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Fondation de France / Séminaire

Quelle place pour la société civile dans la (re)construction durable en Haïti ?

mardi 14 octobre 2014

De concert avec le Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement (CRESFED), la Fondation de France a organisé, du 2 au 3 octobre à l’hôtel Le Plaza, un séminaire sur le thème « De la post-urgence au développement : bilans et perspectives ». A la clôture de cette rencontre vendredi, les échanges ont été ouverts notamment aux parties prenantes de la reconstruction et du développement en Haïti. Ils visaient à ouvrir un débat pluri acteurs sur la reconstruction durable du pays et le rôle joué par la société civile.

Ce séminaire a réuni une centaine de participants, en particulier les partenaires soutenus par la Fondation de France en Haïti après le tremblement de terre de janvier 2010. Plusieurs thématiques relatives à la reconstruction, au développement, entre autres, ont été débattues. C’est ainsi que la secrétaire technique du Comité international d’aménagement du territoire (CIAT), Rose-May Guignard, et le rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste, Frantz Duval, ont animé un débat sur le thème « Quelle place pour la société civile dans la (re)construction durable en Haïti ? ».

La secrétaire technique du CIAT estime que le pays doit se lancer dans un processus de définition d’une politique d’aménagement urbain, rappelant les causes qui ont provoqué autant de dégâts lors du séisme de 2010. « La région métropolitaine de Port-au-Prince avait une infrastructure qui date des années 80 et faite pour 500 000 personnes, a-t-elle dit. Rien n’a été mis à jour. C’est une région métropolitaine qui avait beaucoup de problèmes et le tremblement de terre a mis tout cela à nu. Notre préoccupation au CIAT c’est de voir comment faire fonctionner cette ville qui a été totalement cassée… »

Mme Guignard pense en outre que l’Etat doit poser le problème de l’aménagement du territoire. Mais, selon l’urbaniste, il ne pourra être résolu tant que le problème foncier du pays ne sera pas résolu.

Par ailleurs, Rose-May Guignard a fait remarquer que les acteurs de la société civile ne sont pas intéressés aux questions relatives aux enjeux urbains en Haïti, en dépit, selon elle, de son importance. « On est souvent la seule voix. (…) Pour moi la société civile a un rôle extraordinaire à jouer dans la reconstruction en faisant des plaidoyers pour la ville, pour les enjeux urbains. »

Pour montrer comment la situation de la région métropolitaine a détérioré, l’éditorialiste Frantz Duval a, de son côté, rappelé une phrase du géologue haïtien Georges Anglade qui, lors d’une conférence en juin 1991, a eu à [pré]dire que « l’avenir de Port-au-Prince ce sont les bidonvilles ». Lorsque le géographe avait prononcé cette phrase devenue une réalité absolue, fait-il remarquer, cité l’Eternel au Bicentenaire commençait à peine.

Le rédacteur en chef du Nouvelliste a rappelé en outre les raisons qui ont provoqué l’émergence de ces bidonvilles qui étendent leurs tentacules de jour en jour et se sont multipliés particulièrement après le tremblement de terre dévastateur de janvier 2010. Il a cité l’exemple flagrant de Canaan sur la route nationale numéro 1 qui a pris naissance tout juste après le séisme, et qui s’étend 4 ans plus tard sur quelque 1 000 ha de terre.

D’après M. Duval, ces bidonvilles traduisent l’échec des décideurs à reconstruire la ville de Port-au-Prince après le séisme. « Les gens ont trouvé que la communauté internationale et le gouvernement haïtien n’ont pas pu leur construire des maisons, ils ont construit eux-mêmes leurs maisons. Les maisons que l’on n’a pas pu construire après le tremblement de terre sont là, à Canaan et le long du bas du morne L’Hôpital, de Jalousie jusqu’à Gressier, en dehors de toute norme de construction. Dans quelques années, ils seront plus nombreux que les gens qui habitent dans la capitale », explique le directeur général de Radio Magik 9.

« Quand est-ce que la société civile, le CIAT et les décideurs vont enfin voir, comme l’avait dit Georges Anglade, que l’avenir de Port-au-Prince ce sont ces quartiers précaires ? », s’est demandé, perplexe, Frantz Duval.

Les participants ont manifesté beaucoup d’intérêts pour le sujet de la reconstruction du pays. Leurs questions et leurs commentaires ont porté beaucoup plus sur l’échec de la reconstruction du pays, de Port-au-Prince après le séisme, la responsabilité de l’Etat, de la communauté internationale et des ONG dans cet échec, que sur le rôle que doit ou devrait jouer la société civile dans la reconstruction du pays.

Ce séminaire a, par ailleurs, été une occasion pour la Fondation de France d’annoncer que ces actions ont pris fin en Haïti. Selon Philippe Lagayette, président de ladite fondation, à la suite du séisme dévastateur qui a secoué Haïti, « un élan de solidarité a permis à la fondation de collecter 35 millions d’euros (44 M$) pour le pays ». « Nous avions choisi d’intervenir sur une période de quatre années en soutenant des projets durables, au plus près des besoins des Haïtiens. La générosité des Français a permis de soutenir directement les initiatives de la société civile haïtienne, d’aider à relancer l’économie locale et l’agriculture, d’appuyer la reconstruction (…). Quelque 360 projets ont été soutenus, bénéficiant à plus de 900 000 personnes », a fait savoir le président de la Fondation France à l’ouverture du séminaire vendredi.

Bertrand Mercéus
mbertrand@lenouvelliste.com


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