MosaikHub Magazine

Des troupes au sol en Irak, le tabou américain

jeudi 9 octobre 2014

Un an. C’est le temps qui a été jugé nécessaire, le 3 octobre, pour reconstruire une armée irakienne capable de reprendre aux djihadistes la grande ville de Mossoul par le général américain John Allen. L’ancien marine est le coordinateur de la coalition bâtie par les Etats-Unis pour s’attaquer à l’Etat islamique (EI). Autant dire que le fossé est grand entre l’urgence suscitée par l’assaut djihadiste contre la ville kurde de Kobané, le long de la frontière syro-turque, et la lenteur de la réaction internationale.

Le 8 octobre, le porte-parole du Pentagone, l’amiral James Kirby, a convenu qu’« il faudrait des troupes compétentes – des rebelles syriens ou des forces gouvernementales irakiennes – pour arriver à vaincre » l’EI. « Des frappes aériennes seules n’y parviendront pas, ne sauveront pas Kobané », a-t-il ajouté.

LES TROUPES IRAKIENNES RÉGULIÈREMENT MISES EN DÉROUTE

Ce faisant, le responsable du Pentagone a mis en évidence la faiblesse principale du dispositif en place pour l’instant : les troupes irakiennes ont été régulièrement mises en déroute par l’Etat islamique pendant ces derniers mois, quant à l’opposition syrienne que les Etats-Unis ont déclaré vouloir aider pour assurer cette présence militaire au sol, elles ne disposent pas, et sans doute pour longtemps encore, d’une capacité leur permettant de rivaliser avec l’EI.

Côté américain, le président des Etats-Unis a garanti depuis le début des frappes, le 8 août, que la présence de forces combattantes au sol était exclue. Les 1 600 hommes envoyés depuis trois mois en Irak pour encadrer les troupes irakiennes n’ont pas vocation à participer aux attaques. Cet engagement de Barack Obama ne cesse cependant d’être critiqué, à commencer par son ancien secrétaire d’Etat à la défense, Robert Gates.

60 % DES AMÉRICAINS CONTRE L’ENVOI DE SOLDATS AU SOL

Le chef d’état-major américain, le général Dempsey, avait d’ailleurs ouvert une brèche dès le 15 septembre, à l’occasion d’une audition par la commission sénatoriale des forces armées. « Pour être clair, si je parviens à la conclusion que nos conseillers doivent accompagner les troupes irakiennes pour attaquer certaines cibles » de l’Etat islamique, « je le recommanderai au président », avait-il déclaré.

Pressé de questions par les sénateurs, le militaire avait ajouté que si la stratégie américaine ne produisait pas de résultats, il retournerait « devant le président pour recommander de recourir à des troupes au sol ». La Maison Blanche avait réagi en assurant que l’engagement présidentiel restait toujours en vigueur et que Martin Dempsey n’avait fait qu’envisager des scénarios au cours de son audition. M. Obama ayant averti que l’effort militaire serait long, une réévaluation de la tactique utilisée n’est pas encore d’actualité.

Les déclarations réitérées du « no boots on the ground » (« pas de troupes au sol ») de M. Obama font écho à l’état de l’opinion américaine après quinze années de guerres ininterrompues en Afghanistan et en Irak. Le 29 septembre, un sondage diffusé par la chaîne d’information CNN, faisait apparaître que si 73 % des personnes interrogées soutenaient des frappes aériennes en Syrie, alors que les opérations en Irak jouissent d’un soutien similaire, une nette majorité (60 %) s’opposait à l’envoi de soldats américains au sol pour combattre les djihadistes.

Gilles Paris (Washington, correspondant)
Journaliste au Monde


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie