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Dix ans après la mort d’Arafat, la Palestine se déchire

mardi 11 novembre 2014

Les divisions se creusent entre Hamas et Fatah, alors que les Palestiniens commémorent la disparition de celui "qui incarnait l’unité nationale".

Les divisions palestiniennes ont éclaté au grand jour mardi à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Yasser Arafat, le Fatah et Hamas échangeant accusations et invectives après une série d’attentats contre des cadres du Fatah à Gaza. Le président Mahmoud Abbas a lancé la première salve, tenant "les dirigeants du Hamas" pour responsables de ces attaques, avant d’accuser le mouvement islamiste de "détruire" la précaire réconciliation signée au printemps entre les deux rivaux historiques.

Aussitôt, le Hamas a répliqué : tout cela n’est que "mensonges", "insultes" et "désinformation" alors même que "le peuple palestinien a besoin d’un président courageux", dix ans après la mort de son icône nationale. Les célébrations autour de celui que tous appellent de son nom de guerre, Abou Ammar, devaient être l’occasion de sceller la réconciliation qui a donné naissance à un gouvernement d’union. Mais elles ont au contraire été le détonateur, faisant entrer les Palestiniens dans un nouvel épisode de disputes fratricides.

Arafat "incarnait l’unité nationale"

À Gaza, aucune banderole, aucun portrait du leader défunt n’était visible et l’estrade qui devait accueillir la cérémonie de commémoration porte encore les stigmates de l’explosion qui l’a visée vendredi. "Abou Ammar incarnait l’unité nationale", se rappelle Refaat Hajaj, un trentenaire gazaoui. "On nous a privés de cet anniversaire. Mais l’histoire ne pardonnera pas à ceux qui freinent le plan d’Abou Ammar pour la libération de la Palestine."

Au lieu de l’unité sacrée, la bande de Gaza, où le Hamas rechigne à remettre les clés du pouvoir à l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, successeur d’Arafat et chef de son parti le Fatah, s’est réveillée mardi plus divisée que jamais. Après la série d’explosions ayant visé vendredi les maisons et les voitures des cadres du Fatah, le Hamas avait annoncé que sa police ne pourrait pas sécuriser les célébrations qui ont, de ce fait, été annulées. Des dirigeants du Fatah ont pointé du doigt le Hamas. Ce dernier a condamné ces attentats et dénoncé une campagne contre lui. Et la division, qui avait déjà mené en 2007 à une quasi-guerre civile, s’est un peu plus aggravée.

L’union a fait long feu

Privé de sa victoire aux législatives de 2006, le Hamas avait chassé un an plus tard le Fatah de Gaza. Au printemps, les Palestiniens, réconciliés, ont formé un gouvernement d’union et le Fatah avait été autorisé, pour la première fois depuis 2007, à célébrer l’anniversaire de la mort de son chef historique à Gaza.

Mais l’union a fait long feu et le contraste était saisissant entre Gaza et Ramallah, la capitale de l’Autorité palestinienne. Dans cette ville de Cisjordanie occupée, des milliers de personnes ont brandi le drapeau jaune du Fatah dans la Mouqataa où Arafat a été enterré après son décès dans un hôpital parisien le 11 novembre 2004. La foule se pressait derrière un parterre de responsables du parti, tandis que fanfares, chorales, drapeaux palestiniens et délégations venues de Cisjordanie occupée s’agitaient.

"L’heure de la liberté et de l’indépendance a sonné", proclamait un poster géant sur l’estrade où Mahmoud Abbas a prononcé son discours. Courant novembre, les Palestiniens, qui ont obtenu en 2012 le statut d’État observateur à l’ONU, doivent soumettre au Conseil de sécurité un calendrier pour la fin de l’occupation israélienne. Ce texte devrait en l’état être rejeté par un veto américain. Aussi les Palestiniens ont-ils déjà prévu d’autres étapes : l’adhésion à la Cour pénale internationale qui leur permettrait de poursuivre les dirigeants israéliens pour "crimes de guerre", et la rupture des accords de coopération sécuritaire avec Israël.

Le spectre d’un nouveau soulèvement

"Pourquoi attendre ?" a lancé de sa prison israélienne Marwan Barghouthi, figure du Fatah et leader de la deuxième Intifada (2000-2005). Il faut "mettre fin immédiatement à la coopération sécuritaire" qui fait des policiers palestiniens des "supplétifs de l’occupant", a lancé celui qui est présenté comme la principale menace pour M. Abbas si jamais il pouvait concourir à une présidentielle. "Poursuivre le choix de la résistance globale et armée", c’est "être fidèle à l’héritage d’Arafat", poursuit-il dans une lettre publiée par la presse.

Le spectre d’un nouveau soulèvement se fait de plus en plus précis en Palestine : les violences, désormais ininterrompues à Jérusalem, ont gagné les villes arabes d’Israël et la Cisjordanie occupée. Mardi, l’armée a de nouveau tué un jeune Palestinien.


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