MosaikHub Magazine

Les Qataris ne parlent pas…

mardi 14 octobre 2014

Lorsque nous avons débarqué au très chic Pavillon Cambon, on nous a tout de suite prévenus : « Les Qataris ne parlent pas. » Dommage, on aurait bien demandé au cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, le président de la Fédération qatarie de football, ou à son bras droit, Saoud Al-Mohannadi, comment ils encaissent les soupçons de corruption qui pèsent sur l’attribution du Mondial 2022 au petit émirat du golfe Arabo-Persique. Les deux jeunes journalistes de L’Equipe 21 auraient, eux, bien voulu poser quelques questions au patron du Paris-Saint-Germain. Mais « Nasser » (Al-Khelaïfi), qui s’exprime désormais en français, n’a pas fait entendre son petit accent ni laissé entrevoir son costume toujours impeccable.

Faute de quoi, ils ont pu enchaîner les stars chats avec des gloires plus ou moins anciennes et plus ou moins illustres du football mondial. L’ex-coach de Manchester City, Roberto Mancini, dont le nom a été évoqué pour remplacer Laurent Blanc sur le banc du PSG, a pris la défense du titulaire du poste. L’ancien défenseur argentin du club de la capitale, Gabriel Heinze, était tout heureux de retrouver Paris et son compatriote Juan Sebastian Veron. L’Espagnol Gaizka Mendieta, dont on avait perdu la trace depuis qu’il a arrêté de courir comme une mobylette avec le FC Valence, et le Néerlandais Patrick Kluivert n’étaient pas moins fiers d’annoncer leur participation à une future « Coupe du monde des légendes » à Doha, la capitale du Qatar. Quant à la tenniswoman blonde et biélorusse Victoria Azarenka, on se demande encore ce qu’elle était venue faire sur ses immenses talons aiguilles vert fluo au milieu de tous ces bonshommes en survêtements des clubs Real Madrid, FC Barcelone, Manchester United, Liverpool, Juventus Turin, Inter Milan, Borussia Dortmund, AS Monaco, FC Santos, Zénit Saint-Pétersbourg, Chakhtior Donetsk…

« CONNECTER LE BUSINESS ET LE SPORT »

Tout ce petit monde s’était donné rendez-vous au cœur de Paris la semaine dernière à l’invitation du Qatar pour participer à l’Aspire Academy Global Summit. Un événement hybride, à la fois « congrès mondial sur la performance et la science appliquée au football », où on a entendu Roberto Sassi, le vénéré préparateur physique de la Juve, accuser la technologie de « tuer l’art d’entraîner », et salon pour « connecter le business et le sport », où l’on a vu Henri Leconte faire la tournée des popotes pour tenter de vendre son entreprise de padel (discipline à mi-chemin entre le tennis et le squash qui se pratique en double, et pas debout sur une planche) aux « leaders de l’industrie du sport qatari ». Parmi eux, on a identifié la banque nationale du Qatar, Qatar Airways, le comité olympique qatari, la Ligue de football qatarie et, bien sûr, la fameuse Aspire Academy.

L’académie Aspire, c’est un peu l’Insep version qatarie, soit un complexe multisports gigantesque et ultraluxueux mais avec beaucoup moins de pensionnaires que son modèle français niché au cœur du bois de Vincennes. Inaugurée à Doha en grande pompe il y a dix ans avec déjà quelques stars chats avec le roi Pelé et Maradona, Aspire ambitionne aujourd’hui ni plus ni moins, nous confie son directeur espagnol Ivan Bravo, d’« offrir au Qatar une équipe compétitive pour sa Coupe du monde 2022 ». Le Mondial 2022 ! Faute de pouvoir en parler avec un dignitaire du pays hôte, nous avons donc demandé à un cousin qui passait par là, son altesse sérénissime le prince Hussein de Jordanie, par ailleurs vice-président de la FIFA, ce qu’il pensait de la décision de Joseph Blatter de ne pas rendre public le rapport sur les conditions d’attribution de l’épreuve au Qatar. « Nous ne devons pas avoir peur de le publier, c’est dans l’intérêt du football. » Chiche.

Stéphane Mandard
Journaliste au Monde


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