. Enfin, Emmett est le benjamin, plus frêle, totalement dévoué à ses frangins. Tous trois montent à cheval mieux que personne, savent suivre une trace comme les Indiens. Ils recrutent dans leur bande Charlie Bryant, George Newcomb, Charley Pierce, Bill Powers, Dick Broadwell et encore Bill Doolin. Ils refusent Cahuzac, craignant un coup fourré de sa part...

Grat et Bob sont morts

Ils commencent par de petits larcins, comme voler des chevaux, puis ils se mettent à l’attaque de trains. Ils deviennent les rois du braquage. Entre mai 1891 et juillet 1892, le gang Dalton pille quatre convois. Les compagnies ferroviaires mettent leur tête à prix. Traqués sans répit, les trois frères ne rêvent bientôt plus que d’une chose : raccrocher. Seulement voilà, si leurs attaques et leurs pillages sont spectaculaires, leurs bourses restent vides. Avant de prendre leur retraite, ils veulent faire un coup du siècle qui pourrait leur rapporter plusieurs dizaines de milliers de dollars. Comme les trains ne rapportent pas assez, ils pensent à braquer une banque au Kansas où les habitants leur manifestaient une certaine bienveillance lorsqu’ils étaient encore des bandits justiciers. Mieux : ils prévoient de braquer deux banques simultanément ! Un coup royal qui n’a jamais été tenté, même pas par les célèbres frères James !

Ils ont joué, ils ont perdu. Grat et Bob sont morts. Seul Emmett a survécu. Les habitants se précipitent sur lui pour le traîner jusqu’à ses complices morts afin qu’il les identifie formellement. Leurs corps sont alignés sur le sol pour être pris en photo. Les vainqueurs posent à côté des cadavres, sourire glorieux aux lèvres. Exactement la même expression que le roi d’Espagne posant devant un éléphant qu’il vient d’abattre. Dans les 24 heures, des centaines de curieux accourent de tout le pays pour voir les dépouilles ou collecter un souvenir. La famille Dalton finit par récupérer les corps des deux frères morts, tandis qu’Emmett est envoyé en prison. Bientôt, la rumeur court que Bill Dalton, qui mène une carrière de hors-la-loi parallèle, s’apprête à revenir venger ses frères avec vingt-cinq gaillards assoiffés de sang. Les habitants de Coffeyville attendent en tremblant, des jours, des mois, des années... Rien ne se passe.

Emmett retrouve la liberté après 14 ans de prison. Il a alors 35 ans. Il écrit les mémoires du gang Dalton dans Beyond the Law et When the Daltons Rode et se voit même proposer de jouer son propre rôle à Hollywood. Tagada, tagada, au revoir, les Dalton.
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