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Le Yémen post-Saleh au bord de l’éclatement

mardi 21 octobre 2014

Trois ans après la destitution d’Ali Abdallah Saleh, qui tint les rênes du Yémen pendant trente-trois ans, l’ex-« Arabie heureuse » va-t-elle subir les affres d’une douloureuse partition ? Au vu des violents combats entre groupes armés chiites et sunnites, qui ont fait au moins soixante morts depuis dimanche 19 octobre, elle en prend le chemin, déplore Abdulrahman Al-Rashed, le directeur général d’Al-Arabiya News Channel.

Observateur avisé de la scène yéménite, il redoute que cette solution du pire ne porte en elle les germes du chaos. « Je pense qu’une séparation exacerberait les problèmes de la population au nord comme au sud, parce qu’il n’existe actuellement ni pouvoir dominant capable de mettre un terme à cette rivalité ni système électoral sur lequel les citoyens peuvent compter », analyse-t-il.

Au cours des dernières semaines, les houthistes du Nord – des rebelles de confession zaïdite, une branche minoritaire de l’islam chiite qui a dominé le pays politiquement pendant près d’un millénaire (jusqu’en 1962) – ont tenté de tirer parti de la vacuité au sommet de l’Etat pour consolider leur assise territoriale. Avec succès.

Depuis leur prise de Sanaa, la capitale, le 21 septembre, presque sans coup férir, ils n’ont cessé de gagner du terrain, et ce malgré la signature d’un accord de paix sous l’égide des Nations unies. En témoigne la conquête, la semaine dernière, du port stratégique de Hodeïda, sur la mer Rouge.

ÉCHEC DE LA STRATÉGIE AMÉRICAINE

Face à eux, néanmoins, se dressent des tribus locales et, surtout, les combattants sunnites d’Al-Qaida établis dans le Sud, qui leur opposent une résistance farouche dans les provinces de Baïda, Dhamar et Ibb. Les Yéménites, quant à eux, sont divisés sur la montée en puissance des houthistes, observe Gulf News : d’aucuns louent leur sagacité politique, quand d’autres voient en eux une menace à la stabilité.

Pour le Washington Post, la situation actuelle signe sans conteste l’échec de la stratégie mise en place par l’administration Obama, laquelle a certes pris une part active à la transition post-Saleh, mais sans aider le pays à se doter d’un cadre institutionnel pourtant vital. « Intervenir sans se préoccuper du besoin de créer des systèmes politiques viables et des forces à même d’assurer la sécurité nationale ne peut qu’ouvrir la voie à des Etats faillis – et, par ricochet, à des menaces accrues pour les Etats-Unis », tranche sans ambages le quotidien américain.

Sur le plan géopolitique, l’avancée des houthistes bouleverse également les calculs politiques régionaux, dans la mesure où ils entretiennent des liens étroits avec l’Iran chiite, note le chercheur américain Charles Schmitz dans Politico. L’Arabie saoudite (sunnite) nourrit ainsi une vive méfiance à leur égard et a mis en garde contre toute incursion sur son territoire, ce qui avait entraîné un bref conflit en 2009 (Bloomberg).

Dans ce contexte tendu, The Peninsula Qatar appelle les houthistes à créer les conditions d’un véritable partage du pouvoir, seul gage d’avenir dans ce pays pauvre de 25 millions d’habitants. Un vœu pieux ?

Aymeric Janier
Journaliste au Monde


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