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Ecrasante victoire des pro-occidentaux aux législatives en Ukraine

dimanche 26 octobre 2014

En votant massivement en faveur des deux principales forces politiques au pouvoir à Kiev, dimanche 26 octobre lors des élections législatives, l’Ukraine en guerre a exprimé un fort besoin de stabilité et d’unité. Selon les premiers sondages de sortie des urnes, la liste du président Petro Porochenko recueille 23 % des voix. Celle du premier ministre, Arsenii Iatseniouk, le talonne avec 21 % des voix. La participation est toutefois faible (52 %), contre 60,3 % lors de la présidentielle du 25 mai.

Le score élevé du Front populaire de M. Iatseniouk, à qui les sondages accordaient 10 points de moins, constitue la principale surprise du scrutin. Les électeurs n’ont pas voulu donner un chèque en blanc à M. Porochenko, mais ont plutôt plébiscité un tandem. M. Iatseniouk, populaire dans le pays, apprécié des partenaires occidentaux de l’Ukraine, a toutes les chances de conserver son poste de premier ministre. C’est précisément ce qu’il a promis aux électeurs durant la campagne.

POROCHENKO RESTE L’HOMME FORT DE L’UKRAINE

Six mois exactement après son élection à la présidence, c’est toutefois Petro Porochenko qui reste l’homme fort de l’Ukraine. Le président, qui devait jusqu’à présent s’appuyer pour gouverner sur des transfuges du Parti des régions de l’ancien président Viktor Ianoukovitch, va désormais prendre la tête d’une majorité solide.

En cela, le vote de dimanche clôt politiquement le chapitre de Maïdan. Le Parlement sortant, élu en 2012, ne reflétait pas le paysage politique issu de la révolution : c’est notamment lui qui avait voté les lois liberticides du 16 janvier, censées étouffer la contestation contre le président Ianoukovitch. Inacceptable pour une immense majorité d’Ukrainiens.

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Ces élections sont aussi celles d’un profond renouvellement de la scène politique ukrainienne. Le Parlement né du scrutin de dimanche est, de toute l’histoire ukrainienne, celui qui affiche la plus nette orientation vers les réformes et l’intégration européenne. Plus de la moitié des députés devraient être de nouveaux entrants.

Parmi eux, une vingtaine d’anciens activistes de la révolution de Maïdan, déterminés à ne pas laisser le personnel politique retomber dans ses vieux travers, mais aussi nombre de combattants plus ou moins illustres du front de l’est, à qui les différents partis ont accordé des places de choix sur leurs listes. La guerre dans le Donbass, sans avoir été un thème central de la campagne, reste omniprésente dans les esprits.

Nul ne pourra d’ailleurs l’oublier, lorsque le nouveau Parlement se réunira pour la première fois, fin novembre : 27 sièges resteront vacants, le vote ne s’étant pas tenu dans 12 circonscriptions de la Crimée, annexée par la Russie en avril, et dans 15 circonscriptions des régions de l’est dont le contrôle échappe à Kiev.

LES PARTIS PRORUSSES FONT LES FRAIS DE CETTE RECOMPOSITION

Les partis prorusses font les frais de cette recomposition. Le Bloc d’opposition, qui accueillait principalement des anciens élus du Parti des régions, obtient près de 8 % des suffrages. Pour la première fois depuis 23 ans, le Parti communiste (3 %) ne sera pas représenté au Parlement. D’ici quelques jours, des résultats plus complets montreront aussi si l’effacement du clivage politique entre le centre-ouest et le sud-est, observé lors de la présidentielle du 25 mai, se confirme. Les nationalistes ukrainiens de Svoboda sont en recul par rapport à leur score de 2012 (6,3 %).

Le scrutin n’a pas été parfait. Dans plusieurs circonscriptions, on peut s’attendre à ce que des réclamations soient émises sur l’honnêteté du vote et du dépouillement. L’Organisation pour la sécurité et le développement en Europe (OSCE), qui a supervisé le déroulement des opérations, doit rendre un premier verdict lundi après-midi. La campagne a aussi été marquée par la perpétuation des pratiques peu glorieuses qui caractérisent la vie politique ukrainienne depuis 23 ans.

Dans de nombreuses circonscriptions, la corruption électorale – distribution d’argent ou de cadeaux – est toujours de mise, et nombre d’élus peu réputés pour leur honnêteté vont conserver leur poste. Surtout, en l’absence de tout système de financement public, une poignée d’oligarques continuent d’exercer un poids immense sur la vie politique, en mettant leurs moyens financiers et médiatiques au service des listes et partis de leur choix.

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M. Porochenko, qui devrait dans les jours qui viennent enregistrer les ralliements d’une centaine de députés indépendants, va tenter de constituer la coalition la plus large possible. Il s’agit d’éviter un face-à-face avec le seul Iatseniouk. Les deux hommes s’apprécient et travaillent en confiance, mais ils sont en concurrence, et le seront encore plus avec les résultats serrés de dimanche soir.

« Tous les partis de Maïdan seront invités à faire partie de la coalition », a expliqué dimanche soir Iouri Loutsenko, l’un des bras droits de M. Porochenko, depuis le siège du parti. Outre le Front populaire, la liste réformatrice Samopomitch, emmenée par le maire de Lviv et qui réalise un très bon score (13%), devrait se joindre à la nouvelle majorité. Ioulia Timochenko, qui réalise un score décevant de 5,6 % à la tête de son parti Batkivchtchina, pourrait aussi être sollicitée.

LES DOSSIERS NE MANQUENT PAS POUR LA NOUVELLE MAJORITÉ

Une tâche extrêmement difficile attend cette nouvelle majorité. Il s’agit à la fois de répondre aux aspirations qui se sont exprimées durant Maïdan, autrement dit réformer en profondeur les structures du pays pour faire diminuer la corruption et améliorer la qualité de la gouvernance, et parer à l’urgence. Ici, les dossiers ne manquent pas.

Le plus brûlant d’entre eux est le conflit dans le Donbass. La stratégie de conciliation du président a permis de faire diminuer le niveau des violences, mais le processus de règlement politique engagé après les accords de Minsk, début septembre, est au point mort. M. Iatseniouk a été critique de cette stratégie, mais le dossier devrait rester entre les mains du président, qui négocie en même temps avec les séparatistes de l’Est et avec Moscou, pour tenter de convaincre le Kremlin de ne pas déstabiliser plus avant l’Ukraine.

Autre dossier urgent, le gaz. Moscou, qui a brutalement augmenté le prix de ses livraisons après le changement de pouvoir à Kiev et exige le règlement d’impayés, a coupé le robinet du gaz en juin. Les négociations sont régulières, sous l’égide de la Commission européenne, mais elles n’ont toujours pas abouti à un accord. Les réserves ukrainiennes sont limitées et deux jours avant le scrutin, le thermomètre est descendu en dessous de zéro degré à Kiev. Plus largement, l’économie est dans un état catastrophique. La situation, déjà peu brillante, a été encore fortement dégradée par la guerre. En 2014, le PIB pourrait se contracter de 8 %. La monnaie nationale, la hryvnia, a chuté de plus de 11 %, provoquant une forte baisse du niveau de vie.

Les bons scores des partis réformateurs et pro-européens montrent que la société ukrainienne est prête à patienter pour voir se réaliser les promesses de Maïdan. La guerre, en même temps qu’elle a ralenti la mise en œuvre des réformes, a soudé la société ukrainienne. Un autre signe en est le faible score obtenu par le Parti radical d’Oleh Liachko. Ce populiste qui estime notamment que l’Ukraine doit acquérir l’arme nucléaire, n’obtient que 6,5 %, loin des scores mirobolants que lui promettaient les sondages.


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