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13 novembre 1909. Winston Churchill est fouetté par une suffragette sur le quai d’une gare

jeudi 13 novembre 2014

"Prends ça, espèce de brute !" lui lance Theresa Garnett qui sera arrêtée, puis relâchée.
Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Une féministe aussi gonflée que la Britannique Theresa Garnett, ça n’existe plus. En comparaison, les chiennes de garde actuelles ressemblent à des teckels édentés. À 21 ans, cette suffragette, militant pour le droit de vote des femmes, multiplie les attentats contre les machos britanniques. Elle n’a pas froid aux yeux, la gamine. Si un homme lui avait manqué de respect, elle ne l’aurait pas chatouillée avec un couteau comme Nabilla, mais elle l’aurait tout simplement décapité... Le samedi 13 novembre 1909, Theresa s’attaque carrément au pitbull de Sa Gracieuse Majesté, Winston Churchill. Certes, ce n’est pas encore l’homme qui fait plier Hitler, mais, à 35 ans, il est déjà ministre du Commerce extérieur. Et surtout, à ses yeux, le membre d’un gouvernement machiste.

Armée d’un fouet, coiffée d’un bonnet rouge, Theresa se rend à la gare de Bristol, où Churchill est attendu. À 15 heures, le voilà qui descend du train de Londres, accompagné par son épouse Clementine qui a accouché quelques mois plus tôt. À peine a-t-il fait quelques pas sur le quai que Theresa se précipite comme une furie, bouscule les inspecteurs chargés de sa protection et lui assène un vigoureux coup de fouet en hurlant : "Prends ça, espèce de brute, de brute ! Au nom des femmes insultées d’Angleterre."

"J’ai agi de sang-froid"

La suffragette est téméraire, mais maladroite. La mèche du fouet est arrêtée par le haut couvre-chef du ministre, lequel n’est même pas égratigné. Comme elle s’apprête à recommencer, Churchill lui saisit le bras pour s’emparer du fouet, qu’il glisse dans sa poche. Pendant ce temps, deux policiers immobilisent la suffragette, puis l’entraînent tandis qu’elle hurle : "Vous y avez eu droit, et les femmes britanniques vous en donneront encore davantage !" Quoique pâle, Churchill s’empresse de rassurer son épouse et ses amis avant de poursuivre son programme.

Theresa est aussitôt traînée au poste de police pour y être interrogée. Elle commence par refuser de donner son nom, mais on finit par la reconnaître. Car elle est connue : ces derniers mois, elle n’a pas cessé de multiplier les coups d’éclat pour réclamer le droit de vote aux femmes. Vers minuit, un ami vient la récupérer au poste. À un journaliste présent sur place, elle explique avoir guetté l’arrivée de Churchill dans la salle d’attente. "À son arrivée, je suis sortie. J’avais placé le fouet, qui est un fouet d’équitation, dans la manche de mon manteau. J’ai vu un attroupement et j’ai reconnu M. Churchill. J’avais décidé de faire claquer le fouet sur lui. J’ai vu les policiers et tous les autres autour de lui et je ne savais pas comment faire pour arriver jusqu’à lui. Néanmoins, je me suis avancée, il m’a vue avant que je n’arrive sur lui. Il a regardé droit vers moi. J’ai levé mon fouet et je me suis précipitée sur lui. Je pense que je l’ai touché en partie sur la figure. Il m’a frappée et j’ai essayé de le fouetter une deuxième fois sur la figure. J’ai vraiment voulu le marquer. Si les hommes avaient été fair-play, ils ne seraient pas intervenus. Je nie avoir été hystérique. J’ai agi de sang-froid. Cela fait plusieurs jours que je me suis préparée. C’était mon idée à moi seule."

Grève de la faim

Deux jours plus tard, Theresa Garnett est inculpée pour trouble à l’ordre public. Pas davantage, car Churchill, bon prince, n’a pas jugé bon de porter plainte. Poutine lui envoie un télégramme : "Dégonflé !" La suffragette est juste condamnée à une peine d’un mois de prison. Pour protester, elle entame une grève de la faim. Ce n’est pas la première fois et les autorités carcérales ne s’en laissent pas conter. La jeune femme est alimentée de force. Furieuse, elle met le feu à sa cellule. Elle passe le reste de sa condamnation dans une cellule de confinement, puis à l’hôpital après avoir été retrouvée inconsciente par ses gardiens.

Malgré ses 21 ans, la môme Theresa est une dure à cuire. Née à Leeds en 1888, elle devient institutrice. Après avoir assisté à une conférence d’Adela Pankhurst, tête de file des suffragettes en Australie, elle rejoint l’Union féminine sociale et politique (WSPU), dont l’objectif est d’obtenir, par la violence s’il le faut, les mêmes droits civiques pour les femmes que pour les hommes. En avril 1909, Theresa s’enchaîne dans la Chambre des communes. Le 27 juin, elle est jetée en prison pour avoir balancé des pierres sur l’artère londonienne de Whitehall. Elle commence immédiatement une grève de la faim, puis elle est accusée d’avoir mordu et donné un coup de pied à une gardienne. Peu après sa libération, en août, elle grimpe avec une autre suffragette sur le toit du Sun Hall à Liverpool. Retour à la case prison. Elle est relâchée quelques jours plus tard après avoir encore une fois entamé une grève de la faim. Quand de retour chez elle, elle apprend que Cécile Duflot prétend avoir les épaules pour se présenter aux Présidentielles, elle est pris d’un fou rire incontrôlable...

C’est l’époque où les suffragettes britanniques sont déchaînées. Elles ne se contentent pas de montrer leur poitrine, elles foutent carrément le feu aux institutions symbolisant le pouvoir masculin. C’est ainsi qu’une église et un golf réservés aux gentlemen partent en fumée. Le plus curieux, c’est qu’elles sont plutôt soutenues par l’opinion publique. Certaines paient de leur vie leur activisme. En 1913, Emily Davison meurt piétinée en tentant d’intercepter le cheval du roi George V lors d’un derby. C’est alors que la guerre éclate. Les suffragettes se partagent entre celles qui veulent suspendre les hostilités durant le conflit et celles qui veulent poursuivre le combat. Finalement, elles obtiennent partiellement gain de cause en 1918 avec le droit de vote pour les femmes de plus de 30 ans sous certaines conditions. Et totalement en 1928, quand le Parlement britannique octroie aux femmes exactement les mêmes droits que ceux des hommes. Rappelons que les Françaises n’obtiennent le droit de vote qu’en 1944.
C’est également arrivé un 13 novembre
1977- Claude Nougaro inaugure le nouvel Olympia, après travaux.

1970- Hafez el-Assad prend le pouvoir en Syrie après avoir renversé le président Nouredine Atassi.

1951- Naissance officielle du vin appelé Beaujolais nouveau.

1947- André Gide reçoit le prix Nobel de littérature.

1940- À New York, le film Fantasia de Walt-Disney est projeté pour la première fois.

1907- Paul Cornu réussit le premier décollage vertical d’un hélicoptère, atteignant l’altitude de 1,50 m…

1903- Décès à Paris du peintre et graveur français Camille Pissarro.

1851- Inauguration du télégraphe entre Londres et Paris.

1848- Naissance d’Albert Ier de Monaco, prince de Monaco.

1002- Massacre de la Saint-Brice : tous les Danois sont tués sur ordre du roi d’Angleterre


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