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Les incroyables trésors de l’Histoire : l’Éole d’Ader, le premier avion

samedi 15 novembre 2014

VIDÉO. Le musée des Arts et Métiers conserve la version bimoteur du premier engin volant construit par le Français Clément Ader.

Frédéric Lewino et Anne-Sophie Jahn

Ça,


Les incroyables trésors de l'Histoire : l'Éole... by LePointun avion ? La drôle de chose qui pend au plafond au-dessus du grand escalier du musée des Arts et Métiers ressemble plutôt à une immense chauve-souris. Lionel Dufaux, responsable des collections Énergie et Transport, s’amuse de notre ignorance. "Savez-vous que vous n’avez pas entièrement tort en disant cela. Clément Ader s’est inspiré de deux roussettes des Indes qu’il avait installées dans une volière de son hôtel particulier à Paris, pour dessiner les ailes de son appareil volant."

Cet inventeur français (on lui doit le bandage en caoutchouc des roues de vélo ou encore le théâtrophone) entreprend la construction d’un engin volant dans les années quatre-vingts, le dotant d’un moteur ultra-léger. Les deux ailes inspirées des roussettes ne battent pas, mais sont orientables en vol à l’aide de manivelles pour diriger l’engin et des pédales permettent de commander la direction au sol. Ader baptise son premier prototype l’Éole. La première tentative de vol a lieu le 9 octobre 1890 sur une piste de 200 mètres de long aménagés dans les jardins du château de Gretz-Amainvilliers. Ader s’installe sur la selle faisant office de siège. Le moteur ronfle, entraînant l’immense hélice. Les aides se reculent et Éole s’élance cahin-caha. Les spectateurs scrutent les roues pour voir si elles décollent du sol. Ils ont du mal à le déterminer et n’arrivent à aucune décision ferme. Quand l’appareil s’arrête, ils se précipitent derrière pour observer les traces au sol. Effectivement, elles disparaissent totalement sur une cinquantaine de mètres. Clément Ader considère qu’il a volé sur cette distance, à une vingtaine de centimètres de hauteur. C’est une première victoire. Mais on est encore loin du compte. Après ce vol, l’inventeur nomme son engin Avion (de avis, oiseau en latin)

Challenge

Après une démonstration devant les militaires, Clément Ader décroche en 1892 une subvention du ministère de la Guerre contre l’engagement de livrer un engin capable d’emporter le pilote et une charge de 75 kilos (homme, combustible ou explosif) à 300 mètres d’altitude, durant six heures et à une vitesse minimum de 54 kilomètres/heure. Et, bien entendu, il doit être totalement dirigeable. C’est un immense challenge. Pourtant l’inventeur le relève, il conçoit un nouvel engin baptisé Zéphyr (Avion II) qu’il abandonne rapidement pour un nouvel engin, Aquilon (Avion III), doté de deux moteurs de 40 chevaux. C’est celui-ci qui est présenté par le musée des Arts et Métiers, le premier ayant disparu. Les moteurs dessinés par Clément Ader sont de véritables bijoux composés de 1 540 tubes de 2 millimètres de diamètre pour une surface de chauffe de plus de 7 mètres carrés et un poids de seulement 17 kilos.

Après plusieurs années d’effort, l’appareil est prêt à voler en octobre 1897. Une piste circulaire de 450 mètres de diamètre est tracée dans le camp militaire de Satory. Le 12, Ader effectue un premier tour d’essai à la vitesse de 25 kilomètres/heure. L’avion fait des sauts de puce. Le vent qui se lève oblige à repousser les tentatives. Le 14, la météo semble meilleure. Les généraux Mensier et Grillon accompagnés de plusieurs officiers sont venus observer la nouvelle tentative. Vers 17 h 15, malgré un petit vent irrégulier, Ader décide de s’élancer. Quelques années plus tard, il fera le récit de l’essai : "Après quelques tours de propulseurs et quelques mètres parcourus, nous nous lançâmes à vive allure. La pression marquait environ 7 atmosphères, presque aussitôt les trépidations de la roue arrière cessèrent, un peu après nous ne ressentions plus que par intervalles celles des roues avant. Malheureusement, le vent était redevenu subitement fort et nous éprouvions des difficultés pour maintenir l’avion sur la ligne blanche." Celle-ci matérialisant le milieu de la piste.

Cassé du bois

Pas découragé, l’inventeur décide d’ouvrir les gaz en grand. "Nous fîmes monter la pression vers 8 à 9 atmosphères et immédiatement, la vitesse s’accrut considérablement, il ne venait plus des roues aucune trépidation..., l’avion se trouvait donc librement supporté par ses ailes ; sous la force du vent il avait constamment tendance à sortir de l’aire sur la droite, malgré l’action du gouvernail... Nous portâmes le gouvernail complètement à gauche en donnant encore plus de vapeur... L’avion obéit, se redressa bien un peu et se maintient pendant quelques secondes vers le retour à l’aire, mais il ne put lutter contre un vent trop fort, la malchance voulut que l’embardée prît la direction d’une installation d’école de tir garnie de barrières et de poteaux. Effrayé par la perspective d’aller nous briser contre ces obstacles, surpris de voir le sol s’abaisser sous l’avion et très impressionné de le voir fuir de travers à une vitesse vertigineuse, instinctivement nous arrêtâmes tout... Tout à coup survint un grand choc."

Avion III se couche sur le sol, endommagé. Il a cassé du bois comme diront plus tard les premiers aviateurs. Malheureusement, les militaires ne retiendront que cela. Dans leur rapport, il se bornent à constater que "d’après le sillage des roues, l’appareil avait été fréquemment soulevé de l’arrière et que la roue arrière formant le gouvernail n’avait pas porté constamment sur le sol." Ce n’est pas suffisant pour justifier de nouvelles subventions. Le ministère de la Guerre délaisse le prototype qui a déjà coûté huit millions d’euros d’aujourd’hui ! Mais Avion III a-t-il vraiment décollé ? Neuf ans plus tard, après les vols de Santos-Dumont et de Traian Vuia (bien moins connu), l’inventeur français prétendra qu’il aurait quitté le sol sur 300 mètres. Mais faut-il le croire ? Pas sûr. À noter qu’en 1906, les vols des frères Wright réalisés en 1903 ne sont pas connus en France.


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