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18 novembre 1686. Louis XIV se fait recoudre l’anus par le chirurgien Félix.

mardi 18 novembre 2014

Le souverain souffre qui souffre d’une fistule supporte stoïquement l’opération devant la cour.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

La face cachée du Roi-Soleil, c’est probablement la fistule anale dont il commence à souffrir le 5 février 1686, selon le journal du marquis de Dangeau : "Le roi se trouva assez incommodé d’une tumeur à la cuisse et garda le lit tout le jour." En cette lointaine époque, à force de chevauchés, les anus se fissurent. Le souverain n’y échappe pas. Ses médecins et chirurgiens multiplient les traitements sans aucun effet. Même le nettoyage de la plaie au moyen d’une lancette tranchante s’avère inutile.

L’entourage du souverain tente de garder le secret sur son mal, mais la rumeur se répand dans toute l’Europe aussi vite qu’un pet sur une toile cirée, si l’on ose dire. Certains envisagent déjà la mort du roi de France. Ses médecins ne savent plus à quel saint se vouer. Un moment, ils envisagent d’envoyer leur illustre malade tremper ses fesses dans les eaux de Barèges, réputées réparatrices dans le domaine. Mais avant d’entreprendre le lointain déplacement, il est décidé de tester lesdites eaux avec quatre personnes souffrant de la même maladie sous la surveillance d’un chirurgien de l’hôpital de la Charité. Quand elles reviennent quelques semaines plus tard, leur fistule est toujours présente. Exit les eaux de Barèges, de même celles de Bourbons en Auvergne, pas plus efficaces. Des charlatans espérant faire fortune avec le cul du roi assiègent Versailles avec des onguents soi-disant miraculeux. On ne les renvoie pas. Qui sait, l’un d’entre eux a peut-être trouvé la recette miracle. Donc Louvois accueille ces docteurs Diafoirus dans son propre hôtel particulier à Paris pour qu’ils fassent la démonstration de leur efficacité sur des "fistulés" trouvés dans la rue. Mais tous repartent aussi fendus qu’à leur arrivée.

Le popotin royal tourné vers la fenêtre

Bref, il ne reste plus que la grande opération - comme on disait à l’époque - à tenter : l’ouverture totale de la fistule pour sectionner les chairs corrompues afin que la cicatrisation puisse se dérouler. Inutile de dire qu’à cette époque dépourvue d’anesthésie et d’antibiotique, l’intervention chirurgicale constitue le dernier recours. Ça passe ou ça casse. Le roi, convaincu par Louvois, donne son accord. Mieux vaut tenter le tout pour le tout que mourir à petit feu. On choisit pour cela le premier chirurgien du roi, Charles-François Tassy, dit Félix, un homme extrêmement compétent quoiqu’il n’ait jamais opéré de fistule jusque-là. Qu’importe, il se rattrape en se faisant la main sur soixante-quinze "fistuleux de Paris" réquisitionnés dans les hôpitaux et les prisons. Cela lui permet de concevoir un bistouri spécialement adapté à cette fore de chirurgie qui restera dans les annales. Sa forme est courbe et il est prolongé par un stylet long, pointu et flexible. À la mi-novembre, Félix est prêt à mettre la main au "cul" de Louis XIV. L’intervention se déroulera à Versailles où le roi revient le 15 novembre, après un séjour à Fontainebleau. Le 16, il visite ses jardins de Versailles à cheval, ne montrant aucune appréhension. Il devise plaisamment avec les uns et les autres. Le dimanche 17, la journée s’écoule normalement, sans accroc à l’étiquette.

Le lendemain matin, le souverain est réveillé vers 5 heures par ses apothicaires venus préparer le champ d’opération à grands coups de lavements. Les intestins et l’anus du Roi-Soleil doivent reluire comme la cuisine de Masterchef. Une fois le grand lessivage opéré, les intervenants et les invités arrivent les uns après les autres : le père Lachaise, confesseur du roi, le chirurgien Félix, les médecins d’Aquin, Fagon, Bessière et Laraye, le bien nommé en la circonstance. Enfin, Louvois et Madame de Maintenon complètent l’assemblée. Le roi, qui ne semble pas stressé, demande à Félix de lui expliquer le fonctionnement de chaque instrument disposé sur la table, car la chambre du roi sert de salle d’opération. Une fois instruit, Louis s’allonge nu sur son lit, un traversin sous le ventre, son popotin royal tourné vers la fenêtre. Un écarteur d’anus en argent lui est alors introduit dans l’orifice ad-hoc. Deux apothicaires lui agrippent les jambes pour les maintenir écartées. Nadine de Rothschild est outrée de cette entorse à l’étiquette royale... C’est pourtant elle qui montra ses fesses dans Caroline Chérie car elle servait de doublure à Martine Carol ! Louis XIV agrippe la main de son fidèle Louvois.

L’intervention dure trois heures

Félix peut enfin se mettre à l’ouvrage sous le contrôle du Dr House. Il commence par faire une petite incision dans la fistule pour y introduire le long stylet flexible fixé à l’extrémité du bistouri. Celui-ci traverse la paroi de l’intestin où Félix attrape délicatement son extrémité avec son index introduit dans l’auguste rectum. Voilà donc notre chirurgien avec dans une main le manche du bistouri, et dans l’autre son extrémité flexible. Courageux, Louis XIV ne pousse pas un soupir. Félix n’a plus qu’à tirer à lui, d’un mouvement sec, son instrument pour ouvrir la fistule sur tout son long. Le roi serre les dents. Léon Zitrone, qui assure le direct pour TF1, ferme les yeux... Félix coupe avec une paire de ciseaux toutes les callosités encombrant la fistule. Huit coups suffisent. Le roi n’émet toujours pas le moindre grognement. À croire qu’il apprécie. L’opération est maintenant presque achevée. Félix introduit dans l’anus béant "une grosse tente de charpie recouverte d’un liniment composé d’huile et de jaune d’oeuf", puis enduit la plaie de plumasseaux. Il finit par des compresses et des bandages. Rassurez-vous, à un moment ou à un autre, l’écarteur est enlevé. L’intervention a duré trois heures.

Incroyable courage de Louis XIV qui reprend alors le cours de sa journée avec seulement une heure de retard. Il accueille dans son lit les courtisans habituels. Rachida Dati est la première à le féliciter, lui expliquant que cinq jours après son accouchement, elle siégeait déjà au conseil des ministres... Le roi fait prévenir son fils à la chasse et son frère qui est à Paris de la réussite de l’intervention. Chacun guette une expression de douleur sur la face royale, en vain. Il sourit. Le souverain ordonne que la journée se déroule à l’ordinaire. Après le déjeuner, il tient conseil comme à l’habitude. Le lendemain, il reçoit les ambassadeurs étrangers sans même montrer le moindre signe de fièvre. Au cours des jours suivants, le souverain n’éprouve toujours aucune douleur. Quinze jours plus tard, cependant, Félix constate que la cicatrisation ne se fait pas correctement. Le 6 décembre, il doit à nouveau manier les ciseaux, puis le 7, il lui faut inciser plus profondément pour que la cicatrisation se déroule dans le bon ordre : depuis le fond de la plaie vers l’extérieur. Cette fois, le roi déguste et doit renvoyer le Conseil à plusieurs reprises. La cicatrisation est enfin en bonne voie.

Le samedi 11 janvier 1687, 54 jours après la grande opération, le roi peut enfin se promener à pied dans l’Orangerie, sans ressembler à Bartabas quand il descend de cheval... En guise de récompense pour son intervention, Félix reçoit une fortune : 50 000 écus (environ 6 millions d’euros d’aujourd’hui) et la terre des Moulineaux de même valeur. Tous les autres médecins sont également récompensés. Du coup, la fistule devient à la mode. De nombreux courtisans demandent à subir la grande opération. "Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps n’ont plus eu honte de la rendre publique, il y a eu même des courtisans qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que le roi s’informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des incisions ; j’en ai vu plus de trente qui voulaient qu’on leur fît l’opération, et dont la folie était si grande qu’ils paraissaient fâchés lorsqu’on les assurait qu’il n’y avait point nécessité de la faire", écrit Pierre Dionis, le chirurgien de la reine Marie-Thérèse. À jamais, l’opération de la fistule de Louis XIV reste dans les annales de la médecine.
C’est également arrivé un 18 novembre
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