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Que reste-t-il de Duvalier ?

mercredi 8 octobre 2014

Jean-Claude Duvalier est mort. La nouvelle est sur toutes les lèvres depuis samedi. Comme une fatalité, ce n’est pas sur son héritage que nous nous étripons, mais nous pinaillons sur la nécessité ou non de lui faire des funérailles nationales.

La machine totalitaire est à démonter jusque dans les plus petites pièces de son mécanisme pernicieux. Nous préférons parler protocole et symbole.

Il y a une mémoire du mal absolu à entretenir, les rechutes à prévenir, les commérages nous occupent. Les bla-bla-bla font florès sur les bords du volcan où nous dansons.

Duvalier et le duvaliérisme évitent le débat, esquivent l’opprobre, nous remettent devant nos failles et nos incohérences. Nous ne savons pas comment gérer notre encombrant passé.

Encore une fois, le fils de Papa Doc nous aura eus. On le voyait finir en exil, un dimanche, il nous est revenu. On le voulait devant ses juges, il circulait librement. On imaginait sa peur, il déambulait seul dans la ville. On l’espérait condamné, il file vers l’au-delà.

La vie comme la mort de Jean-Claude Duvalier sont des pieds-de-nez à cette société qui s’est couchée devant un enfant de 19 ans et qui n’a pas su juger, ni in absentia ni en sa présence, ce dictateur qui n’a jamais brigué un suffrage.

Aujourd’hui encore, les très concernés poursuivent le débat. S’agitent, regrettent, défendent, condamnent, se réjouissent ou se lamentent. On pétitionne, on argumente, on juge, on voudrait refaire l’histoire ou la prolonger.

La ville, le pays, tout doucement, passent pourtant à autre chose. A des préoccupations plus immédiates. Duvalier s’enfonce dans les replis de l’oubli collectif. Il prend sa place dans le néant.

Les tribunaux ont rouvert ce lundi. Ont-ils eu, nos magistrats assis et debout, une minute pour méditer sur les misères de la justice dans ce pays ?
Les professeurs célébraient une nouvelle journée. Ont-ils pris le temps de se demander quelle société ils aident nos enfants à construire ?
Les politiques ont-ils médité sur le mandat qu’ils ont reçu ou sur les fauteuils qu’ils rêvent d’occuper ?

Jean-Claude Duvalier, président à vie de la République, chef suprême et effectif des Forces armées d’Haïti et des Volontaires de la sécurité nationale, pendant plus de 14 ans, est mort.

Que reste-t-il de bien grand de son règne qui mérite des célébrations ou une réminiscence ? Rien.
Rien, sinon cette malheureuse et inquiétante fulgurance qui traverse l’esprit de tout chef d’ici et lui fait croire qu’il est, ou peut être, maître des vies, des biens, dispensateur des bienfaits, omniscient, seul juge du bien et du mal.

Duvalier est mort et il nous laisse le pire de son régime : la petite flamme éternelle de l’envie de dominer l’autre pour de mauvaises raisons. C’est à méditer.
Et à combattre, encore et encore.

Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


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