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11 octobre 1870. Pendaison de Margaret Waters coupable d’avoir assassiné près de 18 nourrissons.

samedi 11 octobre 2014

Sous l’ère victorienne, au lieu d’avorter, on se débarrassait des bébés indésirables chez des nounous tueuses. Le "baby farming" !

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos


Quand, le 11 octobre 1870, Margaret Waters monte sur l’échafaud pour être pendue, elle ne comprend toujours pas ce qu’on lui reproche. Officiellement, le tribunal l’a condamnée à mort pour l’assassinat du petit John Walter Cowen, qu’elle avait pris en pension. Elle est également soupçonnée de la disparition de 17 autres nourrissons. Elle crie à l’erreur judiciaire ! Il aurait fallu, au contraire, lui remettre une médaille. N’a-t-elle pas fait oeuvre d’utilité publique en recueillant les nourrissons non désirés de nombreuses filles-mères ? Si, par la suite, ils sont morts de malnutrition ou de maladie, ce n’est vraiment pas de sa faute. Mais plutôt celle de la malchance, de la maladie ou de l’insalubrité des logements. Aucun n’a été retrouvé dans son congélo... Apparemment, les juges n’ont pas été sensibles à son plaidoyer puisqu’en fin de journée elle se balance au bout d’une corde, à seulement 34 ans. Ses petits malheureux, elle peut maintenant les dorloter au ciel...

Margaret Waters est une des sept nourrices pendues durant l’ère victorienne pour "baby farming", ce que l’on pourrait traduire par "élevage de bébés". En fait, ces nounous se livreraient à un commerce ignoble : accepter d’adopter des nourrissons dont les mères veulent se débarrasser contre une jolie somme (entre cinq et dix livres), puis les laisser mourir de faim ou de maladie. Tout le monde y trouve son compte. Les filles-mères évitent la déchéance sociale et la nourrice crée un petit commerce florissant. Quant aux pauvres gosses, ils sont heureux de ne pas traîner dans l’enfer de la société victorienne. Pour sauver les apparences, les nourrices font croire aux jeunes mamans qu’elles placent leurs bébés dans des familles d’accueil.

Pute ou bonne

Margaret Waters bascule dans ce sinistre commerce bien malgré elle, Pôle emploi ne lui ayant jamais dégotté le moindre emploi... Au début des années 1860, Margaret est une épouse respectable, habitant Brixton, un quartier de Londres. Mais son mari l’abandonne, l’obligeant à trouver un job pour gagner sa vie. Pas facile à l’époque. En ville, le choix pour une femme seule se borne entre pute ou bonne. Mais Margaret est une femme ambitieuse qui décide de monter un petit commerce de couture pour fabriquer des cols et autres accessoires d’habillement. Elle s’endette pour acquérir une maison et des machines à coudre. Seulement, elle se révèle vite aussi douée pour les affaires que Lady Gaga pour le chant. C’est la faillite. Pour s’en tirer, elle loue les chambres de sa maison, mais cela ne suffit pas à régler ses créanciers. Elle déménage donc dans un quartier plus miséreux, cherchant une autre activité pour gagner sa vie.

En lisant le journal, son attention est attirée par les nombreuses publicités de nourrices proposant leurs services. Cela lui donne une idée, qu’elle met aussitôt en application. Dans plusieurs gares londoniennes, elle placarde des annonces pour proposer d’adopter des enfants contre une raisonnable rémunération d’une dizaine de livres. Bientôt, plusieurs filles-mères lui vendent leur nourrisson. Après leur arrestation, Margaret et sa soeur Sarah Ellis, qui est dans la combine, expliqueront qu’elles refilaient les nourrissons à une vraie nourrice. Elles lui payaient d’avance quinze jours de pension avant de disparaître à jamais. "Aucune nourrice ne m’a jamais demandé mon adresse", déclarera-t-elle plus tard aux juges. La combine est astucieuse, mais les filles-mères ne se bousculent pas au portillon. Margaret ne parvient toujours pas à rembourser ses dettes. Choisit-elle, alors, délibérément de laisser mourir "ses bébés" adoptifs pour économiser le paiement de la pension aux nourrices ? La justice britannique le suppose et elle le conteste.

Diarrhées et convulsions

Margaret affirme qu’au moins cinq de ses petits anges sont morts "naturellement" de diarrhées ou encore de convulsions. Cela n’est pas totalement impossible à une époque où la mortalité infantile est très élevée. Faute de pouvoir leur payer un enterrement décent avec Elton John jouant du piano, elle enveloppait les mignons petits cadavres dans du papier d’emballage avant de les abandonner dans la rue. Cécile Bourgeon lui avait pourtant recommandé de les enterrer... Quand les juges lui reprochent d’avoir laissé mourir ses poupons, elle répond : "Les parents d’enfants illégitimes qui cherchent à s’en débarrasser sont plus coupables que les personnes comme moi, et s’il n’y avait pas de tels parents, il n’y aurait pas de baby farming."

Lors du procès, elle décrit une méthode plutôt astucieuse pour refiler ses poupons à d’autres. Dans la rue, Margaret accostait un jeune enfant d’une dizaine d’années en lui disant : "Oh, que je suis fatiguée ! Prends mon enfant et voici six pence pour toi pour aller t’acheter des bonbons." Pendant que l’enfant était dans la boutique avec le bébé, elle s’éclipsait discrètement. Elle supposait alors que l’enfant déposait son fardeau à l’hospice général.

Les juges ne croient pas à son innocence. Ils pensent qu’elle tuait délibérément ses jeunes pensionnaires. D’où son exécution pour le meurtre du petit John Walter Cowen, tandis que sa soeur écope seulement de dix-huit mois de travaux forcés. Ces deux femmes étaient-elles de réelles criminelles ou les victimes d’une société victorienne terrorisée par la sexualité, poussant les filles-mères et les nourrices au crime ? La question reste posée.
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