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Leonardo : « Pour la première fois, l’équipe du Brésil devra se faire aimer du peuple »

mercredi 11 juin 2014

Leonardo Nascimento de Araújo ouvre sa porte sans user du moindre coup d’épaule, selon les règles en vigueur hors des terrains de foot. Il est raisonnablement stressé car il n’aime pas poser pour des photos, et son année sabbatique de rentier ronronnant l’a quelque peu déshabitué des servitudes médiatiques. Il transpire légèrement sous les bras, mais la « coolitude » bossa-novienne dont la nature a forcément doté chaque Brésilien(ne) est plus efficace qu’un déodorant triple action. Le rire irrésistible qui coule en douceur et ses petits roucoulements, surtout sur le « r » et le « ch », évoquent vite le sable sucré de Copacabana.

Voilà. Il se laisse tomber sur le canapé. Beau temps sur Milan. On est bien. Tout est bien. Tout baigne. La ligue de défense des clichés brésiliens veille au grain tandis que le sujet de la discussion roule doucement, aussi clair et scintillant qu’une cascade amazonienne. Le Brésil, le foot, le Mondial. Quelque chose de l’ordre de l’évidence.

Mais en vérité, il demeure très complexe de mesurer ce que le mot Brésil signifie dans l’imaginaire du fan universel de foot. Autant rester allongé dans les nuages un long moment, à tenter d’expliquer la Création d’une manière abstraite et décousue. Leonardo a sa petite idée poétique, voire touristique, sur la question : « Pour moi, le foot au Brésil, c’est le dimanche à 17 heures au stade Maracanã de Rio, avec le club de Flamengo, le plus populaire au Brésil. Et, si tu peux faire jouer Zico, mon idole de jeunesse, c’est le paradis. »

LE « CIRQUE » DU FOOT VU D’EN HAUT

A 44 ans, Leonardo a tout connu dans le foot, en salle comme en cuisines. Il a été joueur et champion du monde, entraîneur, directeur sportif. VRP et VIP du football global, il a vécu et travaillé en Espagne, en Italie, au Japon, en France, où il est passé deux fois par le Paris Saint-Germain, en qualité de joueur puis de directeur sportif. Il est réputé cultivé, brillant même (surtout !), quand il a ôté les crampons. Alors, il regarde ce cirque de très haut, avec lucidité mais sans trop d’affect ni d’excès de nostalgie. « Je m’adapte bien à tout ça. Ce n’est pas un problème. »

Leonardo manie parfaitement les paradoxes au sein d’horizons dispersés. Il fonctionne à l’ancienne : il n’a pas d’agent, pas de conseillers, mais il a le sens des affaires et du foot-business. Il connaît toutes les ficelles d’un milieu gangrené par le profit et les marlous à la dégaine de faux jetons. Il a travaillé au Milan AC de Silvio Berlusconi, avec lequel il s’est fâché (ce qui est sûrement bon signe), a brassé les millions du Qatar.

Depuis quelques jours, Leonardo encombre de nouveau la chronique de l’actualité sportive en délire. Il a été pressenti pour revenir au Paris Saint-Germain dès la saison prochaine au poste de directeur sportif qu’il avait dû quitter il y a pile un an, suite à une suspension consécutive à un retentissant coup d’épaule « involontairement » envoyé à un arbitre, qu’il jugeait incompétent, en mai 2013. Sa sanction expire le 30 juin.

Alors, reviendra ou reviendra pas à Paris ? C’est la question à laquelle il s’était le plus préparé. Pour surtout ne rien dire ni rien laisser paraître, il avait appris à respirer comme dans les techniques de relaxation. Rien à faire, il est devenu dur comme un caillou.

« JE NE FERME LA PORTE À RIEN »

« Je suis toujours en contact avec Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, et avec l’émir du Qatar. Mais aussi avec le président de l’Inter Milan, Massimo Moratti, dont je suis très proche. Je ne ferme la porte à rien. L’idée, c’est de reprendre quelque chose dans le football. J’ai vécu le très haut niveau avec le Milan AC, l’Inter et le PSG. C’est peut-être un problème aujourd’hui car je suis devenu exigeant. »

Un retour au PSG, ce serait un échec, non ? « Peut-être... Peut-être. » C’est là qu’il s’est lancé sur la situation politique française, sur l’éventuel retour de Nicolas Sarkozy. Comme pour mieux préparer le sien ? « Nicolas Sarkozy a été très important pour moi. Il a toujours été proche, attentif. A chaque moment un peu compliqué, il était là. Il pouvait m’appeler à 8 heures du matin quand c’était dur. "Allez, on y va", il me disait. Un mot mais pas de jugement. Il me téléphone encore. »
En farfouillant dans les archives, on s’est aperçu que Leonardo n’a jamais changé de coiffure (une sorte de coupe au bol très aplatie sur le dessus, avec des touffes plus épaisses sur les oreilles), ce qui en faisait un footballeur vraiment très décalé. Et puis surtout, lors de son deuxième passage à Paris, Leonardo avait élu domicile rue de Tournon, dans le 6e arrondissement. Une des rues les plus sexy du Paris historique, déserté par le footballeur du PSG normalement constitué qui préfère planter son écran supergéant désormais incurvé et sa collec’ complète de consoles de jeu dans un ghetto pavillonnaire des Yvelines.

« Ah ! La rue de Tournon. J’ai vendu mon appartement : je vis à Milan maintenant. Mais ça me manque, vous savez. » « Ah ! » (Il s’exclame souvent d’un "Ah !" en écartant grand les bras avec un sourire qui fait passer celui de son interlocuteur pour une grimace constipée.) « Ah ! J’avais mes commerçants, j’allais prendre mon café, le matin, aux Deux Magots ou aux Editeurs. Je croisais d’anciens aristocrates et de jeunes philosophes. »

LE BRÉSIL, PAS SEULEMENT LE PARADIS DU FOOT

Leonardo a bien essayé d’amener la conversation sur le « foot samba » brésilien mais, par les temps qui courent, ce n’est pas ce qui l’intéresse le plus. « Oui, le Brésil, c’est le paradis du foot. Oui, la Coupe du monde au Brésil, c’est la perfection. Oui, il y a une sorte de fantasme mondial. Le Brésil, pour tout non-Brésilien, est la deuxième équipe favorite de tout le monde. Si la France est éliminée, les Français seront pour le Brésil, etc. Mais on ne peut pas oublier ce qui se passe réellement aujourd’hui dans le pays. Hier, il y avait même la grève des policiers ! »

Pour résumer, les 11 milliards de dollars investis dans l’organisation du Mondial rendent les inégalités encore plus insupportables pour nombre de Brésiliens. "Depuis des mois, tous les problèmes surgissent : les hôpitaux, les autoroutes, les professeurs, les médecins. Je suis incapable de vous dire comment ça va se passer pendant la compétition. Il y a quelque chose de si puissant au Brésil que les paroles de Platini se perdent dans le vent. Je ne sais pas qui sera le plus fort : le foot ou les revendications sociales."

"Il faut absolument dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du Monde, avait déclaré le président de l’UEFA fin avril. Ils sont là pour montrer les beautés de leur pays, leur passion pour le football... S’ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats un peu sociaux, ça serait bien pour le Brésil et pour la planète football."
Leonardo a continué à réfléchir, un drôle de pétillement dans le regard. Peut-être même que, sur ce coup-là, il a réfléchi pour deux. Car, avec ce qui va suivre, on s’est dit qu’il ne méritait sans doute pas une chaire au Collège de France mais au moins un strapontin en velours côtelé.

Extraits d’une thèse improvisée : « Au Brésil, il est impossible de dissocier l’histoire politique, sociale et culturelle de l’histoire du football. Dans les années 1950, le Brésil a commencé à émerger. Il fallait démontrer la grandeur du pays, alors on a construit le plus grand stade du monde, le Maracanã. En 1958, quand Pelé devient Pelé, le football est utilisé par les politiques pour faire avancer les questions raciales. La victoire a permis une reconnaissance de l’homme noir au Brésil. En 1970, c’est encore le début de la dictature militaire. Elle utilise la Coupe du monde pour attester que le Brésil est un pays organisé. En 1994, le plan real du président Fernando Cardoso, véritable bouleversement économique, est instauré le 1er juillet, en pleine Coupe du monde aux Etats-Unis. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Pour la première fois, c’est le peuple qui utilise l’événement pour faire valoir ses revendications. »

UNE « LOURDE RESPONSABILITÉ » POUR LA SELEÇAO

Après ça, il était compliqué de lui demander un pronostic pour la victoire finale. Mais là, il n’a pas beaucoup phosphoré : « L’Allemagne, l’Argentine, l’Espagne et bien sûr le Brésil. » Mais il a tout de suite tiqué : « Le peuple brésilien est toujours énamouré de son équipe mais, à cause de tous ses problèmes, cet amour est caché. La victoire finale est peut-être un peu moins importante et une équipe sent forcément cette distance. La Seleçao a une lourde responsabilité : pour une fois, elle devra se faire aimer par le peuple. Pas le contraire. »

Quelques jours après cet entretien, le car de l’équipe nationale brésilienne qui rejoignait son camp de préparation était d’ailleurs attaqué par des profs en colère désireux d’attirer l’attention sur l’insuffisance des dépenses sociales.

Le Brésil a déjà organisé une Coupe du monde. En 1950, l’âge de pierre du foot. Ils étaient 200 000 à se masser au stade Maracanã de Rio, le cœur d’un volcan, pour voir triompher le Brésil lors du match décisif pour le titre mondial contre l’Uruguay. Le gardien, Barbosa, commet la bourde du siècle : 2-1 pour l’Uruguay, 1 000-0 pour le camp de la douleur. Le Maracanã était rouge comme la braise, il devient noir de désespoir. Le goal est frappé du déshonneur national.

Est-il raisonnable de revivre le même coup de grisou ? « Tout dépend de la manière dont on perd. Si on perd 2-1 en finale, aïe ! Mais le Brésilien ne pense jamais qu’il va perdre. Dans l’équipe actuelle, les grands noms jouent derrière (Thiago Silva, Dani Alves, David Luiz...). Cette équipe a beaucoup de talents mais tous ses joueurs disputent la Coupe du monde pour la première fois. »

Leonardo vagabonde. Il parle de la fierté d’être un footballeur brésilien à l’étranger. Il évoque Zico, le Pelé blanc des années 1980 - « le joueur le plus aimé au Brésil parce qu’il était beau, parce qu’il était humble » -, qui l’a emmené jouer au Japon en 1994. Leonardo avait à peine 25 ans et est devenu une star illico chez les Nippons. Parce qu’un joueur brésilien est un joueur génial, garanti sur facture, selon un pléonasme récurrent depuis 1958 et la naissance mondiale de Pelé. Par exemple, le PSG a toujours aimé voir la vie en auriverde. Il a importé tant de joueurs brésiliens depuis les années 1970 que ses supporters ont fini par croire que le foot avait été inventé au Brésil...

LA PLUS BELLE COUPE DE TOUTES ?

Leonardo parle aussi du jeu à la brésilienne. On est en 1970, au Mexique. C’est la première Coupe du monde en couleur à la télévision. La plus belle de toutes ? Il y a des noms qui chantent : Pelé, Rivellino, Jairzinho, Tostao, moulés dans un maillot soleil d’or, une équipe avec la beauté du diable, un jeu qu’on loue jusqu’aux étoiles.

Puis on est en 1982, Coupe du monde en Espagne. Il y a des noms collectors : Zico, Socrates, Falcao, Junior, Eder... pour une équipe démentielle. La plus belle de toutes ? En sport, c’est l’éternel tiraillement entre la « gagne » à tout prix et l’exigence romanesque du beau jeu.
« Au Brésil, c’est un vrai débat pour savoir quelle est la plus belle des deux. L’équipe de 1970 est championne du monde. Le Brésil 1982 est éliminé prématurément. A cette époque, le résultat n’était pas le plus important. La dimension esthétique était essentielle. Télé Santana entraînait cette équipe. L’adepte du "football art". Il interdisait à un défenseur mauvais techniquement de faire plus d’un mètre balle au pied. Il voulait du beau jeu. La possession du ballon, la passe, l’obsession du détail. »

Leonardo, lui, est champion du monde en 1994. Il ne jouait pas encore au foot comme un intellectuel. Dans un impeccable prélude de sa récente altercation avec un arbitre français, il assène « involontairement » un coup de coude à un adversaire lors d’un match du premier tour contre les Etats-Unis, pays organisateur. Le joueur restera quinze jours en observation à l’hôpital ; Leonardo, suspendu, ne jouera pas la finale.

Cette Coupe du monde, c’est un moment fatidique de l’histoire du pays car le Brésil n’avait pas remporté la Coupe depuis 1970, autant dire un siècle. C’est aussi un moment charnière car, tout au bout d’une finale soporifique remportée contre l’Italie aux tirs au but, le Brésil s’est forcé à rêver, mais son sourire d’ange s’est glacé.

Oui, bien sûr, il y a Romario et Bebeto en attaque mais il y a surtout Dunga au milieu, le capitaine, le mauvais génie du foot samba. Le Brésil triomphe, porté par le vent mauvais du réalisme à l’européenne. Son style de jeu devient riquiqui et standardisé, mais il mène loin.

Alors, pour adoucir la pilule de l’ennui, le Brésil est encore en finale en 1998. Ronaldo contre Zidane. Il se passe des choses étranges. Ronaldo aurait failli mourir quelques heures avant le coup d’envoi. Dopage ? Pression exacerbée d’un sponsor ? « On a tout entendu. Mais on ne saura jamais ce qu’il s’est vraiment passé. Même pas Ronaldo. Mais il n’y a pas de vérité cachée. »

Ce qui était caché, en revanche, c’est l’histoire du marquage de Zinédine Zidane sur les deux corners qui amènent les deux premiers buts des Bleus. Leonardo a été accusé d’un laxisme coupable sur le marquage du Français. Il révèle (enfin !) la vérité : « Non, je n’étais pas chargé de contrer Zidane. En fait, le malaise de Ronaldo, qui était absent lors du dernier briefing d’avant-match, a perturbé notre système de défense. Moi, je devais suivre le ballon, pas le joueur. C’est Edmundo qui devait s’occuper de Zizou. »

« JOUER VINGT ANS POUR LE MÊME CLUB, C’EST FINI »

Le sport, c’est parfois grotesque, souvent anecdotique. Le Brésil gagne le Mondial en 2002, Ronaldo marque deux buts en finale. Et alors ? C’est tout le foot qui va bientôt raconter une autre histoire. Jusqu’en 2006, on appelait la Coupe du monde le Mondial. C’était chouette. Aujourd’hui, il faut écrire « Coupe du monde de la FIFA ». C’est ridicule.

« Il faut être lucide. Tout a changé. Le football est différent. Les joueurs, le jeu. Les journalistes aussi ! Il y a vingt ans, on voyait trois journalistes à l’entraînement. Il y avait le glamour de l’attente. Maintenant, les gens veulent des choses plus immédiates, des buts. Un footballeur qui joue vingt ans pour le même club, ça n’existe plus. Aujourd’hui, tu ne te souviens même plus du Onze de ton équipe nationale lors de la dernière Coupe du monde. »

« La société est devenue un tourbillon frénétique, le football aussi, c’est un réflexe. Désormais l’essentiel est le niveau physique. Prenons Zidane. Il n’était pas le plus costaud, ni le plus rapide, mais il avait le talent pur. Ronaldo, Messi, Ibrahimovic sont des joueurs physiques. Ils ont du talent, beaucoup, mais ils sont d’abord physiques. Cruyff, Beckenbauer, c’était le talent pur. Tu admirais leur jeu comme une peinture. Maintenant, on veut le but. Ce sont des cycles. C’est comme pour le meneur de jeu : un vrai numéro 10, je ne sais pas quand ça reviendra. »

Leonardo est candide comme l’enfant qu’il a cessé d’être. Il va bientôt y avoir le Qatar et son projet au PSG – on ne résiste pas à ces sirènes –, mais avant, il y a une dernière tentative.

A Milan, à la fin des années 1990, Leonardo a ramené un morceau de rêve avec lui. Au pays du catenaccio (le verrou, un jeu en liberté très surveillée), il expérimente l’utopie offensive de Télé Santana. Le système de jeu de l’entraîneur Leonardo est baptisé le « 4-2-fantasy » par la presse italienne qui ne sait trop quoi en penser. Il remporte la Coupe d’Italie et puis basta.

Il a « toujours su » qu’il reviendrait à Paris. C’est arrivé en 2011, avec l’argent et les possibilités immenses offertes par les nouveaux propriétaires qataris. « C’est impossible d’affirmer que les Qataris ne sont pas compétents, qu’ils n’ont pas de respect. Ils ont acheté un club et m’ont donné la clé ! Les gens parlaient d’ingérences. Jamais ! »

Sa mission, ouvrir une nouvelle piste à la machette et mettre le club en orbite européenne : « Pas facile mais on est arrivé à quelque chose. Il fallait concurrencer le Real, la Juventus, le Bayern Munich, le Barça, Manchester United... Des clubs centenaires qui ont été bâtis pour régner sur l’Europe. Dans ces villes, tout le monde respire la soif de victoire. Le PSG, lui, n’est pas né pour ça. Le club est jeune et ne s’était encore jamais dit : "Je veux tout gagner !" De plus, à Paris, il y a beaucoup de gens contre le PSG. J’ai essayé d’inculquer un autre état d’esprit aux joueurs, au club. ça passe par la tête. Avoir de bons joueurs, c’est fondamental, mais même si tu as dix Pelé, tu ne peux pas gagner. Le nombre de choses qu’on a réalisées en deux ans n’a jamais existé dans l’histoire du PSG. Contre Chelsea, Paris a perdu, mais il a cru qu’il pouvait gagner la Ligue des champions. C’est nouveau. »

« ÊTRE RICHE ET SYMPA… C’EST DIFFICILE »

Maintenant, c’est Leo qui pose les questions. « Pourquoi avez-vous peur du Qatar ? » Parce qu’ils sont envahissants, non ? Et parce qu’ils traitent les étrangers comme des esclaves, pas vrai ? « Au Brésil, il y a des travailleurs qui gagnent 200 euros par mois et remercient leur patron à vie. Ce n’est pas la même chose ? Tu dois assimiler une culture, la comprendre et non pas critiquer sans savoir. C’est difficile d’être riche et sympathique. Surtout si on vit dans un monde où le cauchemar c’est l’économique et le manque de travail. Mais le concept du football n’a jamais changé. Des personnes se réunissent, mettent de l’argent de leur poche, montent une équipe, cherchent à gagner le championnat... Le Qatar, Abramovitch, Tapie, Berlusconi ont toujours existé. »

Lui qui s’adapte à tout, à tous les footballs et à tous les propriétaires de club, n’oublie pas son pays. Ses parents, issus de la classe moyenne, vivent toujours à Rio. Il verse dans le caritatif depuis quinze ans au Brésil avec Raï, son meilleur ami.

Raï, ancien capitaine du Brésil et du PSG, est le petit frère de Socrates. Le "docteur" Socrates, perdant magnifique d’un France-Brésil de légende à Guadalajara, lors du Mondial 1986, dégoulinant de sensualité, doté d’une paire de jambes louées à Cyd Charisse et intello davantage marxisant que son homonyme philosophe.

Le barbu et quelques autres avaient créé, au début des années 1980, au sein de leur club de São Paulo, « la Démocratie corinthiane », une autogestion communautaire des joueurs, une insoumission sportive, un manifeste libertaire brandi à la face de la junte militaire.

« Socrates a été le symbole d’un mouvement fort qui a fait réfléchir beaucoup de monde. Une manière de combattre la dictature. De dire on existe, on a le droit de penser et, si ça ne nous plaît pas, on ne fait pas. Aujourd’hui, la FIFA, l’UEFA, dans leur gestion, c’est un peu une dictature, non ? L’Etat, oui, je dois lui rendre des comptes, mais pas à une fédération. Qui c’est la FIFA ? Elle est reconnue par qui ? C’est une entité privée qui organise des compétitions ? OK ! Mais pas plus. Ces institutions ne pensent pas toujours au football, au vrai football... J’aimerais voir Platini et Sepp Blatter [le président de la FIFA] gérer une grande équipe de football... Blatter avoue qu’il a fait une bêtise en donnant la Coupe du monde 2022 au Qatar. Mais il a réfléchi à quoi pendant toutes ces années ? Il a commandé des études de faisabilité ? Celui qui dit ça doit démissionner. »

C’est l’unique fois où Leonardo a roulé des yeux noirs. « La vie est belle », sa vie est belle. Il vient d’être père pour la cinquième fois. Dans un mois, le Brésil sera peut-être sacré champion du monde pour la sixième fois et Leonardo déménagera peut-être à Paris pour la troisième fois.

Laurent Telo
Journaliste au Monde


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