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« Qui vous paye ? Le FBI, la CDU, la CIA ? »

dimanche 9 novembre 2014

Commence alors un jeu du chat et de la souris avec les grepos. Lorsque Thierry Noir les entend déployer leur échelle de l’autre côté du mur ou qu’ils deviennent menaçants, il file. Durant toutes ces années, il n’entendra jamais un garde tirer un coup de feu. Un jour, pourtant, en lisant dans le journal, il apprend qu’une personne a été tuée dans la nuit. « J’ai compris que le mur était comme le crocodile que j’allais voir, enfant, au parc de la Tête d’Or, à Lyon. Comme il ne bougeait jamais, je croyais qu’il était en plastique… jusqu’au jour où quelqu’un l’a nourri devant moi et où j’ai vu sa mâchoire s’ouvrir en grand. »

Plus que les grepos finalement, ce sont les gens de Berlin-Ouest qui « le dérangent » lorsqu’il peint sur le mur. « Tous les gens qui passaient me mitraillaient de questions : ‘qui vous paye ? Le FBI, la CDU, la CIA ?’ » On l’accuse de vouloir faire du mur quelque chose de beau, d’acceptable. « Parfois, je passais plus de temps à parler qu’à peindre », s’amuse-t-il, tout en admettant qu’« il fallait être un étranger pour oser faire ça. Pour les artistes allemands, le tabou était trop grand. »

« Les cousins et les cousines du petit chaperon rouge »


Ces contraintes vont influencer son style qui gagne en épure : il invente une peinture « au kilomètre ». Il a trouvé sa signature : des personnages enfantins aux couleurs vives avec des gros yeux et des grosses bouches, qui dégagent une certaine mélancolie et une vraie poésie. Pour lui, ce sont « les cousins et les cousines du petit chaperon rouge ».

Le regard des gens change en 1987 avec le succès du film de Wim Wenders, Les Ailes du désir. Le cinéaste allemand a tourné son film l’année précédente à Berlin-Ouest et Thierry Noir a fait sa connaissance. Ses fresques apparaissent à l’écran à un moment-clé du film, celui où l’image passe du noir et blanc à la couleur parce que l’un des anges, tombé amoureux, devient humain. La démarche de Thierry Noir suscite désormais l’enthousiasme. Des badauds et des soldats américains se font prendre en photo devant ses peintures. Un jour, il reçoit même la visite de Nina Hagen, la « transfuge » de l’Est devenue une icône de la musique punk. A cette époque, Thierry Noir n’est déjà plus le seul « artiste du mur ».

Mais c’est surtout de l’autre côté du Berliner Mauer, en URSS, que les choses bougent : Mikhaïl Gorbatchev est désormais au pouvoir et « the wind of change » (« le vent du changement ») commence à souffler.


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